Refus de rupture conventionnelle : ce que dit la loi
A quelles conditions peut-on refuser une rupture conventionnelle, côté employeur et côté salarié ?

Manière de se séparer à l’amiable, la rupture conventionnelle repose sur un commun accord de l’employeur et de l’employé. Ni l’un ni l’autre ne peut imposer sa volonté de rompre ainsi le contrat de travail. Par conséquent, l’employeur comme le salarié peuvent refuser la rupture conventionnelle demandée par l’autre partie. A quelles conditions et suivant quelles règles ? On fait le tour de la question.
Une brève histoire de la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle a été mise en place en 2008. Ce mode particulier de rupture du contrat de travail est exclusivement réservé aux contrats à durée indéterminée (CDI), sans condition d’ancienneté minimale. Très populaire, tant du côté des salariés que des entreprises, elle présente plusieurs avantages : elle permet au salarié de prétendre, en plus de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, aux indemnités chômage. Côté employeur, elle représente une procédure moins lourde qu’un licenciement et éloigne le risque de contentieux.
Selon les chiffres de la Dares, 514 706 ruptures conventionnelles avaient été signées sur l’année 2023. A titre de comparaison, l’institut statistique recense 304 308 conventions de rupture conventionnelle en 2013. L’engouement pour cette séparation à l’amiable se confirme, même si la tendance est à la stabilisation sur la fin de l’année 2024, avec 125 800 conventions de rupture conventionnelle signées au troisième trimestre, soit 0,1% de moins qu’au deuxième trimestre 2024.
Cette progression s’est effectuée en dépit d’une augmentation du coût de la rupture conventionnelle pour l’employeur : depuis le 1er septembre 2023, le forfait social payé par l’employeur sur les indemnités versées au collaborateur est passé de 20 à 30% du montant total (dans la limite de deux plafonds de la Sécurité sociale, soit l’équivalent de 93 000€).
Que dit la loi au sujet de la rupture conventionnelle ?
Un consentement libre et éclairé des deux parties
Selon l’article L.1237-11 du Code du travail, « la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties ». Elle repose donc sur un consentement libre et éclairé de l’employeur et du collaborateur.
La possibilité de se faire assister lors de l’entretien
Les modalités de la rupture conventionnelle (date de fin du contrat de travail, indemnité, délai de rétractation) doivent être précisées lors d’un ou plusieurs entretiens. Durant celui-ci ou ceux-ci, le salarié peut se faire assister d’un salarié de son choix. De la même manière, l’employeur peut être secondé par un salarié de son entreprise ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, par une personne membre de son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur appartenant à la même branche professionnelle.
Des indemnités au moins égales au minimum des indemnités prévues pour un licenciement
Le Code du travail précise aussi les éléments à faire figurer dans la convention de rupture conventionnelle :
- L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, qui ne peut être inférieure au minimum d’une indemnité de licenciement ;
- La date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain de la date d’homologation de la rupture conventionnelle par la Dreets ;
- Le délai de rétractation, qui est fixé à 15 jours calendaires à compter du jour de la signature de la convention par les deux parties.
Notez qu’aucune période de préavis n’est spécifiée dans le cadre d’une rupture conventionnelle. L’employeur et le salarié ont tout loisir de se mettre d’accord sur un départ dans un, deux, trois mois ou plus.
Une homologation de la convention par une autorité compétente
Enfin, pour être validée, la convention de rupture conventionnelle doit être homologuée par la Dreets (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) ou la DDETSPP (direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection de la population). L’administration dispose de 15 jours après l’expiration du délai de rétractation pour valider définitivement la convention.
Le refus de rupture conventionnelle par l’employeur
Quels sont les motifs les plus courants de refus d’une rupture conventionnelle par l’employeur ?
Un employeur a le droit de refuser une rupture conventionnelle souhaitée par un salarié pour plusieurs raisons :
- Si le salarié n’est pas en CDI ;
- Si le salarié est en période d’essai ;
- Si l’employeur ne veut pas que le salarié quitte l’entreprise ;
- S’il juge le coût de l’indemnité de rupture conventionnelle trop élevé pour l’entreprise ;
- S’il craint que cela n’ouvre la porte à d’autres départs ;
- S’il n’est pas d’accord avec la date de rupture du contrat de travail souhaitée par le salarié ;
- Si elle intervient dans l’un des cas suivants : accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou plan de sauvegarde de l’emploi, accord collectif sur une rupture conventionnelle collective, procédure visant à contourner les garanties prévues en matière de licenciement économique ;
- Si le consentement de l’une des parties a été vicié par un mensonge, une menace, des faits de harcèlement moral…
Les motifs de refus illégaux
Si votre collaborateur estime que votre refus se fonde sur un motif discriminatoire (origine, religion, situation familiale, grossesse…), il peut contester votre décision devant le conseil de prud’hommes.
Il peut également engager une procédure judiciaire s’il considère que vous refusez une rupture conventionnelle pour le pousser à la démission, ce qui peut constituer un fait de harcèlement moral.
Comment refuser une demande de rupture conventionnelle d’un salarié ?
