Être RH en Inde : « Je ne suis pas vu comme un donneur d’ordres mais comme un médiateur »

Les travailleurs indiens témoignent, le plus souvent, d’un engagement à toute épreuve vis-à-vis de leur entreprise.

"Les salariés indiens estiment avoir plus de devoirs que de droits envers leur employeur."
"Les salariés indiens estiment avoir plus de devoirs que de droits envers leur employeur." © HelloWork

Après avoir été responsable RH du site Linxens en Inde, Sandeep Pawath vient de rejoindre le siège mondial de l’entreprise spécialisée dans les composants électroniques pour les marchés de la sécurité et de l’identification, à Levallois-Perret. Il revient sur les principales différences entre les marchés du travail indien et français, avec Patrick Roux, Senior Vice-President RH et Communication du groupe Linxens, groupe français de 3 000 collaborateurs, qui, après près de quarante années de spécialisation dans l’éco-système de la carte à puce se diversifie dans la santé et l’IOT (internet of things).

« Designing global, acting local »

Du point de vue de Sandeep, « le rôle d’un RH est assez similaire d’un pays à l’autre » : « Il consiste à embaucher, à développer les compétences, à faire respecter le règlement interne, à créer un environnement de travail adapté à l’exercice des missions des collaborateurs et à faire rayonner la culture d’entreprise en partageant ses valeurs, en l’occurrence l’agilité, la transparence et l’inspiration. »

En Europe, comme en Amérique ou en Asie, le DRH impulse la politique RH globale et communique ses grandes lignes aux responsables de site, qui déclinent ensuite ces principes en fonction de la culture du pays et du contexte local : « C’est ce qu’on appelle la ‘’glocal attitude’’ : ‘’designing global, acting local’’, résume Patrick. Le challenge est de trouver la juste balance entre des règles communes et des rituels partagés, d’un côté, et des solutions et des process adaptés aux besoins des collaborateurs/salariés locaux, de l’autre. »

« Nous nous efforçons d’appliquer toujours les meilleurs standards dans chaque pays »

Difficile, en effet, d’appliquer la même règlementation qu’en France dans un pays où l’indemnisation en cas de maladie ou chômage est réduite à sa portion congrue et varie en fonction des États. « En Inde, la prise en charge complémentaire dépend ensuite de la politique de l’employeur en matière de protection sociale. Chez Linxens, nous essayons d’adopter les meilleurs standards sans pour autant uniformiser notre politique RH avec celle des autres pays, ce qui n’aurait pas beaucoup de sens », précise Sandeep.

Autre exemple : « En Inde, le taux habituel d’inflation oscille entre 10 et 15%. En France, les niveaux historiquement élevés, autour de 6-7%, inquiètent les employeurs. Les salariés français réclament des augmentations de salaire plus importantes, ce qui n’est pas toujours le cas en Inde », explique Patrick.

« Nos employés nous ont beaucoup soutenus dans les moments difficiles liés au COVID »

La gestion de la crise sanitaire illustre bien les particularités du rapport au travail en Inde : « Nous avons non seulement proposé à tous nos collaborateurs de se faire vacciner mais aussi aux membres de leur famille, détaille Sandeep. Alors que la plupart des sites industriels étaient à l’arrêt, nous avons pris la décision de poursuivre la production et nous avons donc proposé à nos employés de dormir à l’usine. Nous avons aménagé des logements pour continuer notre activité et pour limiter les risques de contaminations pour nos salariés. Ils ont très bien compris cette décision et ils nous ont soutenus. Les collaborateurs indiens ont souvent un lien très fort avec leur entreprise, ils estiment avoir plus de devoirs que de droits envers leur employeur. »

« En France, la culture est différente, on ne peut pas envisager ce genre de mesure. En revanche nos employés ont été également très engagés pour un respect strict des gestes barrière, une modification des horaires pour limiter les contacts entre équipes, le recours au télétravail pour ceux qui le pouvaient… C’est une autre gestion à mettre en place. En Inde, ça a été non seulement facilement accepté, mais certains collaborateurs nous ont même proposé d’eux-mêmes cette solution », complète Patrick.

« Le maillon entre la direction et les équipes sur le terrain »

Comment la fonction RH est-elle perçue par les travailleurs indiens ? « Je ne suis pas vu comme un donneur d’ordres mais comme un médiateur, qui est là pour leur transmettre les guidelines de Patrick et leur faire comprendre les règles. Je suis vraiment le maillon entre la direction et les équipes sur le terrain. Ils savent que mon action est à la fois guidée par le souci de performance de l’entreprise et de bien-être des salariés », témoigne Sandeep.

Considéré comme un réel Business Partner, le responsable RH est associé aux décisions stratégiques : « Je joue un rôle important dans le développement de l’entreprise en Inde et de son portefeuille client, mais aussi dans les investissements qu’elle projette. Le temps où les RH n’étaient cantonnés qu’à la sphère purement administrative est vraiment révolu en Inde. Et je pense que ça tend à devenir le cas dans une majorité de pays », continue-t-il.

Bien s’équiper pour bien recruter