Au Royaume-Uni, remplacer ses salariés grévistes par des intérimaires devient légal
Une nouvelle loi britannique permettant de faire appel à des intérimaires pour remplacer des salariés en grève attise la colère des syndicats.
A Londres, le grand magasin Harrods a été la première entreprise à menacer de recourir à des intérimaires pour remplacer des grévistes, alors qu’une grève est sur le point d’être votée par 150 employés. Au début de l’été, le gouvernement conservateur a en effet modifié la loi pour autoriser le recours à cette main-d’œuvre en temps de grève, ce qui était jusqu’alors illégal.
Des augmentations de salaire jugées insuffisantes
Cette décision intervient alors que de nombreux professionnels sont en grève au Royaume-Uni : employés du transport maritime (dont le plus grand port de fret du pays, Felixstowe) et ferroviaire, postiers, éboueurs, avocats, employés des télécoms, manutentionnaires… Ces travailleurs réclament des augmentations de salaires dans un contexte d’inflation galopante : +10,1% en un an, en juillet, contre 6,1 en France. Selon les prévisions de la Banque d’Angleterre, l’inflation pourrait aller au-delà des 13% en octobre.
Dans un communiqué, le syndicat patronal CBI a assuré que les « employeurs [faisaient] leur possible pour aider leur personnel à travers cette période », mais qu’une « large majorité ne [pouvait] se permettre d’augmenter suffisamment les salaires pour suivre l’inflation ».
Une mobilisation massive
Le mouvement de grève est historique de par le nombre de secteurs concernés, selon Marc Lenormand, maître de conférences en études anglophones et civilisation britannique, interviewé par France Info : « Ce qui est particulier aujourd’hui, c’est de voir des secteurs privés, parfois industriels, en grève, ce qui n’a pas été le cas selon les secteurs depuis vingt, trente voire quarante ans. »
Faire grève outre-Manche relève du parcours du combattant. Dans les années 1980, La Première ministre britannique, Margaret Thatcher, avait fait adopter une loi pour limiter le droit de grève. Les syndicats doivent notamment mener une campagne en amont de la grève auprès de leurs adhérents dans l’entreprise et organiser un vote qui doit remporter une majorité (avec des seuils qui varient selon les secteurs) pour pouvoir initier le mouvement.
Un bras de fer gouvernement/syndicats
Le gouvernement actuel est allé encore plus loin en autorisant des intérimaires à occuper les postes désertés par les salariés grévistes. Une décision qui n’a pas manqué de susciter l’indignation de Frances O’Grady, la secrétaire générale du Trade Union Congress (TUC) : « Ces mesures sont une tentative délibérée d’affaiblir le droit de grève et de limiter le pouvoir de négociation des travailleurs », a-t-elle déclaré.
Le bras de fer gouvernement/syndicat pourrait durer de longs mois, si on se fie aux déclarations de Liz Truss, la favorite en lice pour la succession au Premier ministre, Boris Johnson, qui compte introduire une obligation de service minimum pour toutes les infrastructures nationales essentielles : « Il est inacceptable que le public soit pris en otage par des syndicats militants », a-t-elle décrété.
Quid du droit de grève en France ?
A l’inverse, en France, le droit à la grève figure dans la Constitution et il n’est pas nécessaire qu’une majorité des salariés participent au mouvement pour se mettre en grève. Le droit de grève est un droit individuel mais qui s’exerce collectivement : pour être qualifié de grève le mouvement doit être suivi par au moins deux salariés. Deux exceptions permettent au salarié de se mettre seul en grève :
- S’il participe à un appel à une grève lancée au niveau national
- S’il est l’unique salarié de l’entreprise.