Télétravail : la France va-t-elle suivre le mouvement américain de retour au bureau ?

Les employeurs français sont en train de renégocier leurs accords de télétravail arrivés à échéance.

Contrairement aux entreprises américaines, peu de groupes français sont passés au full remote.
Contrairement aux entreprises américaines, peu de groupes français sont passés au full remote. © rh2010/stock adobe.com

Meta, Google, X (Twitter), Amazon, Zoom… les entreprises américaines ont été tout aussi promptes à faire revenir leurs salariés au bureau qu’à les placer en full remote durant la pandémie. Ce retour au présentiel se fait au nom de l’amélioration de la productivité, de la stimulation de la créativité par l’intelligence collective et de la cohésion d’équipe.

En France, comme au Royaume-Uni ou en Allemagne, certaines entreprises commencent aussi à faire machine arrière. C’est notamment le cas de Publicis, qui vient d’acter un retour au bureau au moins trois jours par semaine, dont le lundi, et l’impossibilité de télétravailler deux jours consécutifs.

Rétropédalage sur le full remote

Pour autant, difficile de croire à un scénario à l’américaine. Comme le souligne Sarah Lemoine, chargée de RH, interviewée par Franceinfo, « aux États-Unis, ce rétropédalage concerne le télétravail intégral ». Or, en France, le full remote demeure minoritaire : « La norme, c’est deux jours par semaine. Or, d’après une récente étude de l’OCDE, la productivité d’un salarié est maximale avec un ou deux jours de télétravail. Au-delà, elle a tendance à baisser. Donc la France est déjà dans cette organisation hybride, assez mesurée, que veulent désormais les patrons américains », poursuit-elle.

L’étude d’Ernst & Young Reimagined, publiée le 26 octobre 2023, rappelle en outre que la France reste culturellement attachée au travail en présentiel, bien plus qu’ailleurs dans le monde. Seuls 13% des salariés français du tertiaire aimeraient travailler à distance cinq jours sur cinq, contre 34% de l’ensemble des travailleurs interrogés. « En France, le bureau est considéré comme un lieu de socialisation et d’échanges avec ses collègues, rappelle Flore Pradère, directrice de recherche en dynamiques internationales du travail auprès de JLL, dans un article de l’Express. Venir au travail permet de rappeler son existence et sa présence au sein de l’entreprise. » Les Français viennent, en moyenne, 3,5 jours au bureau, contre 3,1 dans le monde, selon une étude JLL.

Vers un travail hybride mieux encadré

Mais ce n’est pas pour autant que les Français souhaitent revenir à plein temps au bureau : d’après le sondage, ils souhaitent télétravailler 1,4 jour par semaine. Actuellement, les employeurs français proposent, en moyenne 0,7 jour de télétravail par semaine. À l’heure où de nombreux accords de télétravail arrivent à échéance et doivent être renégociés, quelle tendance se dessine pour 2024 dans l’Hexagone ?

Selon le vice-président de l’ANDRH, Benoît Serre, les employeurs français prennent conscience des limites d’un télétravail mis en place dans l’urgence et souhaitent mieux l’encadrer. Sans pour autant signer sa fin : « Les dirigeants commencent à mesurer les conséquences structurelles du télétravail. La perte de productivité collective avec des salariés qui se croisent, mais ne se voient plus. Ils comprennent que ce mode d’organisation perturbe énormément le management. […] Quand le télétravail s’est généralisé, c’était un peu open bar. Chacun y allait de son organisation personnelle. Or, dans un monde hybride, comme ailleurs, il faut des règles. Les salariés ressentent un durcissement des conditions de télétravail, mais ce ne sont que des règles qu’il faut poser pour que le télétravail puisse durer », témoigne-t-il dans les colonnes du Monde.

Un avantage apprécié des collaborateurs

Un retour au bureau en version pré-Covid semble donc peu probable, car le télétravail s’est ancré dans les habitudes de travail des Français. Avantage plébiscité par les collaborateurs, il constitue toujours un facteur d’attractivité pour les candidats, en particulier chez la génération Z : d’après l’enquête Ernst & Young, 60% des actifs de cette catégorie d’âge veulent travailler sur un mode hybride, contre 4% au bureau. Alors que les tensions de recrutement persistent, les entreprises ont tout intérêt de continuer à jouer cette carte, y compris dans un contexte où le marché amorce un rééquilibrage du rapport de force candidat/recruteur.

Bien s’équiper pour bien recruter