Inégalités hommes-femmes : «Les choses vont peut-être enfin bouger»

CorinnedDans le cadre du débat du mois consacré à l’Emploi au féminin, Corinne Dillenseger qui anime le blog Tout pour Elles a bien voulu répondre à quelques questions sur les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.

Depuis quelques années, on aperçoit quelques menus progrès en termes d’égalité salariale entre les hommes et les femmes : des entreprises signent des accords pour rattraper le décalage, Rennes est la première administration à obtenir le label égalité professionnelle… L’égalité salariale c’est la moindre des choses, pourquoi ces différences de salaires ont-elles perduré aussi longtemps ?
Elles perdurent parce que les entreprises ne se sentent pas menacées (ni par la loi, ni par les femmes elles-mêmes) pour que cette réalité change. Elles ont normalement l’obligation d’établir tous les ans, un rapport qui compare les situations salariales des hommes et des femmes. Or seulement un tiers d’entre elles le font. Les choses vont peut-être enfin bouger puisqu’à partir de 2010 les entreprises qui n’auront pas mis en place des moyens pour résorber les écarts salariaux seront sanctionnées financièrement. Attendons de voir.

Il n’y a pas que la question des salaires, il y a aussi l’accès aux postes à responsabilités qui est toujours un parcours du combattant pour les femmes. Est-ce que tu as l’impression que les choses changent à ce niveau-là ?
J’en discutais récemment avec une sociologue qui étudie la place des femmes dans l’entreprise depuis plus de 20 ans. Elle m’a affirmée qu’il restait encore beaucoup de chemin à faire pour que les femmes décrochent des postes à responsabilité. Le fameux «plafond de verre» est toujours aussi prégnant. Peu d’entreprises cherchent à promouvoir des femmes aux postes de direction ou les encouragent à y accéder. Pour mémoire, je rappelle que 15 % des femmes qui travaillent dans une entreprise de dix salariés et plus sont cadres contre 23 % des hommes, 12 % de chefs d’entreprise sont des femmes, à peine 6 % sont présentes dans les membres des conseils d’administration des sociétés du CAC 40.

L’autre point important c’est le fait que les congés parentaux sont pris en majorité par les mères, comment faire pour inciter les pères à mettre un temps de côté leur carrière pour se consacrer à leur famille ?
Mais les pères aimeraient justement davantage se consacrer à leurs enfants ! Selon une étude de la Drees, 69% des pères se disent favorables à un allongement du congé de paternité et 20% (en majorité des ouvriers et des employés) accepteraient même d’interrompre leur carrière pendant au moins 3 ans pour garder et éduquer leurs enfants. Au niveau des jeunes pères cadres, le constat est le même. La carrière professionnelle ne devient plus le seul objectif d’épanouissement des hommes. Ils veulent aussi pouvoir profiter de leur famille. Le problème, c’est que la culture des entreprises est encore très centrée sur le présentéisme et qu’il est mal vu, voire tabou, de prendre un congé parental ou de solliciter un temps partiel, lorsqu’on est un homme.

Certains secteurs en tension, comme le bâtiment ou l’industrie, ont mené campagne pour casser les préjugés sur les métiers réputés réservés aux hommes, est-ce qu’il ne faudrait pas faire l’inverse également ?
Ces secteurs mènent campagne parce qu’ils se heurtent à un véritable problème de main d’oeuvre. A mon avis, c’est davantage un prétexte pour résoudre une question économique qu’une volonté à vouloir chercher à équilibrer leurs équipes en y injectant des femmes. Ce qui n’empêche pas certaines d’entre elles d’y trouver leur compte, découvrant par ce biais, des emplois auxquelles elles n’avaient pas spontanément pensé ou sur lesquels elles avaient certains à-priori. Faire l’inverse pour que les hommes s’intéressent davantage à des métiers réputés féminins ? Pourquoi pas, mais existe-t-il des secteurs en tension qui manquent de bras féminins et qui nécessiteraient de faire appel à des hommes ?

Est-ce que à ton avis les nouvelles générations qui arrivent sur le marché de l’emploi ont une vision plus équilibrée des rapports hommes-femmes dans un cadre professionnel ?
Oui, mais je pense qu’elles doivent déchanter une fois mieux installées dans leur vie professionnelle. La dernière étude de l’Apec le prouve. 60% des femmes cadres interrogées pensaient au moment d’entrer sur le marché du travail que leur statut de femmes serait neutre, qu’il ne constituerait ni un handicap ni un atout. Et finalement, seules 32% disent que cela a été neutre (dont 24% pour les 30-34 ans). 30% prétendent même que cela a été un handicap !

A travers les nombreux commentaires sur ton blog Tout pour elles, quelle est le sentiment qui domine chez les femmes par rapport à l’emploi ?
Le sentiment qui domine chez ces femmes est la crainte de ne pas pouvoir tout assumer : vie professionnelle, vie familiale, vie de couple, vie personnelle. Elles sentent confusément qu’il leur faudra forcément sacrifier quelque chose, alors qu’elles sont peut-être trop exigeantes vis-à-vis d’elles-mêmes et des autres. Autres sentiments plus diffus : la peur d’être trop vieille, trop jeune, pas assez expérimentée ou trop pour intéresser un recruteur, d’être jugée sur le sexe et non sur les compétences, d’être pénalisée dans la carrière par la maternité… Enfin, les femmes qui m’écrivent s’avèrent aussi peu sûres d’elles, elles n’osent pas se lancer dans de nouveaux projets professionnels, ne savent pas comment avancer et changer pour améliorer leurs conditions de travail ou de vie, elles manquent de contacts, de réseau, d’information… J’espère que mon blog peut à sa manière les aider.

Le blog Tout Pour Elles

 

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