Transparence des salaires : 7 étapes pour se mettre en conformité

Dans son dernier ouvrage, Sandrine Dorbes livre un mode d’emploi pour mettre votre entreprise en ordre de marche pour l’entrée en vigueur de la loi sur la transparence des rémunérations en juin 2026.

Sandrine Dorbes
« Votre politique de rémunération doit être alignée sur votre stratégie d'entreprise et votre culture. » © Hellowork/Photo Charlène Yves

Transparence des salaires, guide de survie à l’usage des dirigeants : le titre du livre* de Sandrine Dorbes, sorti le 6 novembre, donne une idée du fossé qui demeure entre pratiques de rémunération et obligations introduites par la directive européenne sur la transparence des salaires, qui doit être transposée dans la loi française d’ici le 7 juin 2026.

« Le texte du Parlement européen est entré en vigueur le 10 mai 2023, mais beaucoup de dirigeants ne connaissent toujours pas son contenu et paniquent, car ils ne savent pas par où commencer », constate la consultante en rémunération, fondatrice du cabinet How Much. Voici les grandes étapes à valider pour vous mettre en conformité.

1. Se renseigner sur ce que la directive dit (et ce qu’elle ne dit pas)

« Beaucoup d’approximations sont écrites ou dites à propos de ce texte, note Sandrine Dorbes. En particulier au sujet du droit à l’information des salariés. Soit les DRH n’en ont jamais entendu parler, soit ils pensent qu’ils devront pouvoir fournir le salaire individuel de Michel de la compta ou Véronique du support commercial. Or, la règle est la suivante : les salariés pourront demander à avoir accès aux rémunérations moyenne et médiane des postes équivalents au leur, ventilées par sexe, et les employeurs devront leur apporter une réponse sous deux mois. »

Hormis cette obligation, les entreprises devront également :

  • Pouvoir démontrer, sur la base de critères objectifs et mesurables, pourquoi deux personnes touchent, ou non, la même rémunération, à des postes comparables, en termes de compétences mobilisées, d’efforts requis, de responsabilités assumées et de conditions de travail ;
  • Afficher sur toutes leurs offres d’emploi une fourchette de rémunération cohérente ;
  • Ne pas demander à un candidat ou à une candidate sa rémunération actuelle ou passée ;
  • Informer chaque année l’ensemble des salariés de leur droit à l’information et de la manière dont ils peuvent l’exercer ;
  • Publier, à partir de 2027, un rapport sur les écarts de rémunération femmes-hommes, ventilés par catégorie de postes comparables et proposer un plan d’actions pour corriger les écarts injustifiés égaux ou supérieurs à 5%.

A noter : en dehors de cette dernière obligation, qui ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés, la loi sur la transparence des salaires s’appliquera à toutes les entreprises.

2. Effectuer un diagnostic de vos pratiques de rémunération

Commencez par lister tous les éléments de rémunération : salaires fixes, primes de performance, primes exceptionnelles…

Pour chacun d’entre eux, répondez aux questions suivantes :

  • Qui en bénéficie ?
  • Quelles sont les règles d’attribution ?
  • Ces règles sont-elles connues de tous ?
  • Et sont-elles appliquées partout ?

« Cette évaluation met rapidement en lumière les zones d’injustice. Je pense, par exemple, à une entreprise qui avait mis en place une prime d’initiative, distribuée par les managers aux membres de leur équipe qui avaient proposé une amélioration de process ou de pratique. Or, peu de managers avaient connaissance de cet avantage. Celui-ci n’était donc pas proposé à tous les collaborateurs qui y avaient droit, créant des déséquilibres », illustre Sandrine Dorbes.

3. Cibler les postes équivalents

Vous devez déterminer quels postes relèvent de la même catégorie, en fonction de critères clairs et précis : diplômes, expérience et certification requis, complexité des missions, niveau de responsabilité (budget à gérer, taille de l’équipe, place dans l’organigramme…), conditions de travail (horaires, pénibilité, environnement…).

