En Inde, les femmes écartées du marché de l’emploi
Une perte considérable pour l’économie du pays.
L’Inde se prive-t-elle, en ne favorisant pas le travail des femmes, d’un atout précieux pour son économie ? Organisation patriarcale, mécanisation, insécurité… peu d’éléments servent une émancipation pourtant réclamée par les Indiennes observent Les Echos, dans un article publié ce vendredi 25 août.
Un taux d’activité en baisse
Le contraste est limpide. En Inde, 24 % des femmes contre 74 % des hommes occupent ou cherchent un travail. Des chiffres qui ont chuté, en prime, depuis le début des années 2000, selon les données de la Banque mondiale. Entre 2005 et 2019, cette part est passée de 30 % à 21 %.
Un retard conséquent vis-à-vis de nombre d’autres pays d’Asie selon les relevés les plus récents de l’institution financière internationale. A titre d’exemple, le taux d’activité des femmes est de 61% en Chine, 59% en Thaïlande, 70% au Cambodge, 69% au Viêt Nam et de 38% au Bangladesh voisin. Attention, l’Inde n’est tout de même pas isolée sur le continent. Au Pakistan et au Népal, par exemple, respectivement 25 et 29% des femmes ont un emploi.
Une courbe inverse à la croissance
Ces minces chiffres cachent en réalité un paradoxe selon le journal. En effet, la croissance de la cinquième économie mondiale est en très bonne santé depuis une quinzaine d’années et dans les pays asiatiques qui ont suivi une courbe similaire, le taux d’activité des femmes a suivi la cadence.
Sher Verick, expert de l’emploi dans les économies émergentes à l’Organisation internationale du travail (OIT), trouve une première explication à cette singularité. « Les revenus des ménages indiens ont sensiblement augmenté sur cette période, donc beaucoup de femmes ont arrêté de travailler dans les zones rurales, car leur travail n’était plus vital », explique-t-il aux Echos.
Une seconde se trouverait dans la mécanisation des travaux agricoles et l’absence d’alternatives aux travaux dans les champs pour les femmes selon le chercheur qui pointe, en parallèle, une augmentation du taux d’activités de femmes indiennes en temps de crise : « Dans un foyer, lorsque celui qui fait bouillir la marmite perd son travail, quelqu’un, bien souvent la femme, doit sortir pour chercher du travail. »
Des emplois informels et précaires
Les femmes de la campagne ne sont pas les seules touchées par ces enjeux. Dans la réalité des castes de l’Inde contemporaine, l’indépendance des femmes par le travail reste mal vue, rappelle le média économique. Et quand elles trouvent un emploi, elles l’exécutent, dans la majorité des cas, dans des conditions précaires : 90% d’entre eux relèvent de l’économie informelle. De plus, plus de la moitié des femmes qui travaillent (57%) évoluent dans le secteur agricole et travaillent dans des conditions éprouvantes, pour des salaires très réduits.
Premières à perdre leur travail lors des ralentissements économiques, elles souffrent aussi d’importants écarts de salaires. A la campagne, elles gagnent 35% de moins que les hommes et 21% en ville.
Un manque considérable pour l’économie
C’est d’ailleurs dans les villes du pays que les difficultés d’accès à l’emploi pour les femmes sont les plus importantes. A New Delhi, la capitale, seulement un peu plus d’une femme sur 10 a un job (12%). La raison principale ? Les Delhiites renoncent à l’emploi par peur des agressions sur le chemin du travail. Depuis de nombreuses années, l’actualité leur donne malheureusement raison et les violences subies par les femmes indiennes rejoigne bien souvent les colonnes des titres de presse internationaux.
Les Indiennes sont pourtant un « réservoir de croissance considérable » pour leur pays concluent Les Echos. Les chiffres précédents sont-ils alors à tempérer ? Le journal relaie ainsi l’avis de certains experts selon lequel le travail des femmes serait en fait sous-évalué par les statistiques officielles. La faute, en particulier, aux tâches domestiques dont elles s’acquittent et qui ne sont pas prises en compte par les relevés. Selon la State Bank of India, ces dernières représenteraient 7,5% du PIB indien si elles étaient rémunérées. La Banque mondiale estime, elle, que le produit intérieur brut pourrait croître de 1,5 point par an si 50% des femmes étaient sur le marché du travail.