Comment Hellowork a mis en place la transparence des salaires
Les RH prennent la parole 1/10. Cela fait trois ans que Hellowork a fait de la transparence dans le recrutement son mantra. Liselotte Huguenin-Bergenat, sa DRH, revient sur le chemin parcouru, les difficultés rencontrées et ce qu’elle en retire.

Il y a des sujets trop importants pour se contenter de les théoriser et de souhaiter qu’ils se mettent en place d’eux-mêmes. C’est la mission de tout DRH : réussir à être un acteur du changement, à vaincre les réticences internes sur des sujets clés et à accompagner des évolutions nécessaires qui viendront renforcer la pérennité de l’entreprise. Ça, c’est pour le discours, certes vrai, mais très corporate. Une fois sur le terrain, c’est une autre histoire : on se demande comment on va pouvoir briser un tel tabou.
Un objectif : avoir un salaire indiqué sur chaque offre d’emploi
En 2022, lorsque nous avons fusionné nos sites pour proposer hellowork.com comme plateforme unique, nous étions tous convaincus qu’il fallait nous engager sur le front de la transparence dans le recrutement. Et si le sujet est large, un de ses aspects est particulièrement central : afficher le salaire sur les offres d’emploi est une nécessité.
Nous sommes trop nombreux à avoir connu ça à un moment de notre vie professionnelle : une offre d’emploi qui semble écrite pour nous, des missions qui donnent envie de s’investir, une entreprise canon… Et puis la désillusion. Après un (ou pire, deux) entretiens, le couperet tombe : le salaire est 10k en dessous de notre rémunération actuelle, et donc bien en-deçà de nos exigences salariales. Changer d’entreprise (ou en intégrer une), c’est une décision lourde de sens qui change la vie. C’est donc évident que le salaire peut être un blocage important… Pourquoi ne pas avoir affiché la couleur avant ?
Nous avons donc décidé de donner l’exemple en appliquant cette bonne pratique chez nous pour pouvoir la porter auprès de nos clients recruteurs. Il fallait que 100% de nos offres comportent désormais une fourchette de salaire. C’est là que nous avons commencé à tirer le fil. Et à comprendre les réticences de certaines entreprises sur le sujet. Afficher le salaire sur chacune des offres, ce n’est pas simplement informer ceux qui souhaitent postuler. C’est aussi rendre publique cette fourchette de rémunération aux employés de la société, et à la concurrence. Ce qui signifie trois choses :
- Il faut que nos salaires soient cohérents entre eux. Si un salarié découvre sur une offre qu’il est payé 1 000 euros de moins que ce que propose notre offre sur un poste similaire, il va mal le vivre.
- Il faut que notre politique de rémunération soit en phase avec les pratiques du marché. On se pose la question de savoir si nos concurrents pourraient profiter de cette information pour chasser nos meilleurs éléments ? Dans ce cas, la bonne question est plutôt de savoir si on les paie au juste prix.
- Il faut que l’on sache quelles tranches de salaire indiquer… Car oui, ce n’est pas évident pour tous les métiers d’être sûr de soi, et nous avons un risque de passer à côté de candidatures de qualité si on vise trop bas, ou de déséquilibrer notre grille en étant trop hauts.
Et soyons clair : si vous n’êtes pas OK sur un de ces trois points, afficher les salaires ne crée pas ces problèmes, cela ne fait que les révéler. Notre politique salariale a toujours été réfléchie, mais pour rendre potentiellement l’intégralité de nos salaires (en tout cas les fourchettes) publics, il faut en être certain. Nous avons donc travaillé avec tous nos managers et directeurs pour nous assurer que nous étions cohérents à tous les points de vue concernant nos pratiques salariales. C’est un travail exigeant, qui prend du temps et qui est un préalable indispensable à cette transparence. Car avant de penser à être transparent en externe, il faut s’assurer d’être transparent en interne !
