Evaluations, augmentations… Les entreprises priées d’être transparentes à tous les étages
La directive européenne sur la transparence des rémunérations va avoir des effets directs sur la négociation salariale lors des entretiens annuels.
La directive européenne sur la transparence des rémunérations, qui doit être transposée en droit français d’ici l’été 2026, introduit notamment une obligation de communiquer une fourchette salariale à tout candidat au début du processus de recrutement. Mais elle impose aussi (et c’est moins connu) un devoir pour chaque employeur d’informer ses collaborateurs des critères en fonction desquels sont définis les niveaux de salaires et les montants d’augmentation. Ces critères devront être objectifs et non-sexistes afin de lutter contre les discriminations.
Un nouveau droit d’information pour les salariés
En outre, le texte européen donne le droit à tout salarié, quelle que soit la taille de son entreprise, d’avoir accès aux niveaux de rémunération individuel et moyen, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail que lui ou un travail de même valeur que le sien.
« Dès l’entrée en vigueur de la loi, les entreprises vont devoir justifier toutes leurs décisions en matière de rémunération, qu’elles soient liées au salaire de base, aux primes ou aux avantages, à partir d’éléments objectifs », liste Virgile Raingeard, CEO de Figures, qui consacrait une conférence à ce thème lors du Compensation Summit, le 10 octobre. « Naturellement, les augmentations vont de plus en plus être basées sur l’évaluation des collaborateurs dans le cadre des entretiens annuels. »
Mais comment définir des critères d’évaluation clairs, objectifs et acceptables pour les salariés ?
Des critères objectifs d’évaluation de la performance et du potentiel
D’abord, en se posant la question des comportements et réalisations qu’on souhaite valoriser à l’échelle de l’entreprise. « La définition de la performance varie en fonction de la culture d’entreprise, de son secteur d’activité, du poste et du contexte », précise Clotilde Mérillon, Head of People chez Tellent. Un salarié performant, est-ce quelqu’un de très productif ? Qui est moteur dans l’équipe ? Qui s’adapte vite au changement ? Qui apprend rapidement ?
Certaines décisions d’évolution salariale se fonderont également sur le potentiel du salarié. « La question est : peut-on évaluer le potentiel de manière objective ? » s’interroge Virgile Raingeard. Là encore, la réponse est à chercher du côté de comportements observables : une capacité de leadership, d’adaptation, de gestion des conflits…
Au fil du temps, Jessica Djeziri, DRH de Bloomays, a appris « à rédiger des objectifs clairs, un par phrase, avec des chiffres », mais aussi « à aligner les objectifs de l’équipe sur ceux de l’entreprise ». « On n’augmente pas les gens juste pour les payer au marché si l’entreprise ne se porte pas bien ! » ajoute-t-elle.
Quels outils de mesure ?
Vient ensuite la question du comment : quels outils de mesure mobiliser ? La plupart des RH ont recours à des scores dans le cadre de leurs revues de performance. « De nombreuses entreprises se basent aujourd’hui sur des échelles comptant cinq niveaux : en-dessous des attentes, légèrement en-dessous, aux attentes, au-dessus des attentes, exceptionnel », résume le CEO de Figures.
De son côté, Clotilde Mérillon juge « important d’avoir un score mais est contre une trop grande granularité de l’échelle, car le vrai sujet de l’entretien annuel est de prévoir un plan d’action pour permettre au salarié de se développer et d’atteindre ses objectifs ».
La 9 box est également une matrice fréquemment utilisée dans le cadre des People Reviews. Il s’agit d’un outil, de neuf cases sur neuf, destiné à visualiser les niveaux de performance et de potentiel d’un collaborateur. Ceux qui se situent dans la case inférieure gauche du schéma sont ceux qui ont à la fois les performances et le potentiel les plus faibles. Et ceux qui se trouvent dans la case supérieure droite, ceux qui ont les niveaux de performance et de potentiel les plus élevés.
Un ou plusieurs entretiens par an ?
Enfin, il est nécessaire de s’assurer que les critères et les modalités d’évaluation soient bien compris par tous les managers. « Organiser des sessions de calibrage avec les managers un mois avant les entretiens permet de remettre le manager au centre du processus, estime Jessica Djeziri. Il faut donner du pouvoir à chaque niveau de manager pour assumer toute la chaîne de décision. Les RH sont là pour outiller, mettre en musique cette évaluation mais c’est le manager qui a le premier rôle. »
« L’entretien annuel est un moment privilégié où l’on parle de manière assez libre de rémunération, mais je trouve plus intéressant de proposer au collaborateur plusieurs temps d’échange durant l’année, témoigne Jessica Djeziri. L’évaluation de la performance devrait être aussi régulière que le révision du budget de l’entreprise, par exemple, car la performance n’est pas linéaire. Personnellement, j’organise quatre entretiens avec chaque membre de mon équipe, dont deux un peu plus longs consacrés au développement du collaborateur. »