Recrutement des seniors : qu’est-ce qui coince ?
Une étude dévoilée le 29 avril révèle les principaux freins à l’embauche des 50 ans et plus, selon les DRH. Des pistes de solution se dessinent.

En France, 58,4% des personnes de 55 à 64 ans sont en emploi, selon les derniers chiffres de la Dares, soit près de six points de moins que le taux d’emploi moyen dans l’Union européenne. Pour les Français de 60 à 64 ans, ce chiffre chute à 35%.
« Le sous-emploi des plus de 50 ans est une réalité qui se traduit par des fins de carrière difficiles, au mieux en pente douce (plus de formation, plus de promotion), au pire par la confrontation brutale avec le marché du travail, y compris quelques fois avec des pratiques clairement discriminatoires. Le sous-emploi des 50 ans et plus constitue un véritable gâchis, à tout point de vue : gâchis humain, gâchis économique, gâchis social. C’est contre ce gâchis que nous devons nous mobiliser et donner de nouvelles perspectives aux 50 ans et plus », a déclaré la ministre chargée de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, lors d’une journée dédiée à l’emploi des seniors organisée au ministère du Travail, mardi 29 avril.
Le recrutement des 50 ans et plus : un angle mort des politiques RH
A cette occasion, une étude Ipsos* réalisée pour le compte de l’ANDRH, du ministère du Travail et de l’Emploi et de la communauté « Les entreprises s’engagent », met en lumière les principaux obstacles à l’emploi des seniors aux yeux des DRH.
Premier constat : seule une entreprise sur quatre a une politique RH dédiée aux 50 ans et plus. Cette part se réduit encore lorsqu’on aborde les actions de recrutement spécifiques aux seniors, déployées par 8% des DRH du panel. Pourtant, 25% de ces derniers jugent que des modalités de recrutement différentes seraient des remparts efficaces aux discriminations à l’embauche.
Du point de vue des DRH, le principal frein à l’embauche d’un salarié expérimenté demeure le niveau de salaire (cité par 31% de l’échantillon). Les autres obstacles avancés sont :
- La réticence du manager ou de l’équipe (14%) ;
- La difficulté à s’adapter à la culture (11%) ;
- L’écart de compétences (6%) ;
- La pénibilité de l’emploi (5%) ;
- La condition physique (4%).
Quelles solutions pour favoriser le recrutement de salariés expérimentés ?
Face à cet enjeu clé d’accès à l’emploi des seniors, une palette d’opportunités s’offrent aux professionnels des ressources humaines, que ce soit sur le plan des évolutions législatives ou des actions à déployer au sein de l’entreprise.
Généralisation d’Atout Senior, un dispositif de reconversion professionnelle
Astrid Panosyan-Bouvet a annoncé la généralisation du dispositif Atout Senior, un parcours de reconversion professionnelle réservé aux demandeurs d’emploi de 50 ans et plus, expérimenté par France Travail et l’institut de formation ifocop. Passés la cinquantaine, les Français restent, en effet, plus longtemps au chômage (582 jours en moyenne contre 311 toutes catégories d’âge confondues). C’est pourquoi France Travail et l’institut de formation ifocop ont mis en place un parcours de formation spécifique, de quatre mois d’enseignement théorique et quatre mois de stage en entreprise. Mis en place en septembre 2024, le dispositif affiche des résultats très satisfaisants, avec un retour à l’emploi de 83% pour les personnes en ayant bénéficié. Côté financement, l’entreprise accueillant le stagiaire prend en charge 75% de la formation, le reste étant financé par le Compte personnel de formation du bénéficiaire (CPF) et abondé, si nécessaire, par France Travail.
Un nouveau CDI pour les 60 ans et plus : le contrat de revalorisation de l’expérience
Dans le cadre de la future loi qui doit transposer l’accord national interprofessionnel (ANI) signé par les partenaires sociaux en novembre 2024, un nouveau type de CDI, appelé contrat de valorisation de l’expérience, doit voir le jour. Il sera réservé aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus et offrira une meilleure visibilité à l’employeur sur le départ en retraite de la personne qu’il recrute.
Des testings et des formations pour les personnes qui recrutent
Alors que l’âge constitue la première source de discrimination à l’embauche, a rappelé la Défenseure des Droits, la ministre chargée de l’Emploi a également annoncé la mise en œuvre de campagnes de testings, en lien avec le Dares, pour objectiver les pratiques discriminatoires. Les premières statistiques seront partagées en 2026 pour permettre de prévenir plus efficacement ce type de comportement.
Selon l’étude Ipsos, 38% des entreprises ont d’ores et déjà instauré des formations pour prévenir la discrimination et les stéréotypes liés à l’âge, notamment à l’occasion du recrutement d’un salarié. Ce type de pratiques doit essaimer sur d’autres organisations.
Valorisation de l’expérience et transmission des compétences
Le changement de regard sur les seniors passe aussi par une reconsidération de la richesse que ces travailleurs ont à apporter à l’entreprise et aux autres générations. 80 % des DRH soulignent que la cohabitation des générations à des effets positifs en termes d’entraide, de transfert de compétences et de valeur pour l’entreprise. Sept entreprises sur dix ont d’ailleurs mis en place des actions de formation et de tutorat, afin que les salariés expérimentés transmettent leurs compétences avant leur départ à la retraite. Les politiques RH visant à tisser des liens intergénérationnels sont en revanche moins fréquents : seul un quart des entreprises proposent des temps dédiés à la transmission entre générations.
Une campagne nationale de communication autour de l’emploi des 50 ans et plus
Toujours dans l’objectif d’offrir un prisme nouveau sur les seniors et le marché du travail, une campagne nationale de communication sera lancée par le ministère du Travail et de l’Emploi, fin mai, à destination de deux cibles : les recruteurs et les demandeurs d’emploi de 50 ans et plus. Elle sera déclinée à la radio et dans les gares.
Aménagement et adaptation du travail en fin de carrière
Enfin, les craintes des employeurs autour de la pénibilité du poste et de la condition physique du candidat peuvent être facilement levées si l’entreprise met en place des aménagements et des adaptations des postes et/ou du temps de travail (retraite progressive, réduction du temps de travail…), pour répondre aux besoins et aux envies de leur collaborateur. Le gouvernement prévoit d’ailleurs d’avancer à 60 ans l’âge à partir duquel il est possible de proposer une retraite progressive à partir du 1er septembre prochain. Les décrets d’application sont attendus pour juin.
*Consultation menée en mars et avril 2025, auprès de 1083 directeurs des ressources humaines, issus des fichiers de l’ANDRH et de Les Entreprises s’engagent via un sondage en ligne.