Une nécessité : projeter les collaborateurs sur un career path
Nous avons ensuite continué à tirer le fil. Si nous sommes convaincus que nos fourchettes salariales sont les bonnes, comment faire en sorte que toutes nos équipes partagent cette évidence ? Il faut qu’elles puissent se projeter sur un temps plus long que le prochain entretien annuel, et de manière objective. Le débat doit être dépassionné, raisonné, et ne pas laisser trop de place à l’affect ou à la subjectivité. Pour se projeter, un salarié doit connaitre les chemins possibles qu’il peut prendre au sein d’une entreprise, et les rémunérations associées. Les différents métiers ou niveaux de métiers auxquels il peut accéder, et où il se place actuellement dans son « chemin de carrière », en deux mots : ses perspectives.
Nous avons commencé ce travail avec deux équipes : la technique et le produit. Nous avons itéré et défini différents postes à occuper pour chaque métier, ou différents niveaux s’il n’y a qu’un seul poste. Avec en tête un objectif : définir un itinéraire professionnel clair et structuré par métier qui permet de s’inscrire dans la durée dans l’entreprise. Mais aussi montrer que devenir manager n’est pas la seule issue !
Nous avons accompagné ce career path de fourchettes de salaire pour chaque niveau et d’une grille d’évaluation des compétences qui permet à la fois d’avoir une vision commune entre le manager et les équipes sur les attendus, et donc de placer objectivement chacun sur la grille, mais aussi d’identifier les compétences à développer pour progresser, et donc d’identifier les formations le plus adéquates. Et en fonction des échanges sur le niveau atteint, de se mettre d’accord sur la bonne augmentation et le bon salaire.
Après plusieurs mois de travail et de mise en place, nous avons enfin pu le présenter aux équipes. Et les retours nous ont confortés dans nos positions. La vision donnée est plus claire, chacun peut visualiser où il en est de son parcours professionnel au sein de l’entreprise, il comprend mieux ce qui lui est demandé et ses axes de progression, et ainsi sa rémunération et l’augmentation qui lui est proposée. Nous tenions le bon bout ! Mais nous étions loin d’avoir fini de tirer le fil. Hellowork, c’est 600 collaborateurs, 80 équipes, 45 métiers. Nous avons donc, cette année, fait appel à tous nos managers pour travailler conjointement à la mise à l’échelle de ces outils.
Pour les aider, nous avons travaillé sur un socle commun définissant les objectifs et le fonctionnement des career paths et des grilles d’évaluations, ainsi que les niveaux de rémunération correspondants. Cela a permis d’adapter le travail fait pour chaque équipe sur le sujet, avant d’avancer ensemble, managers métiers et équipe RH, pour valider ces documents, affiner nos fourchettes de salaire (par rapport aux tendances du marché, aux études, aux retours candidats…) et projeter les collaborateurs dans cette grille. Sur le papier, ça fonctionne, mais est-ce que ça passe l’épreuve du réel ?
Et nous voilà à la dernière étape : nous avons présenté mi-décembre les career paths et les grilles d’évaluation, leur fonctionnement et leur impact sur les augmentations salariales, à tous les salariés de l’entreprise, qui les mettront à l’épreuve lors des entretiens annuels 2025. Les retours des managers sont pour le moment très positifs : ces career paths nous donnent une vision commune, nous permettent de rendre l’exercice des augmentations salariales moins difficile et plus objectif, et d’appuyer les décisions par des arguments clairs et des compétences à travailler pour que chacun progresse dans le temps.
Tout n’est pas parfait. Nous savons que les career paths, les fourchettes de salaire qui y sont associées et les grilles d’évaluation ont vocation à évoluer dans le temps et à constamment s’adapter, elles ne seront jamais figées. Mais en regardant le chemin parcouru, nous sommes très satisfaits d’avoir réussi à dérouler le fil jusqu’au bout. Nous sommes convaincus que ce travail va rendre les entretiens annuels et les échanges autour des salaires plus faciles pour nos équipes RH, pour nos managers, pour nos salariés… Et pour nos candidats, qui ont désormais pour 100% d’entre eux une vision très claire des salaires que nous pratiquons !