Désengagement au travail : comment le « quiet quitting » a-t-il gagné la France
Une enquête explique pourquoi de plus en plus de Français n’ont pas envie de s’investir plus que cela au travail.
« Ne pas compter ses heures », « travailler plus pour gagner plus » : des principes qui semblent séduire de moins en moins de travailleurs et appartenir à l’ancien monde. Celui d’avant la crise sanitaire. Aujourd’hui, de plus en plus d’actifs pratiquent le quiet quitting, un phénomène venu des Etats-Unis qui consiste à s’en tenir strictement aux missions de sa fiche de poste. Pas d’excès de zèle, pas d’heures sup, pas de coup de main aux collègues surchargés de travail.
Un rapport au travail pécuniaire
Ce syndrome du désengagement au travail prend de plus en plus d’ampleur en France. Selon les résultats d’un sondage Ifop*, 37% des Français seraient concernés par le quiet quitting ! C’est-à-dire qu’ils font leur cette réflexion, soumise par l’institut de sondage : « Personnellement, je fais mon travail mais je refuse les heures supplémentaires, d’être sollicité en dehors de mes heures de travail ou d’assumer des responsabilités ne faisant pas partie de mon poste. »
Dans le sillage de la note de la fondation Jean-Jaurès, qui observe que le travail occupe une place de moins en moins structurante dans nos vies, le sondage Ifop confirme que le rapport des jeunes générations au travail est avant tout d’ordre pécuniaire. Ainsi, 45% du panel ne se rend au travail que pour l’argent qu’il en retire. En 1993, ils n’étaient que 33% à citer le salaire comme source première de leur motivation. Autre chiffre qui va dans le même sens : 58% des Français affirment qu’ils arrêteraient de travailler si on leur garantissait un maintien du revenu qu’ils touchent actuellement.
Le travail est aujourd’hui davantage perçu comme une contrainte (pour 54% des personnes interrogées) que comme une source d’épanouissement (pour 46%).
Le calcul coûts-bénéfices
Quelles causes à cette « démission silencieuse » ? Un sentiment de ne pas être rétribué (financièrement ou non) à la hauteur des efforts investis, en termes de temps, de volume horaire, d’implication. La France du travail semble, en réalité, être coupée en deux avec, d’un côté, 51% de personnes qui déclarent travailler beaucoup et, de l’autre, 45% qui indiquent faire « juste ce qu’il faut ». Avec des disparités en fonction de la catégorie sociale des répondants : 63% des cadres affirment travailler beaucoup, contre 45% des ouvriers et 48% des employés.
Le quiet quitting est aussi une affaire de génération. Les jeunes sont considérés par 74% des sondés comme moins travailleurs que leurs aînés. Un constat qu’eux-mêmes partagent puisque 61% des 18-24 ans et 71% des 25-64 ans sont d’accord avec cette affirmation.
*Enquête menée du 11 au 13 octobre par l’IFOP pour Les Makers par questionnaire auto-administré auprès de 2 015 personnes âgées de 18 ans et plus représentatives de la population française.