« Aux Pays-Bas, l’open hiring rebat les cartes du recrutement »

Dans ce nouvel épisode de notre série Recruteurs d’ailleurs, nous vous emmenons aux Pays-Bas, pays pionnier en Europe de l’open hiring, le recrutement sans CV ni entretien.

Visuel Pays-Bas
Pour Jos van Delft, chef de projet à la Start Foundation, l’open hiring est un moyen pour élargir la population active aux personnes éloignées de l’emploi. © Hellowork

Tout a commencé en 2019 chez MamaLoes. Ce site e-commerce spécialisé dans les articles de puériculture a été la première entreprise aux Pays-Bas à tester l’open hiring, cette méthode de recrutement importée des Etats-Unis qui consiste à embaucher du personnel sans CV ni entretien. « Si vous pouvez porter 10 kg et tenir debout 4 heures, vous avez le job ! Et ce n’est pas grave si vous ne parlez pas la langue, on va s’arranger », a expliqué en substance la fondatrice de MamaLoes, Loes de Volder, dans l’entrepôt logistique de l’enseigne à Goirle, situé à une heure de route au nord d’Anvers.

D’autres entreprises néerlandaises ont suivi, comme McDonald’s à Amsterdam, KFC, DHL, UPS ou encore la ville de Zoetermeer, beaucoup dans les secteurs de la logistique, de la production, du nettoyage, de l’hôtellerie et de la restauration. Selon une étude de la Start Foundation, une fondation privée qui finance des projets en faveur d’un marché du travail plus équitable, 4% des entreprises néerlandaises ont déjà testé l’open hiring, et 2,5% le pratiquent encore. Elle accompagne 250 entreprises sur ce sujet, pour un total de 1 500 personnes embauchées de cette manière depuis 2019.

L’open hiring au service de l’inclusion et de la diversité

« L’open hiring est la forme ultime de l’inclusion et de la diversité. Les entreprises qui le pratiquent n’attendent des candidats qu’un minimum de force physique et surtout la volonté de travailler. Ça réduit considérablement la barrière pour accéder au marché du travail et ça rebat les cartes du recrutement pour les entreprises », explique Jos van Delft, chef de projet à la Start Foundation.

Six grands principes régissent l’open hiring, comme le fait de ne pas pouvoir poser de questions aux candidats durant la phase d’embauche (les candidats peuvent le faire en revanche pour s’assurer qu’ils ont bien envie de faire ce travail). Autre règle : celle du premier arrivé, premier servi, qui permet de lutter contre les biais dans le recrutement. La porte doit être ouverte à tout le monde, sans discrimination, quel que soit son diplôme, son expérience, son apparence physique, et le salaire est le même pour tous à poste équivalent.

« Les employeurs sont parfois difficiles à convaincre car ils ont peur que ce soit compliqué de se séparer de la personne si elle ne convient pas. Mais la période d’essai sert à ça : voir si le salarié qui vient d’être recruté fait l’affaire », insiste Jos van Delft. Aux Pays-Bas, seuls les contrats de plus de 6 mois et les CDI peuvent inclure une période d’essai. Celle-ci est fixée à un mois pour les CDD de moins de deux ans, et à deux mois au-delà et dans le cas des CDI. « Avec l’open hiring, la période d’onboarding est beaucoup plus importante », complète Jos van Delft.

Elargir la population active aux personnes éloignées de l’emploi

Dans un marché du travail néerlandais très tendu, où le taux de chômage n’est que de 3,9%, l’open hiring est aussi un moyen pour élargir la population active aux personnes éloignées de l’emploi. « L’open hiring ne doit pas seulement servir aux entreprises à être plus inclusives, c’est aussi un enjeu économique », contextualise le chef de projet.

C’est pour ça qu’en plus d’être mises en ligne sur les jobboards et les réseaux sociaux, les offres d’emploi sont affichées dans les supermarchés ou dans des lieux stratégiques où passent beaucoup de gens peu qualifiés en quête d’un travail, comme des organismes sociaux, les endroits que fréquentent les personnes surendettées… « On ne leur parle pas d’open hiring, le nom n’est pas connu du grand public. On conseille aux entreprises qui recrutent de cette façon d’écrire sur l’affiche : « Vous voulez travailler ? Ici on recrute. Pas de CV requis, ni de lettre à envoyer » », raconte Jos van Delft.

Et les résultats sont là. Selon des chiffres cités par la Start Foundation, la société d’intérim Ranstad a, par exemple, reçu 3,7 fois plus de candidatures grâce à l’open hiring, pour 2,3 fois plus de salariés recrutés.

Plus difficile pour les cols blancs

Pour autant, l’étendre à tous les types de postes, y compris ceux des cols blancs, parait difficile. « Pour des fonctions de cadre, le recrutement se fait en partie au feeling. Mais c’est possible d’aller vers plus d’inclusion en faisant abstraction du genre, de l’âge et du diplôme pour limiter les biais », avance Jos van Delft.

A l’étranger, la Belgique a initié un mouvement en faveur de l’open hiring, en lien avec l’université de Gand. Au Royaume-Uni, Body Shop pratique aussi cette méthode de recrutement dans ses magasins. D’autres entreprises, peut-être même en France, le font aussi sans forcément le revendiquer. « Mon père avait une entreprise de BTP qui employait environ 250 salariés. Dans les années 60-70, c’était normal de recruter comme ça, nous n’avons rien inventé », sourit Jos van Delft.

Bien s’équiper pour bien recruter