Cette classification facilitera votre travail lorsqu’un collaborateur vous demandera les rémunérations moyenne et médiane de sa catégorie.

4. Définir votre philosophie de rémunération

« Résumez en une dizaine de lignes votre philosophie de rémunération, qui doit être alignée sur la stratégie de votre entreprise et votre culture : cette dernière est-elle individualiste ou collective ? Quel est votre objectif commun ? Quels sont les comportements professionnels que vous voulez encourager ? Quelles règles applique-t-on pour définir les salaires à l’embauche et les critères d’augmentation ? », liste Sandrine Dorbes.

5. Combler les écarts de rémunération injustifiés

Avant de les creuser, il faut d’abord essayer de comprendre d’où vient un écart de rémunération observé entre deux postes comparables :

  • Est-ce parce qu’en réalité ces postes ne sont pas réellement équivalents ?
  • Y a-t-il eu une différence de salaire dès sa négociation à l’embauche ?
  • L’écart s’est-il créé au fil de l’historique de carrière des collaborateurs ?
  • Est-elle liée à des niveaux de performance différents ?

« Si aucun élément objectif ne vient justifier l’écart et qu’il est égal ou supérieur à 5%, l’entreprise doit mettre en place un plan de correction en précisant le montant du rattrapage salarial à prévoir et l’échéance à laquelle cela sera fait », explique l’experte.

6. Communiquer à tous les étages de l’entreprise

L’appropriation de ces nouvelles règles doit se faire par strates, selon l’experte. « Il faut d’abord embarquer la direction, au sens large, avec pédagogie. Se mettre d’accord sur le fait que ce texte n’est pas un délire wokiste, mais répond à deux constats d’échec : on n’arrive pas, aujourd’hui, à réduire fondamentalement les inégalités de salaires, qui se créent et se perpétuent tout au long des carrières, et on vit dans un climat social tendu : les gens ont une véritable défiance envers tout ce qui représente le pouvoir, qu’il s’agisse des responsables politiques, mais aussi des dirigeants d’entreprise. Cette loi est donc une double opportunité de favoriser l’égalité salariale et d’apaiser le dialogue social. »

« La sensibilisation doit ensuite se propager aux RH de terrain, qui doivent être formés pour répondre aux questions des collaborateurs et des managers. En parallèle, les managers doivent aussi être formés afin qu’ils aient une bonne compréhension de la politique de rémunération de l’entreprise », poursuit-elle.

« Il faut revoir sa politique de rémunération à chaque changement de stratégie de l’entreprise. »

SANDRINE DORBES
Consultante en rémunération

Enfin, les grandes lignes de la politique de rémunération et le droit à l’information des salariés doivent être communiqués, chaque année, à l’ensemble des collaborateurs. « La première année, je conseille aux entreprises d’organiser une grand-messe pour exposer les principes de la philosophie de rémunération et de laisser ensuite les RH expliquer à chaque équipe comment cela se traduit à son échelle. Les années suivantes, on peut faire une communication plus light, par exemple, en mettant toutes les règles de fixation et d’évolution des rémunérations dans le bilan social individuel (BSI) transmis au salarié. »

7. Réévaluer régulièrement votre politique de rémunération

Pour assurer le suivi, Sandrine Dorbes recommande aux équipes RH un suivi au moins semestriel de revues de salaires pour identifier rapidement tout écart problématique et y remédier.

Enfin, elle invite les entreprises à réviser régulièrement leur politique de rémunération : « Il faut le faire à chaque changement stratégique dans l’entreprise, mais aussi lorsqu’on se rend compte qu’il y a de plus en plus de contestations de la part des salariés ou d’exceptions à la règle en matière de rémunération. »

*Transparence des salaires – Guide de survie à l’usage des dirigeants, de Sandrine Dorbes, éditions de l’Oxymore, novembre 2025.

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