Entreprises : comment attirer davantage de femmes vers les métiers scientifiques et techniques ?

Les employeurs ont un rôle important à jouer !

Seuls 23% des ingénieurs, en France, sont des femmes.
Seuls 23% des ingénieurs, en France, sont des femmes. © Gorodenkoff/stock adobe.com

Seuls 23% des ingénieurs en France sont des femmes, d’après les chiffres 2019 d’IESF (Ingénieurs et scientifiques de France). Alors que de nombreuses entreprises cherchent à recruter des profils scientifiques et techniques pour accompagner des transitions majeures (numériques, écologiques…), cette sous-représentation des femmes au sein de la filière prive les employeurs de compétences clés pour exercer ces métiers d’avenir.

Comment faire pour parvenir à attirer les femmes vers ces postes ? Au-delà des efforts à accentuer en matière d’orientation professionnelle, les entreprises ont aussi un rôle à jouer, comme nous l’expliquent Martine Guillemet, ancienne ingénieure, et Léa Benoist, Manager SOC (Security Operation Center).

« J’ai dû attendre huit ans avant d’être nommée cadre ! »

Après un BTS assistante d’ingénieur et une première expérience au bureau d’études des tracés d’autoroutes des Ponts et Chaussées, où elle était la seule femme, Martine Guillemet a rejoint l’arsenal militaire de Roanne, en tant que calculatrice : « J’ai choisi cette voie parce que j’aimais bien bricoler avec mon père quand j’étais enfant. Je savais qu’il y avait peu de femmes dans ces métiers d’industrie, mais ça ne m’a jamais posé de problème ! »

Un jour, elle tombe avec son mari sur un article de CESI faisant la promotion de sa formation au métier d’ingénieur : « Mon époux a décidé de s’y inscrire et je me suis dit : ‘’Pourquoi pas moi ?’’ » Elle intègre alors une promotion de 45 étudiants, au côté d’une autre femme, et devient, en 1976, la première femme diplômée de l’école d’ingénieur. « Tout le monde a été très bienveillant avec moi pendant ma formation, le plus difficile a été de laisser mes enfants en garde à mes parents ! »

Mais lorsqu’elle revient sur le marché du travail, tout se complique : « J’ai cherché partout mais personne ne voulait recruter une femme ingénieure. Mon mari a été embauché comme cadre à l’arsenal militaire, dès l’obtention de son diplôme. Moi, j’ai attendu huit ans avant d’être nommée cadre dans la même entreprise ! J’allais pourtant voir régulièrement le directeur adjoint qui s’occupait du personnel. La seule réponse qu’il m’apportait, c’était que ‘’mon mari et moi ce n’était pas pareil.’’ » Martine a dû patienter jusqu’au départ de ce supérieur pour obtenir la promotion tant espérée.

« Il fallait que j’en fasse plus qu’un homme pour me faire respecter »

A-t-elle parfois eu le sentiment que son management était contesté du fait du son genre ? « Pas vraiment. Mais je crois que c’est lié à mon tempérament : je ne veux jamais rien devoir à personne et je suis une battante ! Un supérieur m’a dit un jour que je dégageais une autorité naturelle, ça m’a sans doute aidée. En revanche, j’ai senti qu’il fallait que j’en fasse plus qu’un homme pour me faire respecter, pour que l’on ne s’attribue pas les lauriers de mon travail. A 8h, j’étais au travail, je ne partais qu’à 22h et je rapportais du travail à la maison. »

Heureusement, les mentalités évoluent peu à peu, selon Léa Benoist, embauchée il y a cinq ans chez I-TRACING, après un Master spécialisé en cybersécurité : « Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu travailler dans la sécurité informatique. Jusqu’à la fin du lycée, c’était assez mixte, ensuite beaucoup moins. Mais, que ce soit pendant mes études ou au travail, je me suis toujours sentie aussi considérée que les hommes. Mon entreprise m’a permis d’évoluer rapidement : Analyst SOC (Security Operation Center), puis, au bout de trois ans, Lead Analyst, et je suis aujourd’hui Manager SOC. »

« Mettre en avant des success stories de salariées »

Lorsqu’elle rencontre I-TRACING lors d’un événement recrutement, elle a un coup de cœur pour la dimension « familiale et humaine de l’entreprise » : « Echanger avec les recruteurs m’a convaincue que la cybersécurité était un environnement très épanouissant, que l’on soit un homme ou une femme. Selon moi, les entreprises ne communiquent pas suffisamment sur les métiers de l’informatique. Les femmes ont parfois en tête le cliché qu’ils sont réservés à des gars passionnés de jeux vidéo, très solitaires. D’où l’importance de démystifier ces professions en allant rencontrer des candidates ! »

Martine est, elle aussi, persuadée que le discours des employeurs est clé dans l’attraction de ces talents féminins : « Intervenir dans les forums métier, dans les salons de recrutement, dans les écoles. Laisser les femmes parler de leur métier aux jeunes filles. Expliquer comment la technologie permet de compenser une force physique moindre à certains postes techniques. Communiquer sur les avantages de sa politique parentalité. Ce sont des messages auxquels les femmes sont sensibles ! »

Autre conseil de Léa : « Plutôt que de communiquer des chiffres le nombre de femmes managers, le nombre de femmes recrutées mettre avant des success stories de salariées a bien plus d’impact. L’objectif est que les candidates se disent : ‘’Ce poste à l’air sympa, c’est une femme qui l’occupe et elle s’y sent bien !’’ »

« Un recrutement centré sur les qualités humaines »

Les RH sont les clés de voûte de ces politiques d’inclusion. Elles sont les garantes du traitement équitable de toutes les candidatures : « Des progrès restent à faire, constate amèrement Martine. En phase finale de recrutement, une entreprise a clairement indiqué à ma fille, ingénieure Arts et Métiers, qu’elle préférait embaucher l’autre candidat, un homme, car elle craignait que des projets de maternité ne viennent perturber le fonctionnement du service. » L’ancienne ingénieure appelle aussi les recruteurs à revoir les critères de leurs offres d’emploi : « Un recrutement davantage centré sur la valorisation des qualités humaines, et pas exclusivement sur la performance individuelle, serait plus bénéfique pour les femmes. »

« Savoir qu’on travaille dans une safe place »

Autre élément décisif, aux yeux de Léa, pour accepter de rejoindre une entreprise où les femmes sont minoritaires : « Savoir qu’on travaille dans une safe place. Cela signifie permettre aux femmes d’identifier facilement les référents harcèlement au sein de l’entreprise, leur proposer des interlocutrices vers qui se tourner en cas de comportement sexiste. Mais aussi créer des réseaux de femmes, des cercles de discussion dédiés aux problématiques qu’elles rencontrent dans le cadre professionnel. »

Bien s’équiper pour bien recruter