Les RH face à la banalisation des reconversions professionnelles
Ils sont aux premières loges pour accompagner les salariés en reconversion. Un phénomène qui ne les épargne pas non plus à titre personnel.
Chaque année, de plus en plus de Français tentent une reconversion professionnelle, un phénomène qui s’est accéléré depuis la crise sanitaire. Selon une étude Ifop* pour l’ANDRH et le groupe Adecco publiée début juin, 84% des actifs considèrent que c’est désormais une étape normale d’un parcours professionnel. Et cette tendance pourrait encore s’accroître avec les mutations des métiers que pourrait engendrer l’intégration de l’intelligence artificielle dans les entreprises. D’après une étude de l’Institut de l’entreprise et du cabinet McKinsey & Company, 1,7 million de Français pourraient être contraints de changer de métier d’ici 2030, soit 6,3% des salariés français.
Un traitement des reconversions au cas par cas
Dans les entreprises, les services RH sont aux premières loges, notamment pour informer les salariés des dispositifs en vigueur afin de les aider dans ce parcours de reconversion. Selon la même étude Ifop-ANDRH-Adecco, 64% des RH ont accompagné plusieurs collaborateurs au cours des cinq dernières années dans une reconversion en interne, et 54% ont assisté au départ de plusieurs collaborateurs pour une reconversion.
Pour autant, malgré la banalisation des reconversions, les RH identifient de nombreux freins, notamment un manque de lisibilité et de connaissance des possibilités (59%) ainsi que des obstacles internes à l’entreprise (57%), comme la difficulté à embarquer le manager et/ou la hiérarchie. Pour ces raisons, ils peinent souvent à mettre en place en interne une « culture de la reconversion », gérant les changements de trajectoire au cas par cas (65% des répondants), « ce qui traduit une logique réactive et improvisée dans la plupart des situations », indique l’étude.
Un cadre RH sur quatre ne l’était pas un an plus tôt
Le secteur des ressources humaines aussi fait face à ce phénomène des reconversions professionnelles, qu’il s’agisse de RH qui souhaitent changer de métier ou de salariés d’autres secteurs qui veulent devenir RH. Selon l’outil de datavisualisation lancé par la Dares le 16 juin sur les transitions professionnelles**, un peu moins d’un cadre des ressources humaines et du recrutement sur cinq (19,2%) avait changé de métier un an plus tard. Parmi eux, 2,5% sont devenus cadres administratifs, comptables et financiers (hors juristes), 0,8% ingénieurs, cadres ou chefs de projet en informatique, 0,6% cadres commerciaux, 0,6% formateurs, et 4,2% étaient inscrits à France Travail.
Inversement, un cadre des ressources humaines et du recrutement sur quatre (25%) ne l’était pas un an plus tôt. 3% d’entre eux étaient agents administratifs divers, 2,6% cadres administratifs, comptables et financiers (hors juristes), 2,2% techniciens des services administratifs, 1% formateurs, 0,8% ingénieurs, cadres ou chefs de projet en informatique et 0,7% cadres commerciaux. De plus, 3,3% étaient inscrits à France Travail, 0,3% finissait ses études initiales et 0,3% était apprenti.
« La reconversion ne doit plus être un parcours en solitaire, mais un projet partagé, coconstruit avec l’entreprise, estime Emmanuelle Germani, vice-présidente de l’ANDRH. Les dispositifs et outils de reconversion doivent aujourd’hui pleinement entrer dans les pratiques : ce sont des leviers positifs pour la gestion des carrières et ils doivent être encouragés. Ils doivent aussi être décomplexés, sans tabou ni frein, et considérés comme une étape naturelle du parcours professionnel. C’est un véritable enjeu d’inclusion, pour toutes les générations, et en particulier pour les seniors, qui ne doivent plus être freinés par des représentations liées à l’âge. »
*Etude de la Fondation The Adecco Group réalisée par l’Ifop, en partenariat avec l’ANDRH. Ce dispositif, réalisé en mars et avril 2025, est composé de 3 volets : une enquête quantitative menée en ligne auprès d’un échantillon représentatif de la population active en poste ou en recherche d’emploi composé de 997 personnes ; un volet quantitatif auprès d’un échantillon de 94 directeurs et responsables des ressources humaines ; une enquête qualitative, avec 13 entretiens semi-directifs d’une heure conduits auprès de différents professionnels en lien avec la question des reconversions.
**Comprendre les transitions professionnelles grâce à la datavisualisation, portant sur les données de janvier 2022 et janvier 2023, et disponible sur le site de la Dares.