« L’IA permet de libérer du temps pour se concentrer sur des sujets purement humains »
Jusqu’où l’intelligence artificielle générative peut-elle aider les recruteurs dans leur quotidien ? David Beaurepaire, directeur délégué de Hellowork group, partage sa vision.
Quelle place pourrait prendre l’IA générative dans les ressources humaines et le recrutement ?
Nous sommes persuadés que l’intelligence artificielle générative sera une commodité, un outil d’aide au quotidien, notamment pour faire tout un tas de tâches assez réverbatives, ce qui signifie qu’elle va s’intégrer dans la plupart des outils qu’utilisent d’ores et déjà les recruteurs et les équipes RH. En deux ans, les IA génératives ont atteint des niveaux de prise en main exceptionnels, notamment dans un environnement B2B. Et nous n’en sommes très probablement encore qu’au début. L’un des enjeux pour l’avenir sera leur capacité à communiquer entre elles.
Concrètement, dans le domaine du recrutement, quelle pourrait être la place de l’IA ? Selon la dernière enquête Hellowork recruteur, quatre recruteurs sur cinq utilisent déjà régulièrement l’IA générative.
Sur le recrutement, il y a une difficulté énorme. Les pays européens ont défini un premier cadre, qui place l’IA comme étant à haut risque sur les sujets de recrutement dans le cadre de l’IA Act. Les questions de biométrie confiées aux IA sont d’ores et déjà interdites. Cela sera la même chose avec la reconnaissance faciale et le social scoring qu’on voit en Chine. Avoir une IA qui déduit, à partir d’une interview, des traits de personnalité et opère la sélection finale dans le cadre d’un recrutement, c’est quelque chose qui ne sera pas possible en France ou en Europe.
Et dans le quotidien des RH ?
Beaucoup de choses vont pouvoir être automatisées grâce à l’IA, par exemple dans le reporting, la mise en forme, sur des sujets de mobilité interne, d’identification des compétences… Pour toute la partie très administrative des ressources humaines, l’IA sera une vraie commodité. Elle permettra aux équipes RH de libérer du temps pour se concentrer sur des sujets purement humains.
C’est la même chose dans le recrutement d’ailleurs. L’IA permet de rédiger des offres et des fiches de poste, de répondre aux candidats, mais elle ne saura jamais quelle personne sera la plus à même de fonctionner dans telle ou telle équipe. Seul un humain peut évaluer la personnalité, l’ambiance, les affinités qui peuvent se créer ou pas…
Précisément, que vont pouvoir faire les équipes RH avec l’IA ?
Utiliser l’IA générative pour faire une offre d’emploi ou répondre aux candidats, c’est l’usage le plus simple, le plus évident. Les LLM (Large Language Models) permettent déjà de générer du contenu, de le fine-tuner, de l’enrichir… On est sur des choses qui sont assez évidentes et sur lesquelles ça fonctionne vraiment bien.
Au moment de faire une fiche de poste ou lorsqu’il s’agit de faire des listes, par exemple des listes de compétences, c’est un outil génial qui permet d’aller chercher les deux ou trois points qu’on oublie facilement. Dans la génération de tests ou d’exercices utiles dans le processus de recrutement, ça fonctionne aussi très bien.
Et demain ?
On pourrait imaginer des entretiens de recrutement menés par un avatar IA, qui échange de façon très fluide avec le candidat, lui pose des questions et répond aux siennes. C’est plus qu’un chatbot, c’est une IA, comme dans le film de Spike Jones Her. L’IA permettrait de faire passer les entretiens, sans pour autant sélectionner les profils. Reste à savoir si les candidats vont accepter de passer de tels entretiens.
L’IA peut-elle aider les recruteurs à lutter contre les discriminations ?
Absolument, l’IA pourrait très bien être force de proposition pour aller chercher des candidats différents. Elle peut aussi servir d’outil de détection de pratiques discriminantes, en rapprochant les profils de milliers de candidats des personnes effectivement recrutées, pour détecter d’éventuels biais. Finalement, l’IA permet une analyse plus rapide et une objectivation de la donnée.
Mais cette technologie peut elle-même être discriminante puisqu’elle ne fait que reproduire des modèles en fonction des données avec lesquelles elle a été nourrie. Si on la nourrit de données qui sont elles-mêmes issues de biais, elle ne fera que reproduire et répliquer ces biais. L’IA n’a pas d’avis. C’est pourquoi nous avons l’obligation de mettre des garde-fous, particulièrement dans le domaine du recrutement, où la sélection doit rester un sujet humain.
Quels sont les freins légaux au développement de l’IA dans le domaine des RH et du recrutement ? On peut penser notamment à l’IA Act.
Les limites sont en train d’être dessinées en Europe. La difficulté aujourd’hui, c’est qu’on est dans un entre-deux, les mises en application ne sont pas encore effectives dans chacun des pays, on peut avancer sans avancer puisqu’on n’a pas précisément le contour de ce qu’il sera possible de faire ou pas.
Chez Hellowork group, les IA ne travaillent sur des données personnelles que dans un environnement fermé, ce qui veut dire que ces données de type CV ou autres ne nourrissent pas les modèles classiques de l’IA, qui sont à l’extérieur.
Les entreprises doivent-elles être transparentes avec les candidats lorsqu’elles utilisent l’IA ?
C’est un vrai sujet. Je pense qu’il faut être transparent, mais la perception qu’en auront les personnes qui ne sont pas forcément au fait de ce qu’est l’IA peut être rebutante, alors que ce ne sera pas toujours justifié. Comme je le disais, l’IA peut être une solution qui aide à lutter contre les discriminations. Je pense qu’au final ça pourrait se rapprocher de l’acceptation des cookies sur les sites internet.
Retrouvez notre enquête Comment les recruteurs utilisent-ils l’IA générative ?