Il faut savoir que l’employeur n’est pas obligé de répondre à une demande de rupture conventionnelle émanant d’un collaborateur, et ce même si celle-ci lui a été faite par voie de lettre recommandée avec accusé de réception.
Il n’est pas non plus tenu de justifier son refus auprès du salarié. Il peut lui faire part de sa décision soit par écrit, soit à l’oral.
Exemple de lettre de refus pour les employeurs :
« Monsieur X,
Le 24 janvier 2025, vous nous avez informés de votre souhait de bénéficier d’une rupture conventionnelle de votre contrat de travail.
Conformément aux articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail, je vous informe que l’entreprise n’entend pas donner une suite favorable à votre demande. Votre contrat de travail se poursuit donc dans les mêmes conditions.
Je reste à votre disposition pour échanger sur vos motivations.
Je vous prie de recevoir mes sincères salutations.
Signature »
Quelles options pour les salariés face à ce refus ?
Le collaborateur peut renégocier avec son employeur la date de rupture du contrat ou l’indemnité à verser, si ces éléments constituaient des points bloquants. Il a également le droit de solliciter le concours d’un médiateur, neutre et impartial, qui peut intervenir pour aider les deux parties à aboutir à un accord acceptable. Enfin, il peut se tourner vers un avocat spécialisé en droit du travail pour être conseillé sur ses droits ou bien saisir la justice s’il estime que le motif du rejet de sa demande est illégal. A compter de la notification du refus, le salarié dispose d’un délai de 12 mois pour saisir le conseil de prud’hommes.
Le refus de rupture conventionnelle par le salarié
Pour quelles raisons un salarié peut-il refuser une rupture conventionnelle ?
La plus évidente d’entre elles est que le collaborateur souhaite conserver son emploi dans l’entreprise. Un montant d’indemnité de rupture conventionnelle jugé insuffisant peut également constituer un motif légitime de refus de la part du salarié.
Comment refuser une rupture conventionnelle proposée par l’employeur ?
Le Code du travail ne précise pas les modalités de refus d’une rupture conventionnelle ; le salarié peut simplement refuser de signer la convention, sans avoir à se justifier.
Quelles options pour l’employeur face à ce refus ?
Un employeur ne pourra pas sanctionner un salarié pour refus d’une rupture conventionnelle. Il ne pourra pas non plus pousser son collaborateur à la démission, mais aura le droit de procéder à son licenciement pour motif personnel ou économique si les conditions sont réunies.
Combien de fois peut-on refuser une rupture conventionnelle ?
Le salarié tout comme l’employeur peuvent refuser une rupture conventionnelle autant de fois qu’ils le souhaitent.
Peut-on se rétracter après avoir signé une rupture conventionnelle ?
L’employeur et le salarié disposent d’un délai de 15 jours calendaires à l’issue de la date de signature de la convention de rupture conventionnelle pour revenir sur leur décision. Celui qui se rétracte devra alors adresser à l’autre partie un courrier recommandé avec accusé de réception ou une lettre remise en main propre contre décharge. Comme pour le refus d’une rupture conventionnelle, la personne qui ne souhaite plus mettre fin de la sorte à son contrat de travail n’a pas besoin de donner un motif de rétractation.
Exemple de lettre de rétractation pour l’employeur :
« Madame,
Nous avons signé, le 6 juin 2024, une convention de rupture conventionnelle à la suite de votre demande adressée par un courrier en date du 25 mai 2024.
Toutefois, je ne souhaite plus procéder à une rupture conventionnelle.
Par la présente et conformément à l’article L.1237-13 du Code du travail, je souhaite user de mon droit de rétractation.
Veuillez recevoir l’expression de mes sentiments respectueux.
Signature. »
Quelles sont les conséquences d’un refus de rupture conventionnelle ?
Le salarié devra rester en poste et l’employeur a l’obligation de le conserver au sein de ses effectifs, à moins d’opter pour un autre mode de rupture du contrat de travail.
Quelles alternatives en cas de refus de la rupture conventionnelle ?
La démission
En cas de refus de la rupture conventionnelle par l’employeur, le salarié peut lui donner sa démission, sans avoir besoin de la motiver. A l’inverse de la rupture conventionnelle, la démission ne peut pas être refusée par l’employeur.
Pour démissionner, le collaborateur doit informer son employeur de sa décision, par oral ou par écrit en faisant part de sa volonté claire et non équivoque de quitter l’entreprise. Ce départ n’ouvre pas droit aux indemnités chômage, sauf dans certains cas précis listés par France Travail : reconversion professionnelle, abandon de poste assimilé à une démission, démission pour suivre son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi…
Le licenciement
Si l’un de vos collaborateurs ne veut pas entendre parler de rupture conventionnelle, vous pouvez opter pour un licenciement pour motif personnel ou économique. En revanche, dans ce cas de figure, vous devez être en mesure de fonder votre décision sur un motif réel et sérieux. La procédure de licenciement est strictement encadrée par la loi et doit respecter plusieurs étapes : convocation à une entretien préalable au licenciement, notification écrite de la décision de licenciement, entretien de licenciement, lettre de licenciement, notification à la Dreets, remise des documents de fin de contrat…