Quitter son travail : la position du démissionnaire

000picto temoignages  2Abandonner, abdiquer, renoncer, se dérober… Le champ lexical autour de la démission ferait passer les salariés qui quittent le navire pour des couards. Pourtant, cette décision est loin d’être anodine et demande une bonne dose de courage. La preuve : si un tiers des salariés déclarent vouloir démissionner, à peine 10% d’entre eux passent à l’acte, selon une étude du cabinet Mercer parue en 2011. Outre la question de l’avenir, pour ceux qui osent quitter leur entreprise, il faut aussi faire face à la réaction de la hiérarchie, au jugement des collègues ou encore des proches. Afin de comprendre l’état d’esprit du démissionnaire, Mode(s) d’emploi a interrogé trois salariés en instance de divorce de leur société…

Thibault : « de longues nuits d’insomnie »

Tray of eggsChef de produits mobiles, Thibault intégrera au mois de mai, en tant que salarié, une exploitation familiale avicole (production d’oeufs de consommation). Loin, très loin du monde des applis mobiles pour cet ancien Parisien.
« La démission précédente m’a permis de quitter Paris et de me rapprocher de ma famille. Si le poste que j’occupe actuellement est intéressant, j’ai choisi de le quitter pour saisir une opportunité de carrière vraiment différente. J’ai énormément réfléchi avant de prendre ma décision. Entre le moment où j’ai commencé à y songer et la remise de la lettre de démission, il a bien dû s’écouler trois mois. Ce fut une période intense de réflexions, de longues nuits d’insomnie à peser le pour, le contre. D’autant que dans la période actuelle, ça n’est pas facile de lâcher un CDI et il suffit de passer une excellente journée au travail pour douter. Heureusement, ma femme m’a particulièrement encouragé à réaliser mes envies. Une fois la décision mûrie, il m’a encore fallu deux-trois semaines pour l’annoncer à ma direction. Durant ce laps de temps, j’avais la sensation de ne pas être honnête : les collègues parlent des projets à venir et il faut donner le change. Au final, tous les interlocuteurs de la société ont compris mon choix. Il m’a simplement été demandé de rallonger de quelques semaines ma période de préavis afin de ne pas planter l’équipe. Personnellement, j’aurais préféré quitter l’entreprise un peu plus tôt mais je ne pouvais pas partir comme un voleur. Et puis je ne sais pas ce qu’il va se passer dans les mois, les années à venir. Si jamais je réalise que je n’ai pas fait le bon choix, j’aurais peut-être l’envie de retrouver ma situation actuelle. Autant rester en bons termes avec son employeur… »

Frédéric : « je sature de la fonction publique » *

Hand holding keyLa sécurité de l’emploi, il connait bien. Trop bien peut-être. Alors qu’il occupe un poste d’administratif dans une Université parisienne, Frédéric souhaite aujourd’hui se tourner vers le privé. « Trop protocolaire », la fonction publique ne lui convient plus.
« Je suis issu du monde du spectacle, je n’ai jamais eu de vocation particulière à travailler dans la fonction publique. Quand j’ai passé un concours il y a plus de dix ans, il s’agissait avant tout de faire plaisir à ma femme en accédant à un emploi stable. Aujourd’hui, je sature de ce système idiot, où l’évolution professionnelle tient à l’ancienneté plutôt qu’au mérite. Je prépare depuis longtemps ma reconversion dans la communication, en tant que free-lance ou à défaut comme salarié. J’espère pouvoir annoncer ma démission d’ici le mois d’avril, une fois mon projet véritablement abouti. En pratique, cela peut être refusée mais dans les faits ça n’est jamais le cas. Par contre, la réponse peut mettre 4 mois à arriver… Autant ma femme comprend que je n’en puisse plus, autant ma famille, mes proches ont essayé de me dissuader de quitter la fonction publique. Ça leur semblait inimaginable de lâcher un emploi à vie. A mon sens, le plaisir pris au travail compte bien plus que cette sécurité. Je ne prétends pas être totalement détaché, j’ai régulièrement des phases de doutes et je suis conscient que je connaîtrai des périodes de vache maigre. Mais l’envie de progresser, de me réaliser au travail comptent plus que cela. Cette simple idée suffit à me réconforter et à consolider mes choix. » (* le prénom a été modifié)

Carole : « je gagne bien ma vie mais je n’en profite pas » *

Childhood nostalgia teddy bearPour Carole, commerciale en Aquitaine, quitter son entreprise est un choix avant tout familial. Alors que son mari a repris une boutique de jouets il y a environ deux ans, ils vont bientôt travailler de concert.
« Dès le départ, nous savions qu’en fonction de l’essor de la boutique se poserait la question de travailler ensemble. Le succès étant au rendez-vous, nous n’avons pas réfléchi longtemps. En à peine une semaine j’ai annoncé cette décision à mon employeur. Je ne voulais pas faire de mystère, je préférais que tout le monde soit au courant le plus vite possible de mon départ. Afin d’assurer mes arrières, j’ai tout de même négocié une rupture conventionnelle, laquelle a été acceptée. Il y a eu ensuite une période de flottement d’environ un mois avec mon employeur avant de trouver un compromis sur la date du départ. Comme je souhaitais avancer sur le site internet qui complétera la boutique physique de mon mari, j’ai également stipulé que si les choses mettaient trop de temps à se décanter, j’aurais besoin d’un « 80% ». Finalement, je quitte officiellement mes fonctions seulement en juin 2013, le temps que la société trouve mon remplaçant. Dans un échange gagnant-gagnant avec mon employeur, ma semaine a été écourtée d’un jour, en partie grâce à mes congés payés, tout en conservant 100% de mon ancien salaire. Malgré les projets à venir, je me sens encore impliquée à 100% dans mon travail actuel. Je reste curieuse de la stratégie de l’entreprise et dans tous les cas, je sais que j’aurais toujours de l’attachement pour la société et mes collègues. Cette période de transition est finalement rassurante. Je n’imagine pas faire mes adieux, mon carton sous le bras… Pour le reste, nous sommes plutôt des fonceurs avec mon mari. Aujourd’hui je gagne bien ma vie mais je n’en profite pas. Ça n’est pas ma philosophie : je préfère gagner moins d’argent mais consacrer plus de temps à mes enfants, à ma famille. Maintenant, on ne peut que nous souhaiter que cela fonctionne ! » (* le prénom a été modifié)

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Bien s’équiper pour bien recruter