Offres d’emploi : ces soft skills qui discriminent malgré vous

Une étude de la Dares relève un lien de cause à effet entre certaines soft skills mentionnées sur les offres d’emploi et les discriminations à l’embauche selon le genre.

soft skills discriminantes Dares
Attention au choix des mots dans vos offres d'emploi. © fizkes/stock adobe.com

Les soft skills occupent désormais une place prépondérante dans les critères de sélection d’un candidat, s’accordent à dire les recruteurs comme les universitaires. La difficulté est que ces compétences comportementales sont souvent moins faciles à objectiver et à évaluer que des savoir-faire techniques lors d’un processus de recrutement. Et peuvent plus facilement donner lieu à des pratiques discriminatoires, même si celles-ci sont inconscientes.

Une étude de la Dares, réalisée par Emilie Arnoult et Véronique Rémy et publiée le 19 novembre 2025, vise précisément à identifier si la mention sur les offres d’emploi de certaines soft skills, traditionnellement associées à des stéréotypes de genre, comporte un risque accru de discrimination à l’embauche des hommes ou des femmes.

Pour ce faire, les chercheuses se sont basées sur les résultats d’un testing* mesurant les discriminations selon le genre, effectué entre décembre 2019 et avril 2021 et coordonné par la Dares, sur 2 400 offres d’emploi publiées en France métropolitaine concernant 12 métiers variés (employé administratif, monteur câbleur, chargé de recrutement, développeur, employé de magasin, commis de cuisine, ingénieur de production…).

Leadership, adaptabilité, réactivité… des soft skills à éviter

Elles en ont ressorti 45 soft skills, regroupées en familles thématiques de critères. Parmi celles-ci, quelles sont celles qui ont le plus de risques de discriminer des candidatures féminines ? Et celles qui ont tendance à discriminer des candidatures masculines ?

Selon l’étude, l’inscription de critères comportementaux tels le leadership individuel (regroupant des soft skills comme leader, goût du challenge, dynamique, volontaire, force de proposition, capacité de décision et esprit d’initiative) se traduit plus souvent par un traitement préférentiel des candidatures masculines et un moindre intérêt pour les candidatures féminines. Sur l’ensemble des offres analysées, la mention de ce thème réduit de 4 points la probabilité qu’une candidate soit préférée à un candidat, et même de 5 points pour les postes plus qualifiés.

Les soft skills associées à la capacité d’adaptation (adaptable, polyvalent…) sont, elles aussi, plus à même de favoriser les hommes au détriment des femmes. Enfin, les qualités évoquant l’engagement (motivé, passionné, bon sens du commerce) s’accompagnent, là encore, d’un intérêt accru du recruteur pour les candidatures masculines.

A contrario, d’autres familles de soft skills peuvent porter préjudice aux candidatures masculines et valoriser les candidatures féminines. C’est le cas des qualités liées à la disponibilité des personnes (entendue au sens de serviable, sens du service client…) et de celles associées à la réactivité et à la capacité de travail (englobant des soft skills telles que persévérant, réactif, envie de mener à bien ses missions…).

Les compétences analytiques et le travail d’équipe : des vecteurs d’équité pour les candidats

Parmi les compétences transversales qui n’ont aucune incidence sur l’égalité de traitement des candidats et des candidates, l’étude pointe les compétences analytiques (esprit d’analyse et de synthèse, capacité d’analyse, ouverture d’esprit, créativité) et l’aptitude à travailler en équipe (souriant, bonne humeur, sens du contact).

Enfin, certaines familles de soft skills ne donnent pas lieu à des différences de traitement entre hommes et femmes sur le champ de l’ensemble des métiers, mais peuvent devenir discriminantes en fonction du niveau de qualification du poste à pourvoir ou du degré de féminisation du métier. Par exemple, si l’on se concentre sur les métiers mixtes ou féminisés, la mention de qualités démontrant du leadership relationnel (comme la capacité à fédérer une équipe, le sens des responsabilités, l’esprit d’équipe, les qualités managériales) est plus favorable aux candidatures féminines qu’à leurs homologues masculines.

Forts de ce constat, les recruteurs doivent s’interroger sur le choix des termes choisis pour qualifier les soft skills dans leurs offres d’emploi, s’assurer qu’ils reflètent bien les compétences dont ils ont besoin dans le cadre de ce poste et ne sont pas vecteurs de biais pouvant influencer leur jugement. Mais leur travail ne s’arrête pas là : « Si certaines des compétences demandées sont le reflet des stéréotypes des recruteurs et de leur propension à discriminer selon le sexe, comme le montre cette étude, des mesures complémentaires doivent être prises, par exemple, en incitant les recruteurs à consacrer davantage de temps au recrutement, à élargir le nombre de candidats reçus en entretien, à structurer le contenu de ces derniers ou à développer la mise en œuvre de tests pour limiter la place des stéréotypes lors de la sélection des candidats », concluent les autrices de l’étude.

*Etude réalisée par le Centre d’Observation et de Recherche sur l’Urbain et ses Mutations de l’Inter Service Migrants (ISMCorum) et l’Institut des Politiques Publiques (IPP) sous l’égide de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), entre décembre 2019 et avril 2021.

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Bien s’équiper pour bien recruter