Recrutements dans le médico-social : « Les principaux freins sont le salaire et les conditions de travail »
Comment pallier la pénurie de main-d’œuvre dans le médico-social ? Le point de vue de Luc Gateau, président de l’Unapei.

D’ici 2025, 150 000 postes sont à pourvoir dans le secteur médico-social, notamment pour prendre soin des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées. Les principaux besoins de recrutement se concentrent sur les métiers d’éducateur, d’aide médico-psychologique, d’orthophoniste, de psychomotricien, mais aussi des postes de cadres de santé ou de chef d’établissement et de service. Or, les candidats se font rares et les besoins de remplacement du personnel risquent de s’accentuer du fait de la moyenne d’âge élevé du secteur.
Pourtant, une étude Opinionway pour l’Unapei, publiée le 19 mars 2024, montre que 69% des personnes interrogées se disent intéressées par au moins l’une des professions du médico-social, car ils les jugent porteuses de sens et au contact de l’humain. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?
Des fermetures de services
Pour Luc Gateau, président de l’Unapei (Union nationale des associations des parents, des personnes handicapées mentales et de leurs amis), « les principaux freins aux nouvelles vocations sont le salaire insuffisant et les mauvaises conditions de travail, deux signes d’un manque de reconnaissance ». Une pénurie qui se traduit par des situations de détresse : « On constate une tension forte sur le terrain avec, parfois, des alertes que constituent les fermetures de services. Les premiers à en faire les frais sont les services de jour dans les maisons d’accueil spécialisé. On renvoie la charge de travail sur les familles des personnes en situation de handicap qui ne tiendront pas. Le retour en arrière sur un certain nombre de prises en charge est alarmant. Le risque est qu’en augmentant la part de parents aidants, ces derniers craquent. Il faut éviter ces points de ruptures qui font régresser certaines pathologies. Ne faisons pas retomber sur ces aidants tout le poids du manque d’effectif ! »
Selon une récente enquête de l’Unapei menée auprès de 4000 parents, 91% font de la garantie d’une solution d’accompagnement pour leur enfant la priorité de leur vie. Selon la même enquête, 41% des actifs sont à temps partiel.
« Sans ces professionnels, la garantie de l’accompagnement des personnes en situation de handicap n’est pas assurée. Or ces métiers ne peuvent pas être assurés par une IA ou un robot », poursuit Luc Gateau. Une fois le constat dressé, quelles solutions émergent pour attirer davantage vers ces professions ?
« Donner de la visibilité aux invisibles »
Les campagnes de communication, notamment à destination des plus jeunes, sont un puissant levier, d’après le président de l’Unapei : « Les directeurs d’établissement et les professionnels doivent aller dans les collèges et les lycées pour susciter des questionnements chez ces jeunes, interroger les stéréotypes (pourquoi parle-t-on certains de ces métiers exclusivement au féminin ?). On travaille aussi sur nos visuels lors de nos campagnes pour montrer que les hommes ont accès à ces métiers et peuvent tout autant s’y épanouir. On sait qu’avoir des équipes mixtes est important, à la fois pour les professionnels et pour les personnes accompagnées, pour avoir des relations sociales équilibrées. »
Les témoignages vidéo des professionnels ont énormément d’impact : « On donne de la visibilité à des professionnels qui, la plupart du temps, se sentent invisibles, mais qui aiment leur métier. » A travers des films, comme celui réalisé récemment par Paralysie cérébrale France, ces travailleurs qu’on avait applaudis pendant la crise sanitaire, sont remis en lumière.
Valoriser socialement et financièrement ces métiers
Mais, au-delà de ces actions, la profession souffre du manque de reconnaissance financière et sociale. « J’aimerais que le métier soit valorisé socialement, explique Sandrine, monitrice-éducatrice interrogée dans le cadre de l’enquête. C’est un métier difficile, qui implique une remise en question constante. On doit réfléchir sur sa pratique, suivre de nouvelles formations. Ce n’est pas donné à tout le monde. »
« Aujourd’hui nous ne sommes ni concernés par les augmentations ni par les primes, renchérit Corinne, éducatrice spécialisée. Pourtant le coût de la vie augmente et impacte tout le monde. » Résultat : les jeunes formés à ces métiers dans les régions frontalières du Luxembourg ou de la Suisse partent à l’étranger pour toucher des salaires bien plus élevés.
Pour stopper cette fuite des talents et susciter de nouvelles vocations, « il faut accélérer sur l’amélioration des conditions de travail : certains employeurs commencent à proposer à leurs collaborateurs de ne travailler qu’un week-end sur trois au lieu d’un sur deux. En proposant d’aménager les horaires et les jours de travail, on répond à une demande croissante de flexibilité. Quand on travaille au sein de services qui fonctionnent sept jours sur sept et 365 jours par an, il est nécessaire d’adapter les rythmes des travailleurs pour éviter l’épuisement professionnel », développe Luc Gateau.
« À l’échelle de la société, nous devons répondre à cette question essentielle : qui prend soin de nous quand on va moins bien ou quand on est différent ? L’accompagnement doit être un droit, pour toutes ces personnes », conclut-il.