Santé mentale des managers : une étude tire la sonnette d’alarme

Les managers sont-ils devenus les « premiers secours » de la santé mentale au travail, mais sans la trousse de soins ? Retours sur les résultats de la dernière étude de l’Apec sur la santé des cadres et des managers.

Pourquoi les entreprises doivent agir sur la santé mentale des managers
Pour protéger les autres, ne faut-il pas en premier lieu prendre soin de soi ? © master1305 / stock.adobe.com

Ils sont à la fois les vigies, les pare-chocs et parfois les premières victimes. Selon la dernière étude de l’Apec sur la santé mentale des cadres et des managers*, ces derniers se retrouvent au cœur de la tourmente. Chargés d’accompagner les difficultés de leurs équipes, ils sont aussi nombreux à voir leur propre équilibre vaciller.

Des managers à double peine

Près de 58 % des cadres managers déclarent ressentir un stress intense dans leur travail, contre 52 % des cadres non-managers. Une proportion qui illustre leur exposition accrue aux tensions : surcharge de travail, objectifs exigeants, gestion des conflits, des urgences, cumul des missions managériales et de production, transformation permanente des organisations, et ce rôle d’« éponge » émotionnelle qu’ils endossent souvent sans filet de sécurité.

« On est projeté dans un poste [de manager] avec un accompagnement de maximum une semaine », confie un manager interrogé par l’Apec. Une mission qu’ils prennent très à cœur : 9 managers sur 10 estiment avoir un rôle à jouer dans la prévention et l’accompagnement de la santé mentale de leurs collaborateurs.

Pourtant, près d’un manager sur deux (49 %) craint d’être maladroit, intrusif ou de commettre des erreurs susceptibles d’affecter la santé mentale de ses collaborateurs. Le manque de formation à la santé mentale, notamment sur des thématiques comme la gestion des émotions, se fait cruellement sentir.

Des acteurs clés, souvent démunis

Si les entreprises communiquent de plus en plus sur la santé mentale, seuls 26 % des managers estiment que leur organisation agit réellement sur le sujet.

Dans les faits, 69 % d’entre eux jugent difficile de trouver des solutions face à un collaborateur en souffrance, et 65 % disent avoir du mal à détecter les signaux faibles. Faute de formation et de moyens, beaucoup « bricolent » : écoute, aménagements de planning, télétravail ou moments de convivialité. Autant de gestes salutaires mais insuffisants pour traiter les causes structurelles du mal-être.

Pour les experts interrogés, les managers ne doivent pas porter seuls la responsabilité de la santé mentale des équipes. Il faut une vigilance partagée entre les collaborateurs, les ressources humaines et la direction. « Je suis toujours effaré du fait qu’on balance des gens en position de management [sans accompagnement] » insiste un psychologue du travail cité dans le rapport.

Le coût psychique du rôle de manager

En plus de devoir « produire » et « manager », les managers subissent un cumul de rôles qui alourdit considérablement leur charge mentale. Près de la moitié (47 %) estiment que les problèmes de leurs collaborateurs affectent leur propre santé mentale. « Les émotions sont difficiles à gérer car voir quelqu’un en détresse ou pleurer est complexe. Ça me donne vite les larmes aux yeux. La gestion des émotions de mes collaboratrices est difficile », confie une manager au sein d’une grande entreprise.

Ils sont aussi plus exposés aux risques de rencontrer des conflits au travail : 84 % déclarent parfois en rencontrer, contre 64 % des cadres non-managers.

Et lorsque la pression devient trop forte, beaucoup s’interdisent d’en parler. 57 % d’entre eux pensent qu’un manager qui exprime ses difficultés perd en légitimité. « J’ai reçu des enquêtes anonymes sur les risques psychosociaux : j’étais au maximum du mal-être et je ne m’en rendais pas compte. Ça m’a fait prendre conscience de ça, j’étais presque en déni », partage un cadre manager.

La culture du dépassement, un piège silencieux

Pour 9 managers sur 10, se dépasser dans son travail est une valeur essentielle. Mais cette injonction au dépassement a un revers : 37 % des managers en difficulté ont augmenté leurs horaires de travail pour « tenir », au risque d’aggraver leur état.

Cette culture du sur-engagement, héritée de l’éthique du cadre performant, reste profondément ancrée. Ils sont 39 % à craindre qu’évoquer leur mal-être freine leur évolution professionnelle, et un sur trois redoute d’être perçu comme « non fiable ».

Sortir du tabou : un enjeu collectif

La santé mentale des managers est-elle aujourd’hui l’angle mort des politiques RH ? La moitié des managers en difficulté (52 %) disent n’avoir bénéficié d’aucune mesure d’aide de la part de leur hiérarchie.

Pourtant, l’étude le souligne : mieux former et accompagner les managers, c’est aussi protéger la santé mentale des équipes. Cela passe par des leviers concrets : suivi régulier de la charge de travail, dispositifs d’écoute confidentiels, communautés managériales, et surtout, une culture d’entreprise où la vulnérabilité ne doit pas rimer avec faiblesse.

*Étude réalisée en juin 2025 auprès de 2000 cadres salariés du secteur privé, dont 1076 cadres managers et 924 cadres non-managers. Un volet qualitatif vient compléter les chiffres, via des entretiens individuels auprès de 30 managers menés en mai 2025 par l’institut d’études Verlan, et 10 interviews d’experts menées entre avril et juillet 2025 par l’Apec.

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