Recul sur le télétravail : comment gérer quand on est RH ?

Alors que Free et la Société générale sont sur le point de restreindre le nombre de jours de télétravail, nos conseils aux RH pour affronter cette situation.

Free et La Société générale ont annoncé à leurs collaborateurs qu'ils allaient réduire le nombre de jours de télétravail possible.
Free et La Société générale ont annoncé à leurs collaborateurs qu'ils allaient réduire le nombre de jours de télétravail possibles. © Gorodenkoff/stock adobe.com

Jeudi 3 juillet, tous les salariés de la Société générale sont appelés à venir travailler au bureau. L’objectif de cette action « tous sur site » lancée par l’intersyndicale CFDT-CGT-CFTC ? Démontrer à la direction que la banque ne disposerait plus d’assez de places pour accueillir l’ensemble de ses collaborateurs en même temps, alors qu’elle a annoncé que tous les salariés devraient revenir sur leur lieu de travail au moins quatre jours par semaine, contre deux à trois jusqu’à présent.

Une décision prise au nom de l’« harmonisation des pratiques de travail », alors que 75% des salariés de la banque bénéficient de jours de télétravail, et « de l’accélération de la transformation du groupe pour favoriser son développement et améliorer sa performance », a écrit le directeur général du groupe, Slawomir Krupa, dans un mail envoyé aux équipes le 19 juin.

Ce recul sur le télétravail s’observe également chez Free, qui a réduit le nombre de jours de télétravail possible, de huit à six par mois, et interdit désormais de travailler à distance deux jours d’affilée. D’après la maison mère de Free, Iliad, ce réajustement s’opère pour renforcer « la collaboration, la proximité, la spontanéité et la rapidité de prise de décision qui font partie de notre ADN ». A noter que le recours au télétravail ne concerne que 15% des collaborateurs de l’entreprise.

Chez Free comme à la Société générale, ces annonces ont déclenché des mouvements de grève, à l’image des mobilisations contre le retour au bureau qui avaient eu lieu, il y a quelques mois, chez Ubisoft ou encore chez Michelin.

Les DRH se trouvent au cœur de ces conflits sociaux, avec un équilibre difficile à trouver entre performance collective et aspirations individuelles des salariés. Comment emprunter un chemin acceptable pour tous ?

Consulter le CSE et les représentants syndicaux

Avant toute communication à l’ensemble des collaborateurs, l’employeur doit prendre le temps d’informer les élus du CSE et les représentants syndicaux de sa volonté de modifier la politique de télétravail.

« Si vous souhaitez modifier un ou plusieurs points de votre accord de télétravail, vous devrez négocier un avenant de révision avec les organisations syndicales représentatives. Il est également conseillé de consulter le CSE, car le télétravail touche aux conditions de travail, qui relèvent des prérogatives du CSE », précisait Olivia Guilhot, avocate associée au sein du cabinet Voltaire Avocats, dans le cadre d’un webinaire, le 22 octobre 2024.

Dans le cas d’une révision d’une charte de télétravail, le droit du travail impose à l’employeur de consulter le CSE et d’en informer tous les salariés en respectant un délai de prévenance.

Respecter les conditions de réversibilité du contrat ou de la charte

Un employeur a le droit d’interdire le télétravail, car il repose sur un principe de réversibilité, rappelait Anne Vincent, avocate associée lors du webinaire de Voltaires Avocats : « Les conditions de retour à l’exécution d’un contrat sans télétravail doivent être prévues dans l’accord collectif ou la charte. »

Dans l’hypothèse d’un accord de télétravail conclu pour une durée indéterminée, vous pouvez dénoncer l’accord en respectant un préavis de trois mois et engager une négociation avec les représentants syndicaux pour conclure un accord de substitution. Si votre accord a été conclu pour une durée déterminée, vous devrez aller jusqu’à son terme.

Enfin, en présence d’une charte de télétravail, vous pouvez décider d’y mettre fin en suivant les règles de la dénonciation d’un engagement unilatéral (information par courrier des salariés bénéficiant du télétravail, information du CSE, délai de prévenance).

Révision de la charte ou renégociation de l’accord : un chantier à ne pas bâcler

Au moment de remanier votre charte ou votre accord, vérifiez que votre document contient toutes les mentions obligatoires, précisées à l’article L.1222-9 du Code du travail :

  • les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  • les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l’article L. 5213-6 ;
  • les modalités d’accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail ;
  • les modalités d’accès des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche à une organisation en télétravail.

Au-delà d’une modulation du nombre de jours de présence sur site, cette révision peut également être l’occasion de préciser les modalités de télétravail pour certains cas particuliers, comme l’a expliqué Free au Dauphiné : « Cette nouvelle charte permet aussi d’acter des adaptations pour les collaborateurs RQTH, proches aidants, les salariés habitant à plus de 75 minutes de leur lieu de travail, les femmes enceintes et les collaboratrices atteintes d’endométriose. »

Moins de télétravail pour quelle flexibilité ?

Les salariés sont attachés au télétravail, en particulier les cadres qui sont deux sur trois à pratiquer le télétravail régulièrement. Selon une étude de l’Apec publiée en mars 2025, 67% des cadres télétravailleurs seraient mécontents si leur entreprise réduisait le télétravail, un chiffre qui monte à 82% dans l’hypothèse d’une suppression pure et simple.

L’argument principal brandi par les défenseurs du télétravail est que cette organisation du travail leur a permis de créer une nouvelle routine et de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle. Depuis la banalisation du travail à distance, certains actifs ont déménagé, d’autres travaillent régulièrement depuis l’étranger, d’autres ont profondément repensé leurs temps de vie et leurs activités à l’aune de cette nouvelle organisation du travail. La limitation du télétravail ne doit pas occulter l’aspiration des collaborateurs à une grande flexibilité, liberté et autonomie dans le travail, qui va au-delà du télétravail en lui-même.

Et c’est sur ce tableau que les DRH peuvent jouer, non seulement pour fidéliser leurs collaborateurs, mais aussi attirer les candidats. Pour s’inspirer, elles peuvent regarder du côté des entreprises dont l’essentiel des postes ne sont pas télétravaillables, à l’image des entreprises de la santé, de la restauration, du retail ou du service à la personne, qui ont mis en place d’autres avantages pour garantir cette flexibilité au service de l’équilibre pro/perso :

  • Flexibilité horaire, avec la possibilité de commencer un peu plus tôt sa journée de travail pour terminer plus tôt, ou de la commencer plus tard pour finir plus tard ;
  • Un planning des jours et horaires de travail porté à la connaissance des équipes bien en amont, comme dans certains établissements de santé ;
  • Semaine de quatre jours ou quatre jours et demi ;
  • Jours de congé supplémentaires ou nombre de week-end off garanti par mois si vos collaborateurs travaillent le week-end ;
  • Un logement de fonction à proximité du lieu de travail ;
  • Des échanges de quarts (pour le travail posté, notamment dans les services de protection, la santé, les transports, certaines industries) facilités entre salariés.
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Bien s’équiper pour bien recruter