« En 2025, les entreprises vont concentrer leurs recrutements sur des postes stratégiques et opérationnels »
Jenny Gaultier, cofondatrice et directrice générale du Mercato de l’Emploi, dessine les grandes tendances du recrutement en 2025.

Les entreprises prévoient-elles de recruter autant en 2025 qu’en 2024 ?
Jenny Gaultier : Cultiver la confiance et l’énergie positive : tel doit être le mantra des chefs d’entreprise en cette période si particulière ! Au Mercato, nous sommes résolument optimistes en termes de recrutement pour l’année 2025, même si nous restons attentifs à l’évolution du marché du travail. En effet, malgré la vague de plans sociaux et l’instabilité gouvernementale, la hausse du taux de chômage devrait rester modérée, selon l’Insee. Fin 2025, celui-ci se situerait à 7,6% de la population active. Par ailleurs, les déclarations mensuelles auprès de l’Urssaf attestent de la poursuite des embauches par les entreprises, même si les nombres de CDI ou CDD de plus d’un mois convergent vers ceux d’avant-crise. Il ne faut pas oublier aussi que le taux d’emploi a atteint un niveau record au troisième trimestre 2024 : 69,1%.
Selon les remontées du terrain de nos recruteurs, les besoins en recrutement demeurent soutenus dans les secteurs les plus dynamiques ou pénuriques. Cette tendance semble se profiler pour début 2025 dans des domaines tels que le numérique, l’énergie, l’environnement, les services à la personne et la santé, qui offrent de nombreuses perspectives d’emploi et de réorientation professionnelle. Il faut aussi être précis sur certains secteurs comme l’automobile : si la construction automobile semble accuser le coup, les services, c’est-à-dire les garagistes et les concessionnaires, restent en recherche active de main-d’œuvre.
Les entreprises vont donc continuer de recruter en 2025, mais peut-être de manière plus raisonnée et sélective que pendant les années d’euphorie post-Covid. Elles recruteront sans doute moins sur des postes transverses (communication, marketing…) et davantage sur des postes stratégiques et opérationnels. Elles vont temporiser : continuer d’avancer mais en remettant leurs projets d’hypercroissance à plus tard.
Ce contexte d’instabilité ambiante aura-t-il également une influence sur le comportement des salariés ?
J.G : On peut imaginer qu’il y aura moins de mobilités professionnelles après des années 2021-2022-2023 très fastes. Les salariés vont réfléchir à plusieurs fois avant de changer d’entreprise, de secteur ou de se lancer dans l’entrepreneuriat. On constate aussi que les projets de mobilité géographique sont parfois contrariés par des prix de l’immobilier qui ont flambé, ce qui ne facilite pas les embauches dans les secteurs pénuriques.
Quelles fonctions seront les plus recherchées en 2025 ?
J.G : Les entreprises vont recruter sur des postes très opérationnels : techniciens de maintenance, agents de maîtrise ou automaticiens dans l’industrie, des professionnels de la rénovation dans le BTP, des employés dans l’hôtellerie-restauration ou dans les services à la personne, des informaticiens et des développeurs informatiques spécialisés en IA générative et en cybersécurité. Or, tous ces métiers sont déjà en tension. Tout l’enjeu pour ces entreprises est donc de renforcer l’attractivité de leur marque employeur et de fidéliser leurs employés.
Quelles cartes les recruteurs peuvent-ils jouer pour parvenir à attirer les profils pénuriques ?
J.G : La rémunération reste un élément majeur d’attractivité, de même que les conditions de travail. Les planètes entre attentes des candidats et réalité au sein des entreprises se sont réalignées pendant la crise sanitaire : les entreprises qui arrivent le mieux à recruter, aujourd’hui, sont celles qui passent du temps auprès de leurs salariés et sont à l’écoute de leurs besoins, notamment en matière de flexibilité, mais aussi en termes de formation et d’évolution professionnelle.
Le parler vrai est également très scruté par les candidats, toute communication est inutile si elle n’est pas authentique. Finalement, les entreprises qui vont réussir en 2025 sont celles qui vont parvenir à absorber les changements apparus au cours des derniers mois et des dernières années en matière de télétravail, mais aussi d’essor de l’IA générative.
Quels impacts le développement de l’IA générative aura-t-il sur le recrutement en 2025 ?
J.G : Il faut cultiver l’idée selon laquelle l’IA générative sera un allié pour le recruteur et non un ennemi. L’année 2025 sera celle de la maîtrise de l’outil. Au Mercato de l’Emploi, on a intégré l’IA générative, dès son apparition, à notre outil de gestion des candidatures. En amont, la technologie nous permet d’être plus précis dans le recueil du besoin de recrutement et de rédiger une offre d’emploi créative, qui aura plus d’impact auprès du candidat cible. L’IA nous fait gagner aussi énormément de temps dans notre sourcing, à travers les fonctionnalités de matching entre une CVthèque et l’offre d’emploi. Au final, elle contribue à améliorer l’expérience candidat et à réduire le temps de recrutement.
Les candidats vont également de plus en plus utiliser l’IA pour créer un CV personnalisé, à partir de quelques mots-clés, et l’adapter à chaque offre à laquelle ils postulent. L’IA générative va les aider à mieux se valoriser. Côté recruteur, ça aura aussi un impact positif : on va s’ouvrir à des profils, notamment chez les cols bleus, qu’on n’aurait sans doute pas identifiés avant parce qu’ils ne savaient pas forcément se mettre en avant, même s’ils possédaient les compétences recherchées. Après, nous ne sommes pas dupes, un CV généré par l’IA qui n’est pas retravaillé se repère très facilement. Le plus intéressant sera de détecter des profils qui auront prouvé qu’ils savent utiliser intelligemment l’outil.