Pourquoi recruter un profil en reconversion dans votre entreprise ?
Ils sont expérimentés, ont mûri leur projet professionnel et sont extrêmement motivés. Les candidats en reconversion professionnelle présentent de nombreux atouts pour des recruteurs.

La crise sanitaire a poussé de nombreux actifs à changer de voie professionnelle. Selon les chiffres du baromètre Centre Inffo, publiés début 2021, un actif sur cinq était engagé dans une démarche de reconversion professionnelle. Qui sont-ils et pourquoi constituent-ils des candidats intéressants pour les entreprises ? Réponses avec Sandrine Vilain, directrice opérationnelle chez ifocop, et Benjamin Mathey, directeur des centres de formation ifocop de Paris.
Quel a été, de votre point de vue, l’impact de la crise sanitaire sur les envies de reconversion des actifs ?
Sandrine Vilain : La Covid-19 a fait réfléchir les actifs aux moyens d’obtenir un meilleur équilibre vie perso/vie pro et de mettre du sens dans leur travail. Ils ont pris le temps de se poser ces questions : qu’est-ce-que j’apporte aux autres ? Qu’est-ce que mon travail m’apporte ? Durant cette crise, plusieurs personnes ont trouvé le courage de prendre une direction qui leur plaît davantage, d’opter pour un métier qu’elles convoitaient parfois depuis des années sans oser se lancer. Enfin, une partie de la population a eu le temps de se poser et de constater qu’il n’y avait pas d’avenir ou pas d’évolution possible dans leur métier.
Benjamin Mathey : L’épidémie nous a offert une parenthèse qu’on ne s’accorde pas quand on a le nez dans le guidon. Certains ont vu qu’ils n’étaient plus en adéquation avec les valeurs de leur entreprise et ont pris un autre chemin. D’autres se sont retrouvés dans cette situation, non pas par choix, mais parce que leur entreprise a fermé, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, et ils ont dû s’adapter.
Quelles sont les grandes tendances actuelles de la reconversion professionnelle ?
S.V. : On compte de nombreux profils issus de l’hôtellerie-restauration qui se tournent, en général, vers des métiers de techniciens logistiques. On rencontre aussi des personnes qui viennent du secteur des services et du retail qui s’orientent vers la comptabilité ou les ressources humaines. Nous accompagnons également des personnes qui briguent des postes dans le secteur de la formation ou du coaching mais qui passent d’abord par des formations RH ou RRH.
B.M. : Dans nos centres de formation parisiens, nous accueillons des actifs issus du secteur du tourisme ou de la culture qui cherchent à se reconvertir, en particulier dans le secteur du digital, qui continue d’avoir le vent en poupe, mais aussi dans le domaine de la gestion, de la compta, des RH… On observe aussi que l’auto-entrepreneuriat attire de plus en plus de professionnels, ce qui peut paraître étonnant dans ce contexte économique incertain. Cela traduit une volonté d’être maître de ses actions et de son avenir.
Certaines générations se reconvertissent-elles plus que d’autres ?
S.V : Il n’y pas d’âge pour se reconvertir. Je suis surprise de voir qu’il y a beaucoup de juniors parmi les profils en reconversion, notamment chez ceux qui ont peu de qualification, comme des serveurs qui s’orientent vers le secrétariat, par exemple.
B.M. : On voit aussi de plus en plus de seniors qui entament une reconversion. Avec le recul de l’âge de départ à la retraite, ces professionnels recherchent du bonheur au travail pour leurs dernières années. On peut donc avoir envie de se reconvertir à tout âge, mais aussi quel que soit notre niveau de diplôme. Certains titulaires d’un master se tournent vers un tout autre métier, comme l’immobilier par exemple, le plus souvent par passion.
En quoi les expériences passées de ces candidats représentent-elles une valeur ajoutée pour des recruteurs ?
S.V. : Ce type de candidat a des capacités transverses, c’est-à-dire qu’il peut s’appuyer sur un socle de compétences à transférer à son nouveau poste. Cela permet au recruteur d’avoir accès à des compétences auxquelles il n’aurait pas pensé, de prime abord, mais qui peuvent être utiles à son entreprise.
Autre avantage des personnes en reconversion : ce sont des professionnels qui connaissent déjà le monde de l’entreprise et qui ont déjà travaillé avec d’autres collaborateurs. Ils peuvent aussi apporter un regard neuf, faire un rapport d’étonnement sur l’entreprise, sur ses méthodes, sur son fonctionnement.
Enfin, ce sont souvent des personnes qui se connaissent bien et qui sont en mesure d’affirmer clairement face à un recruteur qui elles sont et ce qu’elles savent faire. C’est plus fluide et plus clair, dès l’entretien d’embauche. La prise de risque est peut-être moins importante que dans le cas d’une embauche de jeune diplômé.
B.M. : Recruter un profil en reconversion, c’est recruter quelqu’un de mature, qui ne sort pas de formation initiale et qui connait les codes de l’entreprise. Ils ont une carte à jouer intéressante : celle de la double compétence. Par exemple, quelqu’un qui a travaillé vingt ans à la réception d’un hôtel et a toujours été intéressé, à titre personnel, par le code informatique pourra intéresser un recruteur d’une chaîne hôtelière qui recherche un développeur web.
Quelles qualités répandues chez les candidats en reconversion peuvent faire la différence par rapport à d’autres candidats lors d’un recrutement ?
S.V. : La débrouillardise, l’endurance et la détermination. Ils s’accrochent à leur projet professionnel avec une motivation hors normes.
B.M. : Les recruteurs peuvent être certains que ces candidats se tournent vers ce métier par passion, que c’est un métier qui sera choisi et non subi. De plus, dans le cas de reconversion à mi-parcours, il s’agit souvent de candidats installés, qui ont une famille et des prêts à rembourser et, donc, qui mettent tout en œuvre pour que cette nouvelle expérience soit une réussite. Ils sont d’autant plus impliqués !
Comment, en tant qu’organisme de formation, accompagnez-vous ces professionnels pour qu’ils soient capables de répondre aux besoins des employeurs ?
S.V. : Ils sont coachés par notre responsable formation tout au long de leurs parcours. On leur apprend à se connaître, à se positionner par rapport du marché du travail, à professionnaliser leur profil par rapport aux attentes des recruteurs. Ensuite, on les outille : on travaille avec eux sur leur CV, on identifie les freins éventuels (le plus souvent personnels) pour les lever, on leur donne confiance entre eux. Chez ifocop, on mise énormément sur la bonne synergie du groupe pour que tout le monde avance ensemble et apprenne les uns des autres en échangeant sur leurs expériences respectives.
B.M. : Notre modèle repose sur 4 mois de cours et 4 mois de stage en entreprise. On met l’accent sur la pratique pour rassurer nos apprenants sur la légitimité qu’ils ont à postuler dans des secteurs différents de ceux dans lesquels ils évoluaient. Atelier de rédaction de CV, préparation à l’entretien d’embauche, accès à une base de données pour rechercher des entreprises : on leur donne des outils concrets pour se repositionner sur le marché du travail et trouver un emploi. Notre objectif est que l’entreprise soit satisfaite de son stagiaire et l’embauche ensuite.