Le statut cadre est-il toujours aussi attractif ?
Le statut cadre aurait-il perdu de sa superbe ? Est-il toujours aussi attractif ? Certes, il comporte plusieurs avantages sociaux comme un régime de retraite complémentaire qui permet d’obtenir une pension supérieure à celle prévue par le régime de base, un forfait jour pour compenser les dépassements d’horaires, des indemnités de départ, un régime de prévoyance spécifique, une représentation spécifique aux élections prud’homales, ou encore une prise en charge par l’Apec et non Pôle Emploi en cas de chômage … Mais « ce n’est pas qu’une question d’avantages ou d’inconvénients » explique Pierre Lamblin, Directeur des études de l’Apec. « Ce qui importe sans doute le plus aux salariés est la reconnaissance sociale puisque les cadres font partie d’une catégorie à part dans l’entreprise ». Inconvénients du statut, particularités, attractivité… Décortiquons avec lui le vrai du faux !
Quels sont ses inconvénients ?
Plusieurs spécificités liées au statut cadre peuvent être considérées comme des inconvénients. Etant donné les cotisations plus élevées au régime de retraite, la différence entre le salaire brut des cadres et le net est plus grande. Par ailleurs, les cadres ont souvent moins de RTT que les non-cadres puisqu’ils sont rémunérés au forfait jour donc sur la base d’un nombre de jours travaillés dans l’année et non sur un décompte horaire hebdomadaire.
Avantage ou inconvénient, il faut également savoir que la durée de la période d’essai et celle du préavis d’un cadre sont supérieures à celles d’un non-cadre (et déterminées par la convention collective de l’entreprise).
Mais « ce qui manque le plus à l’heure actuelle est un accompagnement des non-cadres vers le statut de cadre et tout ce que celui-ci implique, en particulier l’encadrement. Ce passage n’est pas assez anticipé en entreprise, alors que passer de pair à supérieur par rapport à ses collègues est loin d’être facile ! » rappelle Pierre Lamblin. « Cela, les nouveaux promus s’en plaignent souvent. »
En quoi les missions sont-elles différentes ?
« Pour 8 cadres sur 10, être cadre c’est avoir des responsabilités, gérer des équipes et prendre des décisions. Cela n’a pas changé en 20 ans » constate Pierre Lamblin d’après les nombreuses études faites par l’Apec. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les cadres ne sont pas forcément plus impliqués que les non-cadres dans la stratégie de leur entreprise. « Aujourd’hui ils se voient beaucoup plus comme des experts et des gestionnaires centrés sur leur mission. Mais ils sont plus impliqués dans le management par projet ou d’équipe que de véritables décisionnaires » ajoute Pierre Lamblin. « Ainsi, à l’évidence, il existe un décalage entre les attributs des cadres et leurs applications concrètes au sein des entreprises. »
Toutefois, le positionnement des jeunes diffère de celui de leurs ainés : « moins autonomes » que les cadres plus âgés (note de conjoncture de l’Apec – janvier 2013), ils n’ont aucun pouvoir de décision sur les différents aspects de la gestion des entreprises. Cela dit, tout dépend surtout de la taille de l’entreprise : plus elle est petite, plus l’autonomie des cadres est élevée, plus elle est grande, moins elle l’est. Mais plus qu’être autonome, « être force de proposition, prendre des initiatives et prendre ses responsabilités » sont les conditions considérées par tous pour devenir un « vrai » cadre.
La rémunération, argument imparable !
Sans surprise, « la rémunération est le premier élément de motivation pour un non-cadre de passer cadre, loin devant l’autonomie ou l’envie d’encadrer une équipe » explique le Directeur des Etudes de l’Apec Pierre Lamblin.
L’enquête sur « Le salaire des cadres à l’embauche » publiée par l’Apec en septembre 2012 indique que le salaire médian d’un cadre (hors SSII) se situe actuellement autour de 35KE par an (données 2011). Une moyenne plutôt attractive… Mais tout dépend de l’expérience du collaborateur. Le salaire moyen à l’embauche varie de 29 KE pour un jeune diplômé à 45 KE pour un cadre très expérimenté. Il est cependant un peu plus bas pour une femme et un cadre sans emploi. Passer cadre est donc le moment de négocier une forte augmentation de salaire. Mais « la fourchette d’augmentation dépend de plusieurs aspects » précise explique Pierre Lamblin, « de l’expérience du collaborateur, de la taille et du secteur d’activité de l’entreprise en question, de la taille de l’équipe que le cadre va être amené à piloter, du budget à gérer… C’est au futur cadre de se positionner par rapport au marché, cela lui donnera des repères ».
Le statut n’est pourtant plus aussi attractif
Actuellement, 20% des salariés du secteur privé sont cadres. Chaque année, le secteur enregistre environ 40 à 50.000 promotions du statut non-cadre au statut cadre. Pourtant, pour les non-cadres, le statut cadre est assez peu attractif : un sur deux seulement aimerait le devenir. Parmi les freins sont cités le refus de devenir chef ou de prendre des responsabilités hiérarchiques, la crainte de s’éloigner de son coeur de métier en entrant dans une fonction d’encadrement mais aussi celle de ne plus maîtriser son équilibre vie professionnelle/vie privée … L’argent ne fait donc pas tout !
Les cadres eux-mêmes jugent leurs conditions de travail en légère dégradation selon le Baromètre semestriel de satisfaction des cadres Apec. Beaucoup pointent du doigt la difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée et une charge de travail qui s’accentue. « Pour autant, ils ne se plaignent pas de la porosité grandissante entre vie pro et vie perso » analyse Pierre Lamblin, « alors qu’elle est justement considérée comme un frein par les non-cadres ».
Avantages ou non, les cadres donnent toujours autant de sens à leur statut. « Il y a toujours ce sentiment chez eux d’appartenir à une catégorie sociale à part et cette reconnaissance sociale liée à leur statut » explique Pierre Lamblin. Avantages ou pas, la nouvelle génération de cadres est prête à s’investir mais attention, pas à n’importe quel prix et « dans une relation donnant-donnant » note le Directeur des Etudes de l’Apec. Et pas question de délaisser sa vie personnelle au profit de son travail…
A lire : « Devenir cadre une perspective pas toujours attrayante » (note du Cerèq).
(Crédit photos : Epictura & Rémy Lecourieux)