Télétravail : pourquoi il va encore se développer (surtout dans les grandes villes)
Plusieurs études présagent une massification du recours au télétravail dans les prochaines années.
Certains prédisaient un essoufflement du télétravail, après un pic inédit pendant la période Covid. Mais le travail hybride semble bien s’ancrer durablement dans le paysage. Cette pratique devrait même s’intensifier à l’échelle de la planète, comme le laisse entendre une étude publiée par Zoom, lundi 26 août : si 64% des chefs d’entreprise interrogés* disent avoir mis en place une organisation hybride, 82% d’entre eux prévoient d’accroître la flexibilité du travail au cours des deux prochaines années.
En France, 36% des actifs télétravaillent régulièrement ou occasionnellement, selon Statista. Moins qu’au cœur de la pandémie (41% en 2020) mais davantage qu’en 2017 (25%).
Pourquoi toujours plus de télétravail ?
Si les employeurs n’étaient pas tous convaincus des vertus du travail à distance, bon nombre d’entre eux ont revu leur position. L’enquête de Zoom bat d’ailleurs en brèche deux arguments majeurs des détracteurs du télétravail : le fait qu’il réduise la productivité des travailleurs et les isole du reste de leur équipe. Au contraire, 83% des travailleurs du savoir consultés se sentent plus productifs en remote que sur site. Et 82% des travailleurs hybrides du panel avouent entretenir une bonne relation avec leur manager, contre 72% des salariés en 100% présentiel.
Tout comme leurs collaborateurs, les employeurs y trouvent leur compte et font du télétravail un véritable atout pour attirer et fidéliser leurs salariés. Autre avantage : cette organisation du travail élargit le bassin d’emploi et, par la même occasion, le vivier de candidats des recruteurs. Les entreprises y voient aussi une source d’économies, avec une réduction de la surface de leurs bureaux et des émissions de CO₂.
Une intensification qui profite surtout aux grandes villes…
Fait notable, la massification du télétravail est plus importante dans les grandes villes, qui concentrent, à la fois, de grandes entreprises, où le télétravail est souvent plus développé, et des métiers du tertiaire plus facilement éligibles au télétravail. C’est aussi dans ces aires urbaines que les temps de trajet domicile-travail sont généralement les plus longs. D’où un engouement d’autant plus prononcé des salariés pour le télétravail qui leur permet de gagner plus de temps.
Dans les mégapoles, le télétravail est devenu la norme : selon une enquête du Forum Vie Mobiles, réalisée avec BVA Xsight, 45% des actifs le pratiquent régulièrement à Paris et à Londres, et 50% à New York.
D’après une note de l’Observatoire du bien-être, en France, la part de travailleurs qui indiquait télétravailler régulièrement en 2022 était de 12,4%, mais avec d’importantes disparités en fonction des villes. Sur les 23 villes de France les plus peuplées, 16 se situaient au-dessus de la moyenne nationale, selon l’Insee, avec des ratios allant jusqu’à 17,5/18% dans des villes comme Paris, Montpellier, Grenoble ou Nantes.
Un phénomène également observable en Belgique, ont constaté huit chercheurs de l’ULB, qui ont publié un article à ce sujet dans la revue BrusselsStudies : le télétravail régulier est bien plus développé dans la région de Bruxelles-Capitale, où 43% des actifs travaillent à distance au moins une fois par semaine, que du côté des Flamands (33%) et des Wallons (28%). Des chiffres qui devraient encore progresser : si aujourd’hui le Bureau fédéral du plan évalue le nombre de Belges télétravaillant au moins une fois par semaine à 32% des actifs, ce chiffre pourrait atteindre 40% en 2040.
« Cette nouvelle organisation du travail crée de nouveaux clivages en même temps qu’elle en renforce d’autres. Entre travailleurs habitant la ville et la périphérie, femmes et hommes, personnes à faibles et hauts diplômes, petites et grandes entreprises, etc. », expliquent les universitaires.
…et aux travailleurs les plus qualifiés
En outre, l’ULB souligne que l’accès au télétravail est, en grande partie, réservé aux travailleurs les plus qualifiés : « Or, les travailleurs peu qualifiés représentent 27% des travailleurs dans la région de Bruxelles, contre 17% en Flandre et 24% en Wallonie. Ces travailleurs peu qualifiés sont également menacés par la reconfiguration du tissu économique bruxellois causée par le télétravail » qui provoque « une baisse des activités liées aux fonctions de bureau telles que le nettoyage, le gardiennage ou encore la restauration d’entreprises […] On estime ainsi que si 50% des employés télétravaillaient deux jours par semaine, cela occasionnerait une baisse de 20% des emplois induits. »
*L’enquête Zoom a été menée auprès de 624 dirigeants travaillant dans le secteur de l’IT et de 1 870 travailleurs du savoir, à travers le monde. Les données ont été collectées en ligne en avril-mai 2024.