Aidants et actifs : comment les entreprises peuvent accompagner cette double vie
Communication, aide financière ou organisationnelle… quel éventail d’actions pour les entreprises souhaitant accompagner leurs collaborateurs aidants ?

La France compte environ 8,5 millions d’aidants, ces personnes qui accompagnent un proche en perte d’autonomie pour réaliser des actes de la vie quotidienne, des tâches ménagères ou des soins médicaux, d’après la dernière enquête de la Dares, datant de 2017. Derrière ce terme se cachent de multiples réalités : enfant en situation de handicap, parent vieillissant, conjoint malade…
Selon les chiffres du baromètre BVA/April de 2021, plus d’un aidant sur deux est salarié. Or, rares sont les entreprises à s’être emparées de la question. Quelle attitude adopter pour faciliter le quotidien de ces collaborateurs, à la double ou à la triple vie, s’ils sont également parents de jeunes enfants ? Comment les accompagner tout en respectant leur vie privée ? Gwénaëlle Thual, présidente de l’Association Française des aidants, nous éclaire.
Instaurer un climat de confiance
La première étape pour permettre aux proches aidants qui le souhaitent de faire part de leur situation à leur employeur est de cultiver la bienveillance dans l’entreprise : « L’instauration d’un climat de confiance est un préalable nécessaire pour favoriser l’émergence de la parole. Mais, attention, tous les aidants n’ont pas besoin d’aide. L’idée est d’ouvrir la porte, d’orienter sans brusquer, forcer ni assigner. C’est faire en sorte que les aidants qui ont besoin et souhaitent une aide puissent la trouver aisément. L’entreprise peut jouer ce rôle de facilitateur », précise Gwénaëlle Thual.
Pour ce faire, des ateliers de sensibilisation des managers et des salariés et des campagnes de communication sur les dispositifs d’accompagnement existants, via des webinaires ou des conférences, peuvent être mis en place.
L’information est essentielle pour aller au-delà des préjugés entretenus par méconnaissance : « Les aidants souffrent de l’image victimaire, sombre, qui leur est accolée par certains médias. Lors de nos échanges avec des aidants, ils nous le disent : globalement ils ne se reconnaissent pas dans ce tableau ! » souligne la présidente de l’Association Française des aidants.
Prendre en compte la diversité des situations d’aidance
« La première préoccupation, c’est que la personne accompagnée puisse accéder aux soins qui lui sont nécessaires. Le quotidien d’un aidant n’est pas celui d’un autre. D’autant que le contexte et les déterminants socio-économiques influent sur la manière de vivre une situation d’accompagnement. Il ne faut pas oublier non plus que ces besoins peuvent évoluer au fil du temps : dégradation ou amélioration de l’état de santé, perte progressive d’autonomie, fréquence des rendez-vous médicaux… », rappelle Gwénaëlle Thual.
Servir de relais d’information
Les entreprises peuvent aussi être des guides vers des plateformes d’information, telles que Ma boussole aidant, la Compagnie des aidants ou Nouveau souffle. « Elles peuvent aussi mobiliser leurs ressources internes : service RH, médecine du travail, managers, assistants sociaux, pour apporter la réponse la plus adaptée en fonction de la problématique rencontrée : prévention, accompagnement dans l’ouverture d’un dossier… », poursuit-elle.
Pour avoir des informations sur les différents dispositifs d’accompagnement, la loi, votre convention collective, vos accords d’entreprise, votre mutuelle et votre prévoyance peuvent vous fournir de précieux renseignements.
« Il existe quatre grands types de mesures d’accompagnement :
- Celles qui visent prioritairement la personne accompagnée, comme son accueil temporaire dans une structure adaptée
- Celles qui s’adressent à la fois à l’aidant et à la personne accompagnée, tel que le séjour de répit adapté
- Celles qui concernent plus directement l’aidant, à l’image du congé de proche aidant
- Celles qui visent à créer un contexte organisationnel pour faciliter le quotidien des aidants et des proches accompagnés, comme des travaux de France Stratégie quant aux dispositifs existants et les évolutions à anticiper. »
Donner suffisamment de temps et de souplesse
« On parle souvent de concilier la vie pro et la vie perso, mais concilier, ça signifie dans les faits tout faire en même temps. Dans le cadre de l’aidance, il est plus juste de parler d’articulation des temps de vie », estime Gwénaëlle Thual. Là encore, l’entreprise a des cartes en main pour faciliter l’organisation de ses salariés aidants : adaptation des horaires, absence de travail de nuit, dons de RTT ou de jours de congés de la part de collègues, possibilité accrue de recours au télétravail, congé de proche aidant, congé de présence parentale ou congé de solidarité familiale…
Soutenir sur le plan financier
Outre les dispositifs étatiques existants, les entreprises peuvent apporter un soutien financier ponctuel (équipement spécifique d’aménagement du véhicule ou du logement, par exemple) ou permanent (allocation enfant handicapé, abondement des chèques CESU dans le cas de l’embauche d’une aide-ménagère…).
Apporter un soutien psychologique
L’aidance peut être source de charge mentale pour vos collaborateurs. D’où l’importance de prévenir leur épuisement et leur isolement social, en leur donnant accès à des lignes d’écoute psychosociales, en réalisant des diagnostics de santé mentale pendant la visite médicale professionnelle, ou bien en organisant des Cafés des aidants® dans votre entreprise : « Ces espaces permettent d’échanger avec d’autres aidants sur son vécu, au travers d’un thème, et de bénéficier des conseils d’un psychologue et d’un assistant social rompus à cette thématique. Ces temps de parole apportent un soutien moral et émotionnel aux aidants. »
Reconnaître les compétences développées dans le cadre de l’aidance
Enfin, pour remettre les aidants qui le souhaitent sur le chemin de l’emploi après une longue période d’inactivité professionnelle, due à l’accompagnement d’un proche, Gwenaëlle Thual milite pour la reconnaissance des compétences développées dans le cadre de l’aidance : « Lorsque vous coordonnez l’intervention de différents professionnels à domicile, lorsque vous assurez la gestion budgétaire de ces interventions, vous développez des compétences qui ont de la valeur pour un employeur. Coordination, communication, gestion du stress sont des qualités qui intéressent les entreprises, et pas seulement dans le secteur du médico-social ! » Son association a lancé, avec le Cercle des Vulnérabilités et Société et AG2R la Mondiale, un outil permettant d’identifier et de valoriser ces compétences transférables, qui est actuellement testé par plusieurs entreprises.