Démission d’un salarié : quelles obligations pour l’employeur ?
Un collaborateur vous fait part de son envie de quitter l’entreprise ? Voici la marche à suivre.

Qu’est-ce qu’une démission ?
On parle de démission quand c’est l’employé qui décide, unilatéralement, de mettre fin à son contrat de travail. Cette décision doit être le résultat d’une volonté claire et non équivoque. Seules les personnes en CDI ont le droit de démissionner. Dans le cas d’un CDD, on parlera de rupture anticipée du contrat de travail.
Le cas particulier de l’abandon de poste
Depuis la loi du 21 décembre 2022, l’abandon de poste est présumé être une démission, ce qu’a confirmé le Conseil d’Etat en décembre 2024. Concrètement, si un collaborateur ne se présente pas au travail sans justification, vous devez lui adresser un courrier de mise en demeure lui demandant de justifier son absence et de reprendre son travail. Cette lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre doit préciser un délai (supérieur à 15 jours) de réponse de la part du collaborateur. Une fois cette période expirée, et en l’absence de nouvelles du salarié, vous pourrez considérer que ce dernier a démissionné.
Combien y a-t-il de démissions en France ?
Selon les derniers chiffres de la Dares, on recensait 481 200 démissions au troisième trimestre 2024. Elles représentent la principal raison des 1 090 300 fins de CDI enregistrées sur cette période, devant quelque 256 900 licenciements, 284 800 fins de période d’essai et 125 800 ruptures conventionnelles.
Les démissions ont atteint un pic, à plus de 500 000 par trimestre fin 2021 et début 2022, un phénomène décrit sous le nom de Grande Démission, qui a eu toutefois moins d’impact en France qu’aux Etats-Unis. Les économistes ont vu plutôt dans cette hausse des démissions dans l’Hexagone un effet cyclique lié à une diminution du taux de chômage, et à une augmentation du taux d’emploi : plus le marché est dynamique, moins le risque de perdre son emploi apparaît élevé car on en retrouvera plus facilement.
Aujourd’hui, les salariés semblent adopter une posture plus prudente dans un contexte économique et géopolitique incertain. Après le « Big Quit » est venu le temps du « Big Stay », qui se traduit par une augmentation des refus de proposition d’emploi par les candidats et des abandons en cours de processus de recrutement.
Une démission doit-elle se baser sur un motif ?
Le salarié ne doit invoquer aucun motif pour pouvoir démissionner. Peu importe qu’il s’agisse d’un départ parce qu’il n’est pas satisfait de ses missions, de l’ambiance de travail, des conditions de travail, de sa rémunération ou du management, qu’il souhaite se tourner vers un autre emploi, une autre entreprise ou se reconvertir, il n’est pas tenu d’en informer son employeur.
Comment le salarié doit-il vous faire part de sa démission ?
Aucun formalisme n’encadre l’annonce d’une démission d’un salarié à son employeur. Il peut décider de le faire à l’oral, ou par écrit. Attention, certaines conventions collectives rendent toutefois obligatoire la rédaction d’une lettre de démission, à envoyer en recommandé avec accusé de réception ou à remettre en main propre contre décharge. L’employeur n’a pas besoin de répondre au salarié quand il est informé de sa démission.
L’employeur peut-il refuser la démission d’un salarié ?
Un employeur n’a pas le droit de refuser la démission d’un salarié en CDI. Celle-ci peut intervenir à tout moment, y compris si le contrat de travail est suspendu (pour maladie, ou congé parental, par exemple).
En revanche, la démission n’est pas possible si elle est le fait d’un salarié en CDD, en intérim ou si elle intervient durant une période d’essai. Dans ce dernier cas de figure, on parlera de rupture de la période d’essai.
Quels délais respecter dans le cadre d’une démission ?
En principe, le salarié doit observer une période de préavis avant de quitter l’entreprise. Le collaborateur peut être dispensé de préavis s’il le demande et que son employeur l’accepte. L’employeur peut aussi décider, de sa propre initiative, qu’il n’y aura pas de préavis.
Si un salarié refuse de respecter la période du préavis de démission, vous ne pourrez pas le sanctionner directement, mais vous pourrez saisir le conseil de prud’hommes dans le but d’obtenir une indemnité pour le préjudice subi.
Il est à noter que certaines conventions collectives prévoient que le salarié soit libéré de son préavis s’il retrouve un emploi avant la fin de celui-ci.
Quelle doit être la durée du préavis de démission ?
Cas général
La loi ne fixe pas la durée du préavis, qui est généralement déterminée par la convention ou l’accord collectif de travail, par les usages pratiqués dans l’entreprise ou la profession ou par le contrat de travail.
Pour vous donner un ordre d’idée, de nombreuses conventions collectives prévoient un préavis de démission d’un mois pour les techniciens et de trois mois pour les cadres.
Cas particuliers
Le VRP (voyageur représentant placier) doit respecter un préavis qui ne peut pas être inférieur à :
- 1 mois durant la 1er année de présence dans l’entreprise ;
- 2 mois durant la 2nde année ;
- 3 mois au-delà.
Le journaliste professionnel doit respecter un préavis d’une durée de :
- 1 mois pour une ancienneté inférieure ou égale à 3 ans ;
- 2 mois pour une ancienneté supérieure à 3 ans.
L’assistante maternelle doit respecter un préavis de :
- 15 jours calendaires pour une ancienneté égale ou supérieure à trois mois et inférieure à un an ;
- Un mois pour une ancienneté supérieure à un an.
Quelles indemnités l’employeur doit-il verser dans le cadre d’une démission ?
