Le « people pleasing » ou le risque de dire oui à tout au travail
Chercher à satisfaire constamment les autres au travail n’est pas forcément une bonne idée, explique Camille Savolle, experte en recrutement au Mercato de l’Emploi.

« Le people pleasing, ou syndrome du « bon samaritain », consiste à chercher constamment à satisfaire les autres, souvent au détriment de ses propres besoins et limites. Ce travers au travail, notamment alimenté par la peur du conflit et de déplaire, n’est pas sans conséquence pour le collaborateur comme pour l’entreprise… »
Serviable à l’excès
« Un besoin profond d’être aimé, la peur du conflit et une faible estime de soi : tels sont les ingrédients à l’origine du comportement de people pleasing. Il s’agit précisément de dire “amen” à tout, de satisfaire au mieux les besoins des uns et des autres et de ne pas “faire de vagues”. Les personnes concernées évitent les désaccords et se sacrifient pour répondre aux attentes d’autrui. Imaginez un collaborateur qui accepte systématiquement des tâches supplémentaires de ses collègues, même quand il est déjà débordé, de peur de les décevoir, ou un manager qui n’ose pas recadrer un membre de son équipe pour éviter toute tension. Ce comportement prend souvent racine dans l’enfance, où l’approbation était conditionnelle. Par exemple, un enfant qui apprend que ses parents ne lui donnent de l’attention que lorsqu’il est « sage » ou « performant » peut développer cette tendance à plaire à tout prix. Une crainte du moindre conflit, couplée à une faible estime de soi, conduit également à chercher la validation extérieure, transformant le besoin naturel d’être aimé en une quête excessive de l’approbation de tous. »
Comment se manifeste le « people pleasing » au travail ?
« Cette posture peut avoir plusieurs conséquences néfastes pour le collaborateur lui-même et pour son environnement :
- Surcharge de travail : l’incapacité à refuser des tâches, même irréalistes, conduit à un épuisement professionnel. Un employé people pleaser pourrait, par exemple, accepter de travailler le week-end sur un projet non urgent parce qu’un collègue le lui a demandé, alors qu’il avait déjà prévu du temps pour sa famille.
- Manque d’assertivité : les people pleasers peinent à exprimer leurs opinions ou à défendre leurs idées, craignant de déplaire. Ils pourraient acquiescer à une décision de groupe avec laquelle ils ne sont pas d’accord, de peur de paraître en désaccord.
- Tolérance excessive : ils acceptent des comportements inappropriés pour éviter tout conflit. Cela peut se traduire par le fait de ne pas signaler des remarques déplacées ou un comportement de « passager clandestin » de la part d’un collègue, pour maintenir une fausse harmonie. »
Pourquoi c’est risqué ?
« Ne pas savoir dire non a des conséquences négatives tant au niveau personnel qu’organisationnel. Pour les individus, le people pleasing mène à l’épuisement émotionnel et physique (burnout), à un manque de satisfaction personnelle, et, à terme, à des problèmes de santé comme l’anxiété ou la dépression. Des études montrent que le stress chronique, souvent lié au people pleasing, est un facteur de risque majeur pour la dépression. Une enquête de Malakoff Humanis, réalisée en 2023, révèle que 50% des salariés français se sentent épuisés ou très épuisés au travail, un chiffre qui peut être en partie corrélé à cette difficulté à poser des limites. Par ailleurs, le fait de jouer à “Madame parfaite” ou “Monsieur parfait” ne signifie pas forcément une promesse d’évolution de carrière. Malheureusement, ce n’est pas une façon de s’affirmer… Pour les entreprises, la productivité est réduite en raison de la surcharge de travail et de l’épuisement des collaborateurs « trop gentils ». Un climat de travail négatif peut s’installer, où les tensions persistent sous la surface, faute de résolution des conflits. Enfin, le turnover est élevé, les employés insatisfaits cherchant des environnements plus sains. Le coût du turnover pour une entreprise est estimé, selon certaines études, entre 6 et 9 mois de salaire pour un employé qualifié, sans compter la perte de productivité et de savoir-faire. »
Quels actions RH pour enrayer le phénomène ?
« Les professionnels des RH ont un rôle clé pour identifier et accompagner les personnes touchées par ce phénomène :
- Sensibilisation et formation : des ateliers sur la gestion du stress, la résolution des conflits et l’assertivité peuvent outiller les talents. Apprendre à dire « non » respectueusement (« Je ne peux pas prendre ce dossier supplémentaire aujourd’hui, mais je pourrai m’y consacrer la semaine prochaine » plutôt que « Oui, bien sûr, même si je ne sais pas comment je vais faire ») et à gérer les attentes est crucial.
- Coaching : un accompagnement individuel aide à explorer les causes du people pleasing, à établir des limites saines et à développer des relations plus équilibrées. Un soutien psychologique peut être nécessaire en cas d’épuisement. Cette démarche salutaire peut être réalisée à travers un bilan de compétences.
- Création d’un environnement sain : favoriser une culture d’entreprise qui valorise l’expression des besoins et la gestion constructive des conflits est essentiel. Par exemple, encourager les collaborateurs à donner un feedback honnête et à exprimer leurs désaccords de manière respectueuse sans crainte de représailles. Encourager l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle réduit également le risque d’épuisement. Des initiatives telles que des horaires flexibles ou des rappels réguliers sur l’importance des pauses peuvent être bénéfiques. »
« Le people pleasing n’est pas une faiblesse, mais une opportunité de grandir. En le comprenant et en offrant le bon soutien, les employeurs peuvent aider leurs salariés à s’épanouir et à réaliser leur plein potentiel. »