Open hiring : « L’avenir du recrutement passera par une personnalisation des méthodes »

Karine Trioullier, Talent architect et fondatrice de Tida Bisa, partage ses convictions sur le futur du recrutement dans le cadre de notre enquête Hellowork.

"La lettre de motivation me semble aujourd’hui désuète, à quelques exceptions près."
"La lettre de motivation me semble aujourd’hui désuète, à quelques exceptions près." © Karine Trioullier

Qu’est-ce qui fait que la lettre de motivation était un incontournable et qu’elle ne l’est plus ?

Karine Trioullier : Du point de vue de l’employeur, c’était une façon de sélectionner les plus motivés et de vérifier une bonne conformité à des codes. Mais la lettre de motivation me semble aujourd’hui désuète, à quelques exceptions près. Je la vois finalement plus comme un moyen de rassurer certains recruteurs, qui cherchent davantage la sécurité du process que le sens. Elle ne correspond plus aux nouvelles générations, qui ne sont pas nées en écrivant des lettres mais plutôt des formats de 140 caractères. Ils ont l’esprit de synthèse, ils vont droit au but, ils ont un rapport à l’écrit et à la communication qui est complètement différent de leurs ainés.

Elle permet quand même au recruteur d’en savoir plus sur un candidat ?

K. T. : Je ne crois pas qu’une lettre de motivation puisse indiquer la future performance d’un candidat ou le bon développement de ses compétences au sein de l’entreprise. Et elle devient encore plus inutile avec l’arrivée de l’IA comme outil d’aide à la rédaction. On va devoir deviner si le candidat a fait appel à l’IA ou non, mais la réponse n’est pas si intéressante. Je pense vraiment que la lettre de motivation telle qu’elle est va disparaître, et qu’elle est dans tous les cas trop coûteuse en temps et en ressources.

Dans quels cas l’exercice garde-t-il malgré tout un intérêt ?

K. T. : Dans les changements de carrière, par exemple. Mais pas forcément sous la même forme : ça doit être plus court, pourquoi pas du format vidéo. En tous cas pas une longue missive. Pour les jeunes sans expérience, ça pourrait être une façon de leur donner l’occasion de s’exprimer, mais peut-être en les guidant avec une ou deux questions comme : « Qu’est-ce que vous n’avez pas pu dire sur votre CV que vous aimeriez porter à ma connaissance ? » Je trouverais ça plus pertinent parce que, finalement, une lettre de motivation, c’est un peu comme la bande annonce d’un film plein de promesses mais, en même temps, ça reste très déclaratif.

Si on demandait plutôt aux candidats de répondre à des questions clés, pour aller chercher des éléments de savoir-être, je pense que ce serait un peu plus intéressant. Pour que ça reste un exercice libre, mais plus précis dans la demande. Quand on recherche un indépendant ou un entrepreneur, on ne lui demande pas son CV. On lui explique le problème qu’on a à résoudre et on demande s’il peut apporter une solution. Ça devrait être pareil pour les candidats. On n’est plus dans l’ère de « ce que je sais » ou « ce que je sais faire », mais dans celle de « ce que je peux encore apprendre ». Le CV et la lettre de motivation ne devraient pas uniquement témoigner de ce qu’on a fait dans le passé. A l’étranger, le recrutement sans CV prend de plus en plus de place, mais c’est aussi car ils savent sans doute mieux recruter en se détachant des diplômes.

A quoi pourrait ressembler le futur du recrutement ?

K. T. : Pour moi l’avenir du recrutement passera par une personnalisation des méthodes. On recrute tous les types de profils derrière un bureau, sur la base d’un CV envoyé en ligne. On devrait diversifier les approches, tenter l’open hiring, notamment pour les métiers qui nécessitent un savoir-être, mais pas forcément beaucoup de qualifications. Des candidats qui se disent prêts à rejoindre une entreprise, qu’on va former quand un nouveau besoin émerge ou qu’une place se libère. On limite le coût du recrutement pour investir sur la formation. Sur certains métiers en tension, on se libère de la lettre de motivation, mais on pourrait aller plus loin en oubliant les diplômes et en mettant les candidats en situation.

Pour les jeunes diplômés, c’est intéressant aussi de se baser sur des process plus courts, focalisés sur la personnalité, parce qu’ils sortent de l’école sans forcément comprendre ce qu’on attend d’eux. C’est pareil pour les profils en reconversion, les changements de carrière. Quand on utilise l’open hiring, on pose des questions aux candidats qui sont en lien avec son futur quotidien : « Est-ce que vous pouvez porter un poids de 50 kilos ? », « Est-ce que vous pouvez rester assis(e) plus de 5 heures ? », « Est-ce que ça vous va d’être en contact avec le public ? »… Si on posait des questions inhérentes au job, sur des caractéristiques qui peuvent avoir un impact sur la motivation, on ferait un tri intéressant parmi les candidats. Si la personne embarque, elle embarque en connaissance de cause. La transparence des salaires va aussi dans ce sens-là.

Je découvre les résultats de 15 ans d’enquêtes auprès des recruteurs et des candidats !

Bien s’équiper pour bien recruter