Le mode d’emploi pour ne plus vous faire ghoster par vos candidats
Vous vous êtes déjà fait ghoster par un candidat ? Fiona Mensa, directrice de la stratégie au sein de l’agence RH Zcomme, vous livre ses conseils pour que cela n’arrive plus !
Les candidats ghostent-ils de plus en plus les recruteurs ?
Fiona Mensa : En effet, c’est un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années. Une enquête OpinionWay indique que 57 % des recruteurs et des candidats ont déjà pratiqué le ghosting dans un processus de recrutement. Autre donnée marquante : un candidat sur cinq ne se présente pas le premier jour de son contrat. Certains employeurs rapportent même des cas de salariés qui quittent l’entreprise dès la pause déjeuner, face à une réalité de terrain très éloignée de ce qu’ils imaginaient. Ce désengagement peut survenir à tout moment du processus, y compris après la signature du contrat.
Pour quelles raisons les candidats se comportent-ils de la sorte ?
F. M : À l’origine, le ghosting concernait surtout les employeurs : ils avaient tendance à ne pas répondre aux candidats, à laisser passer de longs délais entre deux étapes du processus de recrutement ou à se contenter d’un mail automatique sans véritable retour. Mais la situation s’est inversée : désormais, ce sont les candidats qui se permettent de mettre fin au processus de recrutement, parfois sans prévenir, que ce soit pendant le recrutement ou lors de l’onboarding. Ce renversement s’explique par un changement profond du rapport de force entre candidats et employeurs. Sur un marché du travail où le taux de chômage est bas, notamment dans les métiers en tension comme le digital, la tech ou la data, les candidats se trouvent en position dominante. Ils peuvent comparer les offres, évaluer les promesses des employeurs, et se désengager s’ils ne trouvent pas satisfaction ou s’ils perçoivent une rupture de confiance.
Un processus trop long, opaque ou sans feedback est décourageant. Les candidats comprennent la nécessité d’un process sélectif s’il est clair et expliqué. Mais lorsque les étapes s’enchaînent sans visibilité ni échanges constructifs, le risque de désengagement est important. Les délais de réponse jouent également un rôle : un candidat privilégiera toujours l’entreprise la plus réactive. À l’inverse, la course à la rapidité peut aussi nuire. Finaliser un recrutement en 24 heures ne laisse pas le temps de construire une relation de confiance. Tout est une question d’équilibre entre efficacité et qualité de la relation.
Ce phénomène est également sociétal. Nous vivons dans une société où les liens, qu’ils soient personnels ou professionnels, se sont assouplis. Le sociologue Zygmunt Bauman parle de « liquidité des identités ». Il décrit la transition d’une société dite « solide » – structurée par des institutions stables et des engagements durables – vers une société « liquide », où tout est plus fluide, réversible, et où chacun peut se désengager facilement. Le ghosting illustre bien cette évolution : il s’inscrit dans une culture où l’on met fin à une relation, qu’elle soit personnelle ou professionnelle, dès lors qu’elle ne semble plus équilibrée ou satisfaisante.
Y a-t-il des profils ou des secteurs plus concernés par ce phénomène ?
F. M. : Trois profils principaux se distinguent. D’abord, les métiers pénuriques, comme la tech ou la data, où les candidats disposent de nombreuses opportunités et peuvent aisément se désengager. Ensuite, les jeunes générations, qui ont un rapport à l’engagement différent de leurs aînés. Comme l’explique Jacques Ion, on est passé d’un « engagement timbre » – stable et structurant – à un « engagement Post-it », plus temporaire et réversible. Les jeunes s’impliquent dans des projets qui leur plaisent sur le moment, mais se retirent rapidement s’ils ne s’y reconnaissent plus. Enfin, les métiers non qualifiés ou à forte pénibilité, où le désengagement intervient souvent au moment de l’intégration, lorsque la réalité du poste diffère de la promesse initiale.
Quelles mesures concrètes peuvent être mises en place pour limiter le ghosting à chaque étape du recrutement ?
F. M. : En amont, le premier point d’attention est la clarté des offres d’emploi. Elles doivent être suffisamment détaillées et inclure les informations clés : conditions de travail, avantages, perspectives d’évolution, rémunération. Trop souvent, elles listent les exigences sans valoriser les contreparties. Il est aussi essentiel de répondre rapidement aux candidatures. Ne pas laisser un candidat sans nouvelles est une marque de respect fondamentale.
Pendant le processus, la transparence est primordiale : expliquer les étapes, les interlocuteurs, les critères de sélection, et offrir une expérience personnalisée qui tient compte du rythme et de la situation du candidat. Éviter les échanges impersonnels ou les processus standardisés contribue à une meilleure relation.
Enfin, après l’acceptation de l’offre, le lien doit être maintenu jusqu’à la prise de poste. La période de pré-onboarding est cruciale. Un candidat qui signe plusieurs mois avant son arrivée ne doit pas être laissé sans contact. Il faut partager avec lui des contenus, lui permettre d’échanger avec sa future équipe et l’aider à se projeter. Ce suivi limite fortement le risque de désengagement avant l’intégration.
Quels sont les maîtres mots pour renforcer ce lien de confiance entre candidats et recruteurs ?
F. M. : Tout repose sur l’équilibre relationnel. Un candidat doit se sentir considéré dès le premier contact. Cela passe par la transparence, la clarté, la réactivité et des échanges authentiques. Les entreprises qui réussissent à instaurer cette relation équilibrée dès le recrutement bâtissent une confiance durable, qui se prolonge naturellement après l’intégration. La transparence reste le mot-clé. Le pire pour une entreprise n’est pas de ne pas séduire un candidat, mais de le séduire à tort et de le décevoir ensuite. Une promesse non tenue entraîne non seulement un désengagement, mais aussi une détérioration de la réputation employeur. Une marque employeur bien construite est à la fois un aimant et un filtre : elle attire les bons candidats et protège l’entreprise des déceptions mutuelles.

Fiona Mensa
Directrice de la stratégie chez Zcomme
Fiona Mensa a rejoint l’agence RH Zcomme il y a neuf ans. Après avoir travaillé au sein de l’équipe « consulting et projets », en tant que directrice de clientèle, elle a repris depuis quelques années la direction du planning stratégique. Aujourd’hui, elles accompagne les équipes — directeurs de clientèle, consultants médias, chefs de projet — dans la définition et la mise en œuvre de stratégies de communication en marque employeur.