Être RH au Maroc : « Les candidats sont extrêmement attentifs aux perspectives d’évolution »

Selon Nisrine Bahlani, les principales sources de motivation des salariés marocains sont la sécurité de l’emploi et les perspectives d’évolution professionnelle.

"Au Maroc, le travail est avant tout une source de fierté, de dignité et de reconnaissance sociale."
"Au Maroc, le travail est avant tout une source de fierté, de dignité et de reconnaissance sociale." © HelloWork

DRH de la filiale marocaine du groupe VISEO, une ESN présente dans dix-huit pays, Nisrine Bahlani a effectué toute sa carrière au sein de cette entreprise. Elle constate que même si le législateur marocain s’est beaucoup inspiré du droit du travail français, il existe de nombreuses différences entre les deux pays : « Si on compare le temps de travail hebdomadaire, par exemple, il est de 35 heures en France, contre 44 heures au Maroc. Concernant les congés payés, on est bien loin des cinq semaines françaises : le minimum légal est de 18 jours par an, un nombre qui augmente au fil de l’ancienneté du collaborateur. Et nous n’avons pas de RTT. » Enfin, compte tenu d’un coût de la vie inférieur, le salaire minimum légal marocain (SMIG) se situe autour de 300 euros mensuels.

Le télétravail : une pratique peu réglementée

De manière générale, Nisrine juge les pratiques des entreprises bien plus règlementées dans l’Hexagone que dans son propre pays. Elle cite en exemple le télétravail, qui n’est encadré par aucun texte de portée nationale : « Les droits et devoirs des travailleurs et des entreprises en la matière ainsi que ses modalités d’exercice ne sont pas définis par la loi. La plupart des entreprises marocaines, en particulier celles qui ont des maisons-mères à l’étranger, s’inspirent donc de modèles repérés à l’international. Chez VISEO, notre charte de télétravail transpose les standards français dans la majorité des pays où nous sommes présents. »

Avant la crise sanitaire, le télétravail était un sujet tabou au Maroc. Il était très peu pratiqué, même chez les acteurs de l’IT, tels que VISEO : « On octroyait des autorisations de travail à distance au cas par cas mais c’était extrêmement marginal. Aujourd’hui la question ne fait plus débat, car nos collaborateurs ont prouvé qu’on pouvait leur faire confiance, y compris lorsqu’ils effectuaient leurs missions à distance, et qu’ils n’étaient pas moins performants dans ce contexte. Il y a eu un véritable changement de mindset à l’échelle du pays ! »

Comme en France, de nombreux managers marocains appréhendaient la mise en place du télétravail : « On a essayé de les accompagner au mieux en leur proposant des formations pour apprendre à gérer leurs équipes à distance ». Côté pratique, « le passage au télétravail a suscité moins de problématiques qu’en France, car les logements marocains sont plus spacieux que les appartements parisiens et que nos collaborateurs ont facilement pu aménager un espace de travail confortable à leur domicile ». En revanche, c’est la qualité de la connexion internet qui laissait parfois à désirer dans certaines zones : « Nous avons dû équiper certains logements de routeurs pour que nos salariés puissent avoir la 4G. »

« Les Marocains accordent souvent la priorité à leur famille »

Selon Nisrine, ce changement de paradigme concernant le télétravail a ouvert la voie à une plus grande flexibilité, qui répond bien aux aspirations des actifs marocains : « Ils accordent souvent la priorité à leur famille et cela peut avoir une incidence sur leur organisation professionnelle. Certains ont besoin de poser des congés ou de demander des jours de télétravail supplémentaires pour prendre soin d’un proche malade ou participer à des événements familiaux importants. A partir du moment où l’on fait confiance à notre collaborateur, on accepte systématiquement ces requêtes. La flexibilité fait partie de nos piliers et contribue à fidéliser nos salariés. »

Car au Maroc aussi, les talents tech sont difficiles à attirer et à conserver. D’où l’importance d’investir du temps pour faire rayonner sa marque employeur : « Nous avons renforcé nos relations avec les écoles d’ingénieur et de commerce : visites d’entreprise par les étudiants, intervention de nos collaborateurs dans les écoles, accueil de stagiaires de fin d’études et proposition de CDI aux bons éléments dans le cadre de cérémonies de remise de diplômes. Nous nous appuyons aussi sur la cooptation, qui fonctionne très bien chez nous, et nous restons très à l’écoute de nos collaborateurs pour les accompagner dans leurs projets d’évolution professionnelle. Les jeunes candidats, notamment, sont extrêmement attentifs aux possibilités d’évolution à 4 ou 5 ans lorsqu’ils postulent. Pour les convaincre, on doit donc leur proposer de les accompagner jusqu’au bout de leur plan de carrière. »

Des travailleurs motivés par la sécurité de l’emploi et les perspectives de promotion

Hors IT, le turnover est assez faible dans les entreprises marocaines. Il n’est pas rare de voir un salarié effectuer toute sa carrière au sein de la même structure. « Généralement, si un Marocain se sent rémunéré à sa juste valeur, travaille dans un milieu sain et voit son travail reconnu, il ne papillonne pas d’une entreprise à l’autre, constate Nisrine. Les Marocains sont motivés par la sécurité de l’emploi et les perspectives de promotion. Ils sont prêts à travailler dur pour atteindre leurs objectifs professionnels. Pour eux, le travail est avant tout une source de fierté, de dignité, de reconnaissance sociale et un moyen d’assurer la stabilité financière de leur famille. »

Autre trait caractéristique de la culture de travail marocaine : « Les relations interpersonnelles avec les collègues sont très importantes. Très vite des affinités se créent et peuvent se transformer en amitiés. En tant qu’employeur, nous veillons à renforcer ces liens qui nourrissent le sentiment d’appartenance à l’entreprise. »

Et qu’en est-il du rapport des salariés avec leurs RH ? De l’aveu de Nisrine, la perception de sa fonction varie fortement en fonction de l’expérience et de la place dans la hiérarchie de chacun : « Les managers et les directeurs opérationnels sont plus enclins à nous considérer comme des partenaires stratégiques, car ils nous côtoient tous les jours et nous consultent pour tous leurs sujets RH : recrutement, organisation du travail, bien-être au travail… Les autres collaborateurs ne voient pas nécessairement tous les efforts que l’on fait pour améliorer leur confort global. Ils pensent parfois que notre rôle se borne à valider leur paie en fin de mois. »

Bien s’équiper pour bien recruter