Pourquoi le monde du travail fait peur aux étudiants (et comment les rassurer) ?

De nombreux étudiants anticipent des difficultés à trouver leur place dans le monde professionnel.

Une mauvaise rémunération et une pression accrue comme principales sources d'appréhension.
Une mauvaise rémunération et une pression accrue comme principales sources d'appréhension. © Apec

C’est humain, l’inconnu suscite à la fois l’inquiétude et l’excitation. Face à un monde professionnel qu’ils n’ont, au mieux, que frôlé du pied, les étudiants du supérieur sont partagés entre l’attrait de la nouveauté et la peur de ne pas y trouver leur compte. Exigeant, compétitif et stressant sont les qualificatifs qui reviennent le plus dans la bouche des étudiants, lorsque l’Apec leur demande* de qualifier le monde du travail.

Pourquoi s’en font-ils une image si dure ? D’abord par « méconnaissance des codes formels et informels qui y ont cours », selon les auteurs de l’étude. Ensuite, à cause des « projections liées aux expériences de leurs proches ».

La rémunération et la reconnaissance au cœur des inquiétudes

Avant tout, ils appréhendent d’être mal payés : cette crainte est partagée par 37% du panel. En lien avec cette inquiétude on retrouve aussi la peur que leur travail ne soit pas reconnu à sa juste valeur. 51 % des étudiants estiment que les entreprises confient aux jeunes des tâches peu ou pas intéressantes, 66 % qu’elles les rémunèrent mal et 45 % qu’elles reconnaissent rarement leurs efforts.

« Je suis assez frustrée par le manque d’op­portunités qu’il y a, le manque d’aide qu’on nous propose. En général, il y a un désintérêt pour la jeu­nesse, et une dissonance entre le fait qu’on nous dise qu’on est le futur, que c’est génial, qu’on va vraiment prendre le relai, et la réalité qui est que malheureusement on n’a rien à notre portée », déplore une étudiante en master relations internationales à l’université.

Un monde impitoyable

L’univers professionnel est perçu par ces jeunes comme un environnement rude, où il faut être dur et solide pour réussir, où l’humain s’efface derrière la fonction, où il ne faut pas déborder du cadre. Un étudiant en école d’ingénieur l’imagine comme « quelque chose d’assez cadré, rigoureux, où les gens sont droits. Un monde où on ne peut pas tout se permettre. On fait attention à ce qu’on dit, à comment on s’habille. Un peu rigide dans le sens où on se permet moins de choses, c’est moins libre. » « La sensibilité à l’autre, c’est une qualité qui est insuffisamment valorisée parce que justement j’ai l’impression qu’on va venir cher­cher des personnes particulièrement résistantes au stress et donc potentiellement dures », redoute cette autre étudiante en fac de droit.

Avoir trop de pression et de stress est une autre source importante d’inquiétude, partagée par 37% de l’échantillon. Par ailleurs, 29% redoutent une charge de travail trop importante qui menacerait leur équilibre vie pro/vie perso.

La quête difficile de l’épanouissement au travail

Ils se posent enfin la question de la difficulté à trouver un emploi dans un monde du travail très concurrentiel (48% d’entre eux anticipent des difficultés à trouver du travail à l’issue de leurs études). Mais surtout un poste qui leur plaît, qui leur offre des missions stimulantes et dans lequel ils ne s’ennuient pas. « Mon niveau de diplôme, ça ne me rassure pas forcément parce que plus ça avance, plus je vois qu’au final, c’est peut-être plus simple de trou­ver un travail quand on n’a pas un aussi haut niveau d’études. [Les personnes moins diplômées] sont déjà plus professionnalisées que nous et du coup elles attirent plus les entreprises que nous », témoigne cet étudiant en Master de droit privé.

Globalement, en raison d’un marché tendu, tous les jeunes s’attendent à devoir faire des concessions sur des critères comme les prétentions salariales, le télétravail, la localisation ou les missions pour trouver un job. On note toutefois d’importantes variations en fonction des filières et des types d’établissement : si 53% des étudiants en école d’ingénieur ou en filières d’économie et de gestion anticipent des difficultés à trouver un poste qui leur correspond, ce chiffre atteint 65% chez l’ensemble des étudiants de l’université et même 72% dans les filières lettres, langues, communication et sciences humaines.

Des raisons d’espérer

La deuxième partie de l’étude vient néanmoins nuancer cette perception d’un monde hostile. Les étudiants abordent également leur entrée dans la vie active avec entrain, l’envisageant comme une nouvelle étape de vie stimulante, qui favorise l’innovation et la coopération, un gage d’indépendance financière (pour 52% d’entre eux), de même qu’une opportunité de continuer à apprendre (pour 43%), tout en mettant en pratique ce qu’ils ont déjà appris (pour 27%) et en se rendant utile (pour 40%).

 Comment les entreprises peuvent-elles rassurer les étudiants ?

42% des étudiants confient mal connaître le monde de l’entreprise. C’est donc à ces dernières de venir dans les écoles et les universités pour faire découvrir leur fonctionnement et leurs métiers aux futurs diplômés. Des interventions qui peuvent prendre la forme de témoignages métier, de présence RH sur des événements organisés par les écoles, des prises de parole sur des salons ou forums étudiants etc.

L’entreprise est également en capacité d’ouvrir ses portes aux étudiants afin d’accompagner leurs premières immersions professionnelles, que ce soit sous forme de stage, d’alternance ou d’événements dédiés.

Autant d’occasions de déconstruire certains clichés et de partager des informations qui intéressent vraiment les étudiants : quelle fourchette de rémunération viser en sortie d’école ? Quelles sont les réalités (journée-type, horaire, rémunération) du métier convoité ? Comment lire un contrat de travail et s’informer sur ses droits en tant que salarié ? Quelles sont les évolutions professionnelles possibles dans la voie qu’ils envisagent ?

« Les jeunes n’attendent pas des entreprises qu’elles soient parfaites, mais qu’elles soient authentiques, rappelle Marlène Legay, psychosociologue et fondatrice de Vague de Sens. Les entreprises qui sont extrêmement lisses ou qui ont des discours de perfection ne les séduisent plus. Ils seront plus sensibles à une entreprise à l’aise avec ses points forts et ceux à améliorer, cela active l’envie de s’engager et le sentiment d’utilité. »

*Données obtenues d’après 1) une enquête qualitative par entretiens menée par l’Apec entre janvier et mars 2024 auprès de 11 étudiants en master 2 scolarisés en université ou en école et 7 consultants en évolution professionnelle de l’Apec accompagnant des étudiants et des jeunes diplômés et 2) une enquête quantitative en ligne menée par le cabinet de conseil et d’études BVA People Consulting en avril 2024 auprès d’un échantillon de 600 étudiants de l’enseignement supérieur de niveau bac +3 ou plus, résidant en France.

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