C’est quoi un « salaire décent » en France ?

Plusieurs groupes français ont décidé de définir un salaire de base plus élevé que le smic.

Le SMIC a été à nouveau revalorisé le 1er mai 2022.
L'ONG Fair Wage Network définit le salaire décent comme la rémunération qui permet de subvenir aux besoins de sa famille. © HJBC/stock adobe.com

« Le smic n’est pas un salaire décent. » Le 17 avril, le président de Michelin, Florent Menegaux, a expliqué au Parisien pourquoi il a décidé de généraliser un « salaire décent » dans toutes ses usines, ce qui concerne pas moins de 132 000 collaborateurs dans 175 pays. « Pour qu’une personne puisse s’engager dans l’entreprise, il faut qu’elle puisse se projeter, il faut que la rémunération de base permette aux personnes de ne pas être en mode ‘’survie’’ », poursuit le dirigeant.

Subvenir aux besoins essentiels de sa famille

Mais comment définir ce « salaire décent » ? Le géant français du pneumatique s’est basé sur la définition de l’ONG Fair Wage Network : « La rémunération permettant à chaque salarié de subvenir aux besoins essentiels de sa famille (alimentation, logement, transport, éducation des enfants, frais de santé…) mais également de constituer une épargne de précaution et d’acquérir des biens de consommation », précise le communiqué de Michelin.

Selon ces critères, le salaire décent s’élèverait à 39 639€ brut annuels à Paris, et à 25 356€ à Clermont-Ferrand, alors que le smic se situe actuellement à 21 203€ brut par an. En complément de ce « salaire décent », le groupe met également en place un nouveau plan de rémunération variable, modulée en fonction de cinq objectifs choisis par un salarié avec son manager au sein d’un catalogue de 2 000 objectifs, et un « socle de protection sociale » (congé maternité et paternité rémunérés à 100%, capital décès versé à la famille d’un salarié décédé…).

D’autres entreprises françaises ont mis en place ce « salaire décent » depuis quelques années. A l’image du groupe L’Oréal, qui s’est également associé à la Fair Wage Network, et s’est engagé à ce que, d’ici 2030, les salaires de l’ensemble des collaborateurs de ses fournisseurs soient alignés sur ce standard.

Un salaire modulé en fonction de la structure familiale et du lieu de vie

Des économistes se sont également posé la question du revenu nécessaire pour mener une vie décente en France. En septembre 2023, Pierre Concialdi, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales, a publié une étude estimant qu’une personne célibataire aurait besoin de 1 630€ net par mois pour subvenir à ses besoins, une somme au-delà du smic, qui s’élève à 1 329€ net mensuel. Pour un couple sans enfants, ce « salaire décent » atteindrait 2 273€ net mensuels, et 3 744€ pour un couple avec deux enfants, selon les calculs de l’économiste, qui prennent en compte l’inflation. D’après lui, 34 à 35% des ménages français ne gagneraient pas assez pour vivre décemment. Pour rappel, le salaire médian, en France, en 2024, est de 2 091€ net par mois selon l’Insee. Un salarié sur dix gagne moins de 1 436€ net mensuels.

Le rapport publié par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté, en décembre 2024, fournit des chiffres approchant : le « budget de référence » permettant à un couple d’actifs avec deux enfants de vivre décemment serait de 3 381€ net par mois, dans une ville moyenne, et pourrait monter jusqu’à 4 451€ en Ile-de-France.

Quid des plus hauts revenus ?

A l’autre bout de l’échelle, le salaire des grands patrons est, lui aussi, parfois jugé indécent, mais pour d’autres raisons. Dernièrement, le vote par le conseil d’administration de Stellantis de la hausse de la rémunération de son directeur général, Carlos Tavares, portant sa rémunération annuelle à 36,5 millions d’euros, a créé une polémique. Du côté de Michelin, le président a demandé que son salaire soit plafonné. En 2023, il a touché 3,8 millions d’euros, dont 1,1 millions de salaire fixe, 1,650 millions de variable et 1 million d’actions. Ce qui représente 48,8 fois le salaire moyen des salariés français de Michelin.

Un différentiel que des députés socialistes entendent réduire à travers une proposition de loi, déposée le 16 avril, recommandant un écart maximal de rémunération d’un à vingt au sein d’une même entreprise. « On a besoin d’une répartition plus juste et de faire primer les logiques industrielles sur les logiques financières, répond le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, à Libération. Il y a un désir de justice dans la société et dans l’entreprise. Une société plus juste est aussi une société plus créative et plus productive. »

Bien s’équiper pour bien recruter