Ma victoire RH : « Faire passer toute mon entreprise à la semaine de quatre jours »

La série qui célèbre vos grands succès et vos petites victoires professionnelles. Découvrez le récit d’Indya Pereira, ex-People and Culture Manager chez Lalilo.

"Certains collègues m’ont dit qu’ils ne seraient pas allés au bout de l’expérience si je n’y avais pas cru."
"Certains collègues m’ont dit qu’ils ne seraient pas allés au bout de l’expérience si je n’y avais pas cru." © Indya Pereira

« Je suis arrivée dans les RH par hasard. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire après mon école d’ingénieur, alors j’ai décidé de faire une année de césure pendant laquelle j’ai été le bras droit du CEO de la start up Lalilo : j’assistais le dirigeant sur la partie administrative, les contrats, la paie et les recrutements. J’ai découvert le monde des RH et des start up par la même occasion : j’ai aimé la culture d’entreprise innovante et j’ai décidé d’y revenir à la fin de mes études, d’abord en tant que développeuse. »

« La clé de l’autogouvernance est la sollicitation d’avis »

« La culture de cette entreprise repose sur le pilier de l’autogouvernance : les collaborateurs ont une grande part de responsabilité dans la prise de décision, y compris pour déterminer leur propre salaire. Ce schéma ne peut fonctionner que dans un climat de confiance, de bienveillance et de transparence. La clé de sa réussite est la sollicitation d’avis : à condition de consulter l’avis des experts du sujet et de toutes les personnes qui seront impactées par ta décision, on estime que tu disposes ensuite de toutes les informations qui t’autorisent à prendre une décision éclairée. Ce mode opératoire, qui renforce l’engagement des collaborateurs, m’a convaincue qu’on pouvait avoir une approche RH différente. »

« Chez Lalilo, tous les salariés ont la possibilité de se consacrer à des projets qui leur tiennent à cœur. J’ai donc pris en main des sujets liés au recrutement, à l’organisation du travail, à la marque employeur, en parallèle de mes missions de développeuse. Fin 2021, la semaine de quatre jours est arrivée sur la table. On a d’abord fait une veille sur les pays, comme l’Islande, et les entreprises qui l’avaient déjà mise en place. Puis on a sollicité l’avis de nos collaborateurs via un sondage : 97% se sont déclarés favorables à une expérimentation dans notre entreprise. »

Un exercice de rationalisation du temps de travail

« On s’est inspirés d’un modèle qui avait fonctionné dans d’autres entreprises tech : rester ouvert cinq jours par semaine en mettant en place un roulement des équipes. Chaque service s’organisait : les collaborateurs pouvaient choisir de ne pas travailler le mercredi ou le vendredi, avec une flexibilité possible en fonction des semaines. On a préparé les équipes en leur partageant pas mal d’infos. Puis on a demandé à chacun de lister toutes les réunions récurrentes auxquelles il participait. On s’est ensuite posé la question de celles qu’il fallait conserver, supprimer, décaler, raccourcir, de celles dont on devait limiter la fréquence ou le nombre de participants. Ça nous a permis de rationnaliser notre organisation du temps de travail : dans les faits, la plupart des réunions d’une heure sont passées à 30 minutes et nous avons développé la communication asynchrone. »

« Tout n’était pas rose mais on a trouvé des solutions »

« Pendant 4 mois, nous avons aussi régulièrement interrogé les employés sur l’influence de la semaine de quatre jours sur :

  • leur niveau de stress
  • la communication entre collègues
  • leur équilibre vie pro et vie perso
  • leur charge de travail

Ces retours nous ont permis d’identifier certaines limites et de faire des ajustements : améliorer la transmission d’informations la veille de la journée d’absence, demander à une autre équipe d’assurer le back up d’un collaborateur sans binôme pendant ses jours off… On s’est amélioré au fur et à mesure, tout n’était pas rose, mais on a fini par trouver des solutions. »

« Je suis à la place à laquelle je dois être »

« Je suis fière d’avoir porté ce projet ; je sens que je suis à la place à laquelle je dois être. Certains collègues m’ont dit qu’ils ne seraient pas allés au bout de l’expérience si je n’y avais pas cru. Pour y arriver, il ne faut pas baisser les bras à la première difficulté. Il faut s’affranchir de ses pensées limitantes, définir des KPIs clairs d’évaluation et accepter d’avancer par tâtonnements. Avant de faire le test, il était difficile de croire qu’on pourrait produire autant en moins de temps. Pourtant, c’est ce que nous faisons. La productivité s’est maintenue, voire s’est améliorée, pour au moins 6 raisons :

  • On est en meilleure forme, donc plus efficaces ;
  • On a un meilleur équilibre pro/perso : on fait en sorte de concentrer les tâches personnelles, qui alimentent notre charge mentale au travail, sur nos journées off ;
  • Selon la loi de Parkinson, plus on a du temps pour réaliser une tâche plus elle nous prendra du temps. On a constaté que la réciproque était vraie ;
  • La recherche scientifique prouve que le vendredi est la journée de travail la moins productive de la semaine. Sa suppression a donc peu d’impact sur notre productivité ;
  • Le mercredi et le vendredi sont devenus des jours sans réunion qui permettent d’avancer plus rapidement sur des tâches de fond ;
  • Bien préparer la transformation permet de revoir ses process internes pour les optimiser.

« Au-delà des questions de productivité, les résultats de cette expérience sont positifs à plusieurs titres : la motivation des collaborateurs a été ravivée, leur énergie aussi. Les équipes sont aujourd’hui en meilleure santé et mieux reposées. Et on a élargi nos recrutements à de nouveaux profils intéressés par ce rythme de travail, notamment les parents. »

« Dans toute transformation RH, le plus important est d’être déterminé et d’inclure tous les collaborateurs dans les changements qui les concernent. Le métier de RH évolue : on est passé d’un rôle d’exécution, où l’on ne pouvait pas trop challenger la direction, à un rôle stratégique de Business Partner. On nous laisse plus d’espace pour partager notre vision, alors prenons cette place-là ! »

Diplômée d’école d’ingénieurs, Indya Pereira a d’abord eu une carrière de développeuse chez Lalilo, une start up spécialisée dans l’enseignement de la lecture et du français. Début 2022, elle décide de bifurquer vers les RH, en devenant People and Culture Manager au sein de la même entreprise. Elle est aujourd’hui consultante RH indépendante et accompagne notamment les entreprises dans leur passage à la semaine de 4 jours.

Bien s’équiper pour bien recruter