Vie de RH : « Le jour où un candidat a failli me frapper en entretien d’embauche »

Sabrina Quéré, Head of Talent Acquisition Manager chez Leocare, partage une anecdote qui montre qu’il faut savoir faire preuve de sang-froid quand on est recruteur.

"Mon conseil est d’être toujours entouré, de ne pas faire son entretien seul, au bout du bâtiment."
"Mon conseil est d’être toujours entouré, de ne pas faire son entretien seul, au bout du bâtiment." © HelloWorkplace

« Je suis chargée de recrutement dans la grande distribution et je recrute du personnel pour des hypermarchés du Nord parisien. Pour sourcer, je passe principalement par Pôle emploi et les Missions locales. Je recrute à des postes d’équipiers polyvalents et d’hôtes de caisse, des postes peu attractifs du point de vue des horaires, des facilités d’accès des points de vente, de la rémunération. Les candidats sont compliqués à convaincre. Il faut travailler à la débrouille, aller avec son stand dans l’hypermarché pour alpaguer les gens. »

« Le candidat me dit qu’il gagne plus en ne travaillant pas »

« Un jour, un candidat m’est envoyé au centre de recrutement par une Mission locale. Nous transmettons à nos partenaires toutes les informations liées au salaire, aux horaires, aux conditions de travail du poste. Je pars du principe que le candidat a eu les infos avant de passer l’entretien. L’homme que j’ai en face de moi paraît très sûr de lui, on échange, je ne le trouve pas très motivé par le poste. »

« Quand vient le sujet de la rémunération, je lui dis qu’il sera rémunéré au SMIC. Il me répond que ce n’est pas ce qu’on lui a dit, qu’il gagne plus en ne travaillant pas, qu’il s’est déplacé pour rien, qu’on lui a menti. Il se lève et me montre son poing. Je vois déjà mon nez exploser, je n’en mène pas large… On reçoit les candidats dans des box de 2m², cette proximité rend la situation plus menaçante. J’ai peur de ne pas réussir à l’amener vers la sortie. »

« J’essaie de m’excuser, de dire qu’il y a peut-être eu une incompréhension avec la Mission locale, je parle des autres avantages, des possibilités d’évolution : chef de rayon, chef de secteur, jusqu’à directeur de magasin, mais ça ne fonctionne pas. Il finit par quitter la pièce. »

« Certains candidats nous attendaient à la sortie »

« Je suis soulagée mais terriblement en colère. Je vais me plaindre au responsable du site. Des boutons d’alerte sont en projet mais ils n’ont toujours pas été installés. Depuis, ces dispositifs qui permettent d’alerter immédiatement l’adjoint du site en cas de problème sont présents dans tous les box. Dans cette entreprise, la sécurité est un vrai sujet. Des vigiles ont été employés pour nous rassurer, car certains candidats nous attendaient à la sortie. Des collègues ont même reçu des menaces de mort. »

« Quand on reçoit des candidats éloignés du monde du travail, qui traversent parfois des passages difficiles, ils peuvent avoir des réactions violentes, auxquelles on ne s’attend pas. Durant cette expérience, j’ai compris ce qu’était vraiment la précarité. J’ai reçu des SDF, des alcooliques. Ça donne du sens à notre métier de recruteur d’aider les gens à sortir de ces galères en leur trouvant un emploi. Cette expérience professionnelle a aussi été une fabuleuse école qui m’a appris à déployer beaucoup d’énergie pour pourvoir des postes peu qualifiés. »

« Je fais moins de réponses dès la fin de l’entretien d’embauche »

« Mon conseil est d’être toujours entouré, de ne pas faire son entretien seul, au bout du bâtiment. Cette expérience m’a appris à garder mon calme en toutes circonstances, à tempérer. Je fais aussi moins de réponses en direct, dès la fin de l’entretien. Car c’est parfois difficile de se mettre à la place de la personne pour savoir comment elle va réagir à un refus. Je donne aussi, à chaque fois, des éléments de motivation du rejet de la candidature et des axes d’amélioration du CV et de la lettre de motivation. »

« Aujourd’hui, le risque est davantage du côté du cyberharcèlement. Il faut comprendre que la haine de ces personnes est dirigée contre l’entreprise et pas contre nous en tant que personnes. Seulement, on est la vitrine de l’entreprise, donc on reçoit directement toutes les frustrations, l’amertume des candidats. »

Après sept ans d’expérience comme chargée de recrutement dans des secteurs aussi variés que le luxe, la grande distribution, les assurances, la restauration, Sabrina Quere a exercé pendant trois ans le poste de responsable des mobilités et des carrières au sein d’un grand groupe audiovisuel. Elle est, aujourd’hui, Head of Talent Acquisition Manager and Culture de la compagnie d’assurances Leocare.

Bien s’équiper pour bien recruter