Le « quiet hybrid » ou quand le télétravail se fait très discret

Le mot RH de la semaine. Aurélie Louviers, experte en recrutement au Mercato de l’Emploi, décrypte cette nouvelle pratique.

quiet hybrid
Le « quiet hybrid » interroge sur la capacité des entreprises à concilier le cadre officiel avec le désir de flexibilité des salariés. © svitlychnaja/stock adobe.com

« En marge des politiques de retour sur site, une nouvelle tendance émerge : le travail hybride silencieux ou quiet hybrid. Avec l’accord tacite du manager, certains collaborateurs continuent de télétravailler à temps plein, ou à des horaires décalés, contournant ainsi les directives de l’entreprise de retour au bureau. Cette pratique soulève une question cruciale : quand les besoins des collaborateurs ne s’alignent pas avec les politiques de l’entreprise, comment l’organisation du travail est-elle impactée ? »

Le télétravail « sous les radars »

« Le concept de travail hybride silencieux désigne une situation où des collaborateurs, qui ont pris l’habitude du télétravail, choisissent de continuer à travailler depuis chez eux malgré les demandes de leur entreprise de retour au bureau. Cette pratique peut être tolérée de façon discrétionnaire par le manager direct, créant une déconnexion entre la politique officielle de l’entreprise et la réalité du terrain. Ce télétravail « en cachette » interroge sur la capacité des entreprises à concilier le cadre officiel avec les aspirations profondes des salariés, demandeurs d’une plus grande flexibilité. »

« Malgré la mise en place de directives standardisées, comme un nombre de jours de présence hebdomadaire au bureau, l’interprétation et l’application de ces règles peuvent varier significativement d’une équipe à l’autre. Une étude Gartner de 2023 souligne d’ailleurs que l’incohérence dans l’application des politiques de flexibilité réduit le sentiment d’équité au sein des équipes. À long terme, une telle situation peut non seulement affecter le moral et l’engagement des collaborateurs, mais aussi avoir des répercussions sur la performance globale de l’organisation. La clé réside donc dans l’établissement d’un cadre qui, tout en laissant une marge de manœuvre managériale, garantit une expérience juste et équitable pour tous… »

Un signe de déconnexion

« Ce phénomène met en lumière une déconnexion entre les politiques de l’entreprise et la réalité opérationnelle du terrain. Il traduit une inadaptation des salariés. Alors que la direction peut imposer des jours de présence au bureau, les managers, au plus proche de leurs équipes, cherchent des solutions pragmatiques pour maintenir la satisfaction et la productivité. Ils cherchent à retenir leurs talents dans un contexte où le pouvoir de négociation a longtemps été du côté des employés, et où la flexibilité est devenu un avantage compétitif majeur. »

« Cette approche crée une zone grise qui soulève des questions fondamentales. Elle peut générer de l’inégalité : si certains managers sont plus souples que d’autres, cela peut créer un sentiment de favoritisme et nuire au moral des équipes. La cohésion au sein des collaborateurs peut, elle aussi, être dangereusement mise en péril, de même que la communication si cette situation se traduit par un manque de transmission des informations capitales au fonctionnement des équipes. Enfin, la confiance, un pilier de la culture d’entreprise, peut être ébranlée si les collaborateurs perçoivent une application des règles à deux vitesses. Cela peut aller aussi à l’encontre de la politique globale RH ce qui est problématique… »

Et si on proposait un télétravail « à la carte » ?

« Ce travail hybride silencieux n’est pas une fatalité. Il s’agit d’un signal d’alarme pour les entreprises : il est peut-être temps de repenser nos modèles de travail de manière plus agile et plus transparente. Au lieu d’imposer un modèle unique, les entreprises pourraient avoir une approche plus fine du télétravail en fonction des profils, des services, des métiers. Pour ce faire, elle peuvent actionner différents leviers :

  • Impliquer les managers dans la définition des politiques : ils sont les mieux placés pour comprendre les besoins de leurs équipes et les spécificités de leurs missions ;
  • Adapter les politiques de télétravail aux enjeux des différents métiers : un rôle créatif ou de R&D n’a pas les mêmes besoins en termes de présence physique qu’un rôle de service client ou de production ;
  • Miser sur la confiance et l’autonomie : plutôt que de surveiller le temps passé au bureau, l’entreprise devrait se concentrer sur les objectifs et les résultats. »

« En fin de compte, les entreprises qui encouragent l’autonomie font confiance à leurs salariés et savent adapter leurs politiques de manière transparente sont celles qui minimisent ce phénomène. La question n’est plus de savoir si les collaborateurs devraient être au bureau, mais pourquoi et quand. Il est temps d’ouvrir la discussion et de construire des solutions qui fonctionnent réellement pour tous. »

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