Où fait-il bon travailler quand on est LGBT+ en France ?
A travers une enquête et des témoignages de collaborateurs et collaboratrices LGBT+ et allié(e)s, l’Autre Cercle liste les environnements de travail les plus propices à l’inclusion de ces salariés.

A l’occasion de la journée du coming out, le 11 octobre, l’association L’Autre Cercle, qui œuvre pour une meilleure inclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail, a dévoilé les résultats d’une enquête dessinant les lieux de travail les plus inclusifs pour les membre de cette communauté.
Les grandes villes : l’anonymat de la foule et des lieux de sociabilité LGBT+
Pour 65% des personnes interrogées, il est facile, en tant que membre de la communauté LGBT+ de travailler dans une grande agglomération. Ce chiffre chute à 35% lorsqu’il s’agit de travailler dans une petite commune.
Pourquoi un tel écart ? Pour la sociologue Sarah Jean-Jacques, « il y a un continuum entre l’espace public et l’espace professionnel. Plus le bassin d’emploi est petit et plus la frontière est ténue entre vie pro et vie perso ». Dans ces petites villes, où l’on côtoie souvent le même cercle au travail et en-dehors, il est compréhensible qu’on choisisse de cacher son appartenance à la communauté LGBT+, si on sent que le terrain est hostile.
Cette hostilité se manifeste différemment d’une ville à l’autre, témoigne Maud Grenier, fondatrice et dirigeante de PeoplePro : « A Paris, on peut plus facilement passer inaperçues, même si on s’est déjà fait siffler avec ma femme. Mais à Angoulême, une ville de 42 000 habitants, on sent tous les regards braqués sur nous, ça passe plus par les non-dits. Il y a aussi beaucoup moins de lieux de vie LGBT+ que dans les grandes métropoles : cafés, librairies… »
De son côté, même s’il a été confronté à des accueils très variables en fonction des endroits où il a travaillé, Sébastien Prioul-Bernard, directeur général de la ville de Pornichet, n’a jamais souhaité cacher son homosexualité : « J’ai d’abord travaillé à Paris, où ce n’était vraiment pas un sujet d’être visible au travail. Quand j’ai candidaté en région et que les recruteurs m’ont demandé pourquoi je souhaitais venir en province, j’ai dit que c’était pour me rapprocher de mon futur mari. Il y avait souvent un silence de 20-30 secondes, une gêne. J’ai même le souvenir d’un entretien qui s’est écourté quelques minutes après que j’ai fait cette réponse. »
Les statistiques de l’Autre Cercle ne font que leur donner raison, puisque seuls 23% des rôles-modèles 2022, ces professionnels distingués pour leur engagement en faveur de l’inclusion des personnes LGBT+ au sein de leur organisation, proviennent des régions.
Les grands groupes en font un sujet de marque employeur
Autre chiffre marquant : 58% des sondés jugent qu’il est facile, pour un collaborateur LGBT+, de travailler dans un grand groupe, mais seulement 40% dans une TPE.
Pas étonnant car les grandes entreprises se sont, pour la plupart, rapidement emparées du sujet pour attirer et fidéliser leurs recrues, comme l’explique Béatrice Kosowski, présidente d’IBM France : « S’engager sur ce sujet a du sens à plusieurs niveaux : d’abord pour affirmer notre conviction que l’entreprise doit lutter contre toute discrimination, mais aussi pour améliorer la performance de l’entreprise, car il a été prouvé qu’une personne LGBT+ qui ne se dévoile pas telle qu’elle est est 25% moins productive que si elle était visible. Enfin, c’est un atout essentiel pour notre marque employeur. »
Pour Emilie Morand, sociologue, « plus que la typologie d’entreprise, c’est le climat de travail très direct qui a une influence sur le choix d’être out ou pas. C’est au niveau du regard des collègues et des managers de proximité que ça se joue. »
Le secteur public à la traîne
Lors de la cérémonie des rôles-modèles 2022, plusieurs professionnels ont fait état d’un secteur public loin d’être un modèle en matière d’inclusion des personnes LGBT+. A l’image de Fanchon Mayaudon-courtel, chargée des opérations expérience client en France chez Swile : « Au début de ma carrière, j’ai vécu une expérience douloureuse en tant qu’enseignante. C’est un milieu où la présomption d’hétérosexualité est très forte. Lorsque j’ai fait mon coming out, toutes les enseignantes ne m’ont plus adressé la parole jusqu’à la fin de l’année. »
« Dans la fonction publique, c’est difficile de s’affirmer en tant que personne LGBT+ car les fonctionnaires doivent respecter un devoir de discrétion », fait, de son côté, observer Henri Hamelin, directeur de l’Education et de la Jeunesse à la Ville de Grenoble.
Des familles de métiers plus ou moins accueillantes
Selon le panel, il existe des secteurs d’activité moins tolérants envers les personnes LGBT+, tels que la construction, le BTP, l’industrie, ou encore l’éducation.
Cela signifie-t-il qu’il est plus simple d’être out quand on est col blanc ? Pas forcément, témoigne Alexandre Maymat, directeur de Global Transaction and Payment Services à la Société Générale : « Issu d’une famille bourgeoise, catholique, je me suis construit comme une caricature de l’élite à la française : homme blanc, hétérosexuel, père, marié à une femme. À la banque, je portais un masque. J’ai fait mon coming out pro 5 ans après mon coming out perso. Ça m’a réconcilié avec moi-même ! Je pense qu’on a encore du chemin à faire quand on apprend qu’un collaborateur sur deux n’ose pas signaler qu’il a été victime d’une discrimination LGBTphobe au travail. Les entreprises doivent passer d’une démarche bienveillante passive à une politique efficace de lutte contre les discriminations et de création d’un environnement de travail qui permette à chacun d’être lui-même. »
En réalité, c’est davantage les familles de métiers où les femmes sont peu représentées qui sont les moins sécurisantes pour les personnes LGBT+, souligne Catherine Tripon, porte-parole de l’Autre Cercle : « Aujourd’hui, sur 80 familles de métiers, seules 17 sont parfaitement mixtes. Dans celles à dominante masculine, les remarques sexistes vont souvent de pair avec les commentaires LGBTphobes. »