Le « quiet cracking », nouveau défi silencieux des RH
Le mot RH de la semaine. Laura Roviaro et Mohamed Fellah, experts en recrutement au Mercato de l’Emploi, reviennent sur une nouvelle forme de mal-être au travail.

« On pourrait résumer le quiet cracking ainsi : les collaborateurs se présentent au bureau, font leur travail, mais souffrent en silence. Cette nouvelle tendance insidieuse frappe les entreprises en 2025. »
Une souffrance invisible
« Le quiet cracking désigne ce sentiment persistant de mal-être professionnel qui conduit au désengagement, à une baisse de performance et au désir croissant de démissionner. Contrairement au quiet quitting où l’employé choisit délibérément d’en faire le moins possible, le quiet cracking résulte d’une usure progressive et involontaire. Les causes sont multiples : perte de motivation ou de confiance, manque de perspectives d’évolution, sentiment d’injustice, absence de reconnaissance ou encore culture d’entreprise mal alignée avec les attentes des collaborateurs. Selon l’étude récente de TalentLMS, 54% des salariés américains ressentent ce malaise à différents degrés, et 20% l’éprouvent fréquemment ou constamment. Le contexte actuel amplifie cette tendance. Avec un environnement économique incertain et des perspectives de mobilité interne réduites dans certaines entreprises, les salariés se sentent « piégés” et “détachés ». »
Les signaux d’alerte
« Pour les RH, identifier le quiet cracking représente un défi majeur, car il sévit à bas bruit et ne se manifeste pas au quotidien. Des signaux émergent graduellement et peuvent être confondus avec des problèmes de performance classiques. »
Signaux comportementaux
« Il est de plus en plus fréquent de constater une baisse notable de motivation chez des collaborateurs qui étaient auparavant très performants. Cet effritement se manifeste par des signes variés. D’abord, on observe souvent un changement d’humeur, des employés autrefois optimistes et enthousiastes devenant progressivement plus pessimistes et critiques. Leur engagement au sein des équipes s’effrite également de manière progressive, notamment lors des réunions, où leur participation se fait plus discrète. Autrefois forces de proposition, ils se montrent désormais réticents à prendre des responsabilités supplémentaires ou à s’investir dans de nouveaux projets. Ce désengagement, s’il n’est pas pris en compte, peut, à terme, affecter le moral de toute l’équipe et la productivité générale. »
Signaux physiques
« Une augmentation notable du nombre d’arrêts maladie et des plaintes de fatigue est souvent le signe d’un stress profond chez les employés. Ces symptômes ne sont pas seulement psychologiques : ils se manifestent aussi physiquement, sous la forme de maux de tête plus fréquents et d’autres signes de stress somatique. Ces manifestations physiques sont un signal d’alarme important, car elles révèlent que le stress chronique n’est pas qu’un état mental, mais qu’il affecte la santé globale de l’individu, pouvant mener à de sérieux problèmes de santé si la situation n’est pas prise en charge. »
Signaux organisationnels
« Selon la même étude TalentLMS, 47% des employés en quiet cracking estiment que leur manager n’écoute pas leurs préoccupations ; 29% sont moins susceptibles de recevoir des formations par rapport aux autres et 68% se sentent moins valorisés que leurs collègues non affectés. »
Les réponses à apporter
« Pour faire face à ce phénomène, plusieurs leviers peuvent être activés, en commençant par la prévention. Cela passe par l’instauration d’une véritable culture du feedback (entretiens réguliers, sondages internes) et par le renforcement de la marque employeur en interne. Vient ensuite l’accompagnement des collaborateurs dans leur parcours, notamment à travers la formation et le développement continu de leurs compétences. L’investissement dans le capital humain est crucial : une étude a d’ailleurs montré que les employés ayant bénéficié d’une formation dans les 12 derniers mois sont 140% plus susceptibles de se sentir sécurisés dans leur poste. La formation agit comme un antidote au désengagement en envoyant un signal clair que l’entreprise s’investit dans leur potentiel à long terme. »
« Un management empathique et de proximité est tout aussi essentiel. Il est important de former les managers à l’écoute active et à la détection précoce des signes de désengagement. Ils doivent pouvoir engager des conversations régulières avec une approche bienveillante, par exemple en disant : « J’ai remarqué un changement, pouvons-nous en parler ? » Par ailleurs, il est judicieux de mettre en place des programmes de reconnaissance entre pairs et de valoriser les contributions de manière régulière. Afin de prévenir la surcharge, il est nécessaire de clarifier régulièrement les attentes en auditant la charge de travail et en définissant clairement les rôles de chacun. Cette approche permet de lutter contre l’ambiguïté et l’épuisement professionnel. »
« Il est surtout vital d’adopter une approche proactive en n’attendant pas les signaux de détresse avancés. Ce désengagement silencieux étant un précurseur direct du burn-out, agir dès les premiers indices permet de préserver l’engagement et d’éviter les coûts élevés liés au remplacement des employés. Le quiet cracking n’est pas une fatalité mais un signal d’alarme. Les entreprises qui investissent aujourd’hui dans l’écoute, la formation et la reconnaissance de leurs talents transformeront ce défi en avantage concurrentiel durable. »