Quelle politique salariale adopter dans un contexte d’inflation ?
Comment soutenir le pouvoir d’achat de ses salariés sans mettre en péril les finances de son entreprise ?
Si l’inflation doit refluer, selon les dernières projections du ministère de l’Économie et des Finances, elle continue d’affecter le budget des ménages français. Dans ce contexte, quelles sont les stratégies des entreprises pour soutenir le pouvoir d’achat de leurs salariés ? Prévoient-elles des augmentations de salaire conséquentes ou tablent-elles sur d’autres avantages pour attirer et fidéliser leurs collaborateurs ? Le directeur général de Hays France, Oualid Hathroubi, nous livre son éclairage.
Quels sont les principaux secteurs en tension de recrutement actuellement ?
Oualid Hathroubi : Ce sont les mêmes depuis de nombreux mois : le BTP, l’IT, la santé. Côté RH, les profils de gestionnaire de paie sont également particulièrement compliqués à trouver.
Phénomène plus nouveau, les entreprises recherchent de plus en plus de juristes RGPD, de responsables RSE et des People and Culture Manager. Or, pour ces deux derniers postes un peu hybrides, les compétences sont difficiles à trouver, car il y a peu de formations dédiées sur le marché.
Former prend du temps, on le voit pour des sujets qui prennent de plus en plus de place dans les entreprises, comme la cybersécurité ou l’intelligence artificielle, et font appel à de nouvelles compétences : les étudiants qui viennent d’entamer ces cursus ne seront sur le marché du travail que dans deux ou trois ans.
Autre facteur à prendre en compte : les personnes en poste sont aujourd’hui dans une posture attentiste, en raison du contexte géopolitique incertain, des prix élevés de l’immobilier et des taux de prêt bancaires qui explosent.
Quelles sont les principales tendances, à l’automne 2023, en matière d’évolution des salaires ?
O.H : Pour ce qui est des augmentations de salaire, les entreprises suivent la même tendance que l’an dernier, avec une fourchette oscillant entre 5 et 8%. Mais les employeurs ne peuvent pas augmenter les salaires indéfiniment, car les charges s’accroissent dans les mêmes proportions, à chaque fois. Pour qu’un salarié touche 1 500€, une entreprise dépensera 3 000€.
Si on ne peut pas augmenter significativement les salaires, quelles autres solutions existent pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés ?
O.H : Si un employeur ne peut pas payer ses collaborateurs davantage, il doit réfléchir au moyen de réduire leurs dépenses.
Par exemple, certains paient les abonnements TV ou à des plateformes de streaming musical, d’autres choisissent d’augmenter la valeur nominale du ticket restaurant, proposent des tarifs préférentiels pour s’abonner à la salle de sport ou cofinancent des places en crèche.
D’autres encore prennent en charge les abonnements de transport en commun au-delà des 50% légaux, les frais kilométriques sur les trajets en voiture domicile-travail ou bien proposent des aides à l’achat d’un vélo.
Sur le modèle des entreprises anglo-saxonnes, certains groupes français offrent à leurs collaborateurs leur journée d’anniversaire en congé payé. L’intérêt de ces différents avantages, c’est qu’ils sont exempts de charges pour l’entreprise.
Comment choisir ces avantages sociaux ?
O.H : Il est impossible de faire l’unanimité, mais on peut organiser des sondages pour voir quels sont les usages et les habitudes des salariés. Les RH ont aussi accès à des données, comme la moyenne d’âge au sein de leur entreprise, le lieu d’habitation des salariés, leur situation familiale, qui donnent des indications sur les besoins de leurs collaborateurs.
Les entreprises peuvent également faire le choix d’allouer une enveloppe que le collaborateur pourra ensuite affecter au(x) service(s) qu’il utilise le plus.
Les entreprises les plus attractives sont celles qui présentent un large panel d’avantages qui correspondent aux besoins de leurs collaborateurs. Aujourd’hui, les sociétés qui arrivent à recruter sont celles qui écoutent leurs salariés.
Comment communiquer sur ces avantages au cours du processus de recrutement ?
O.H : Sur l’offre d’emploi, vous pouvez mentionner deux ou trois avantages (financiers ou non) qui vous semblent les plus intéressants : les jours de télétravail, les horaires flexibles, le système de promotion… Ensuite, lors de l’entretien d’embauche, le recruteur doit insister sur les avantages pertinents en fonction du profil du candidat.
Aujourd’hui, ce sont les candidats qui choisissent où ils veulent aller. Les entreprises sont obligées de revoir leur politique salariale d’un certain montant pour rester concurrentielles. Celles qui proposent le meilleur salaire, à fonctions égales, sont les moyennes entreprises. La PME ne peut pas capitaliser sur sa notoriété pour attirer les candidats, elle est donc obligée d’afficher une rémunération attrayante pour se démarquer.
Mais cela ne suffit pas. Les candidats cherchent une entreprise qui paie bien, mais aussi une entreprise où ils se sentiront bien, où le travail qu’ils feront aura du sens. Ils se posent la question : ‘’Qu’est-ce que l’entreprise peut me proposer en plus d’un bon salaire ?’’ Prenons l’exemple du télétravail : il y a quatre ans, quand on négociait un jour de télétravail, on avait le sentiment d’avoir fait une bonne affaire, aujourd’hui, si l’employeur ne nous en propose pas deux au minimum, on passera certainement notre chemin !