Contrairement au licenciement ou à la rupture conventionnelle, un employeur ne doit pas verser au salarié démissionnaire d’indemnité de rupture de contrat.
En revanche, si vous dispensez votre collaborateur de préavis de départ, vous lui devrez une indemnité compensatrice de préavis.
Dans le cas où il lui restait des congés payés qu’il n’a pas posés, vous devrez, en outre, lui verser une indemnité compensatrice de congés payés.
Enfin, en cas d’obligation de non-concurrence figurant dans son contrat de travail, l’employeur devra verser au collaborateur une indemnité à titre de compensation.
Quels documents faut-il remettre au salarié qui démissionne ?
Lorsqu’un salarié démissionne, son employeur doit lui remettre les documents de fin de contrat :
- Une attestation France Travail ;
- Un certificat de travail, daté et signé, détaillant la date d’entrée du salarié dans l’entreprise et celle de sa sortie, le ou les emplois occupés et les périodes de travail effectuées ;
- Un reçu de solde de tout compte reprenant l’ensemble des sommes à verser au salarié suite à la rupture du contrat (congés payés, indemnité compensatrice de préavis ou autre contrepartie financière) ;
- Le cas échéant, tout document sur l’intéressement, la participation ou l’épargne salariale.
Ces documents doivent être transmis dans un délai raisonnable après le départ du salarié, soit environ deux semaines, d’après les juges.
Un salarié a-t-il le droit de revenir sur sa décision de démissionner ?
En principe, si la démission résulte d’une volonté claire et non équivoque du salarié, il n’a pas le droit de changer d’avis.
Un salarié qui démissionne a-t-il droit aux allocations chômage ?
Une démission ne donne pas droit à une indemnisation au titre de l’assurance-chômage.
Néanmoins, il existe certains cas de démission, répertoriés par France Travail, qui donnent accès à une allocation de retour à l’emploi (ARE). Parmi ces cas spécifiques, on trouve notamment :
- des motifs de démission légitimes : mariage ou PACS accompagné d’un changement de résidence, conjoint qui change de résidence pour un motif professionnel, mineur qui démissionne pour suivre ses parents, victime de violences conjugales, victime d’un comportement délictueux dans le cadre du travail, échec dans la création ou la reprise d’une entreprise, clause de conscience ou d’orientation politique (pour les journalistes), refus des parents de procéder aux vaccinations légales de leur enfant (pour les assistantes maternelles), non-paiement du salaire par l’employeur…
- une démission pour projet de reconversion professionnelle ;
- une démission alors que vous étiez encore indemnisé par France Travail. Dans ce dernier cas, votre indemnisation ne sera pas suspendu dans l’un de ces trois cas : si vous justifiez de moins de 65 jours (et 455 heures) travaillés depuis votre ouverture de droit ; si le contrat duquel vous avez démissionné a duré moins de 8 jours calendaires ; si le contrat duquel vous avez démissionné a représenté moins de 17 heures par semaine.
Quelles différences entre une démission et une rupture conventionnelle ?
Tout d’abord, une démission résulte d’une décision unilatérale du salarié, alors que la rupture conventionnelle découle d’un accord entre les deux parties, employeur et employé.
De plus, les deux modes de rupture du contrat de travail ne sont pas suivis des mêmes effets : la rupture conventionnelle ouvre le droit aux allocations chômage, ce qui n’est, la plupart du temps, pas le cas pour la démission (sauf exceptions listées ci-dessus).
Quelles différences entre une démission et un licenciement ?
Un licenciement est décidé, de manière unilatérale, par l’employeur, et doit reposer sur un motif précis, qu’il soit personnel (faute du salarié, insuffisance professionnelle, inaptitude, auteur de harcèlement…) ou économique (difficultés économiques de l’entreprise, mutations technologiques, réorganisation…).
Dans la majorité des cas, un licenciement ouvre des droits au chômage pour le collaborateur contraint de quitter l’entreprise.
Quelle attitude adopter pour que cette démission se fasse dans de bonnes conditions ?
Si rien n’oblige l’employeur à organiser un entretien avant le départ du salarié, contrairement à un procédure de licenciement ou à une rupture conventionnelle, il est conseillé de prévoir un échange avant que le collaborateur ne quitte l’entreprise. Plus connue sous le nom d’exit interview, cette conversation permettra de comprendre si ce choix est lié à certains dysfonctionnements de l’entreprise ou d’une équipe et, le cas échéant, de chercher des solutions pour y remédier. Cependant, ayez bien en tête que votre employé peut refuser cet entretien et qu’il peut conserver le silence sur les raisons qui l’ont poussé à partir.
Vous pouvez également vérifier que cette décision a bel et bien été prise librement par le salarié, et qu’elle n’a pas été contrainte par une situation de harcèlement ou par une pression quelconque, par exemple. Dans le cas contraire, la validité de la démission pourrait être remise en question et l’ancien salarié pourrait décider de saisir le conseil de prud’hommes, qui peut prononcer la nullité de la démission ou bien la requalifier en prise d’acte de la rupture contractuelle si elle résulte d’un comportement fautif de l’employeur. Dans ce dernier cas, l’employeur devra verser à son ancien collaborateur des indemnités de licenciement et peut-être même des dommages et intérêts si le licenciement est injustifié.
Il convient également d’annoncer à l’équipe du salarié son départ, pour ne pas laisser se propager des rumeurs et limiter les incompréhensions. Facilitez aussi les process pour permettre au collaborateur de rendre rapidement son matériel et les éventuels badges d’accès au bâtiment pour lui éviter de revenir spécialement sur son lieu de travail à l’issue de son contrat. Pensez aussi à désactiver ses accès informatiques à vos espaces de travail le jour de son départ.