Vie de RH : « Le jour où j’ai décidé de faire passer mes entretiens d’embauche en marchant dans le parc »

De ses entretiens d’embauche en plein air, Loïc Mahé a conservé l’importance de ménager des temps de respiration pour laisser de l’espace au candidat.

"Les entretiens en plein air m’ont montré les bénéfices de laisser de l’espace (au sens propre comme figuré) au candidat."
"Les entretiens en plein air m’ont montré les bénéfices de laisser de l’espace (au sens propre comme figuré) au candidat." © HelloWork

« Quand j’ai pensé à changer de cadre pour faire passer mes entretiens d’embauche, je me trouvais alors au sein d’une entreprise en croissance dans la région bordelaise qui était en train de faire des travaux pour moderniser ses locaux. En parallèle, je devais recruter activement un grand nombre d’ingénieurs informatiques et en électronique, des profils difficiles à attirer en région. Nous manquions de place et je ne pouvais pas recevoir les candidats dans une pièce dédiée, au calme. M’est venue l’idée de profiter de la pinède toute proche, arborée d’essences plantées au XVIIIe siècle. Et d’utiliser cet atout du cadre de travail, en plus de mes arguments techniques habituels, pour convaincre les candidats de nous rejoindre. J’ai lancé les entretien outdoor : je proposais aux candidats de répondre à mes questions en marchant dans le parc. »

« La marche amène de la décontraction »

« Ça a donné des résultats formidables ! Quand les candidats arrivaient, certains étaient un peu surpris, déroutés, mais finalement ils trouvaient le principe plutôt convivial. Comme l’écrivait Rousseau, la marche amène de la décontraction, est propice à la réflexion. Cette formule improvisée convenait bien à l’image que l’entreprise souhaitait renvoyer : un site moderne, jeune, ouvert. D’une contrainte de bâtiments inadaptés, où on risquait d’être interrompu toutes les cinq minutes par un marteau-piqueur, est née une nouvelle pratique de recrutement. »

« Les entretiens en mouvement sont une manière d’ouvrir la discussion, d’aller au-delà des compétences techniques, pour promouvoir le style d’organisation collective de l’entreprise. En se promenant, on parlait naturellement de nos manières de travailler, de l’état d’esprit dans lequel on aimait travailler, beaucoup plus facilement que dans un bureau de chef du personnel avec le règlement intérieur affiché derrière lui. Cet environnement nous a aussi permis d’aborder des sujets qu’on n’aurait pas évoqués pas entre quatre murs. Au détour d’un bosquet avec des cèpes bordelais, un candidat m’a parlé de ses cueillettes aux champignons quand il était enfant. D’autres me parlaient des sports qu’ils aimaient pratiquer en forêt. »

« On ne sent pas le regard de l’autre qui peut intimider »

« La marche côte à côte met recruteur et candidat sur un pied d’égalité : on ne se parle pas les yeux dans les yeux et c’est sans doute moins intimidant pour le candidat, qui envisage alors la relation de travail sous un angle différent. Quand on marche, on ne sent pas le regard de l’autre qui peut intimider, voire paralyser. La marche est libératoire : on respire différemment, on parle plus lentement, on a moins peur des silences, on prend le temps de formuler ses idées. »

« Pendant les mois qu’ont duré cette expérience, je n’ai été confronté à aucune réaction négative. Je suis même persuadé que cette approche décalée a pu créer une envie chez certains candidats de venir tester la vie dans notre site. Ces entretiens m’ont révélé l’importance de créer un climat de confiance dès le début du recrutement. C’est le meilleur gage pour s’assurer que les deux parties s’accordent sur les termes du contrat. »

« Arrêtons d’être obsédés par les compétences techniques ! »

« Quand on a de nombreux recrutements en cours, on est souvent minutés : on doit voir un certain nombre de candidats en un temps imparti. Malgré tout, il faut prendre soin de garder le temps de permettre à chacun d’exprimer ce qu’il attend. Les recruteurs ont tendance à poser beaucoup trop de questions aux candidats. Or, il faut laisser de la place à l’écoute non dirigée. Ça permet de répondre aux questions décisives pour faire les bons choix, côté candidat comme côté recruteur. »

« Les entretiens en plein air m’ont montré les bénéfices de laisser de l’espace (au sens propre comme figuré) au candidat. Il faut lui laisser l’occasion de montrer en quoi il est en adéquation avec le poste et la culture de l’entreprise. Tout ne se joue pas sur le contenu du job mais aussi sur son environnement et sur la manière dont la personne se l’appropriera. Arrêtons d’être obsédés par les compétences techniques requises par un job, essayons avant tout de comprendre si le job correspond à l’état d’esprit, au fonctionnement de la personne. »

Fort d’une longue carrière à la direction des ressources humaines dans de grandes entreprises françaises des secteurs de l’électronique, de la pharmaceutique, Loïc Mahé est aujourd’hui conseiller en accompagnement managérial à son propre compte et Senior Advisor au sein du cabinet Oneida-Oasys.

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Bien s’équiper pour bien recruter