Suppressions de postes liées à la crise : l’Etat peut-il interdire les licenciements ?

Plusieurs syndicats appellent le gouvernement à interdire les licenciements pour limiter les plans sociaux dans ce contexte de crise. Une telle interdiction est-elle envisageable en France ?

Les syndicats revendiquent l'interdiction des licenciements.
Les syndicats revendiquent l'interdiction des licenciements. © rudall30/stock adobe.com

Plusieurs syndicats du secteur public et du secteur privé ont appelé à manifester, samedi 19 juin, contre les nombreuses suppressions de postes annoncées, conséquences de la crise sanitaire et économique. Parmi leurs revendications : l’interdiction des licenciements.

Déjà en mars 2020, la phrase de la ministre du Travail de l’époque, Muriel Pénicaud, s’engageant à « Zéro licenciements » auprès de partenaires sociaux, avait fait débat : l’Etat peut-il interdire les licenciements ?

L’option avait alors été rapidement écartée par le Premier ministre, Edouard Philippe, qui avait déclaré : « L’interdiction administrative des licenciements, comme elle a pu exister, n’est jamais, je crois, une solution totalement satisfaisante. Ce que nous voulons faire, c’est qu’il ne soit pas utile de licencier, d’essayer de faire en sorte que l’entreprise puisse continuer son existence. »

Encadrement des licenciements : le précédent de 1975

Mais qu’est-ce, précisément, que cette interdiction administrative des licenciements à laquelle le chef du gouvernement faisait allusion ? Mis en place en 1975, sous le mandat de Valéry Giscard d’Estaing, sur fond de difficultés économiques liées aux chocs pétroliers, il s’agit en réalité davantage d’un encadrement des procédures de licenciements collectifs, soumises à une autorisation préalable de l’inspection du travail.

L’objectif de cet interventionnisme étatique : absorber les chocs de la crise économique et apaiser les tensions sur le marché du travail. Cette autorisation préalable au licenciement a été supprimée en 1986, en vertu d’une approche libérale considérant que les licenciements économiques faisaient partie du juste équilibre du marché du travail et de l’économie.

Une décision contradictoire avec la liberté d’entreprendre

Aujourd’hui, il est probable qu’une telle mesure « entrerait en contradiction avec la liberté d’entreprendre que le Conseil constitutionnel protège de longue date et n’hésite pas à invoquer dans ses décisions récentes », rappellent les avocats Pierre Befre et François Bachy, dans un article publié sur Village de la Justice.

Jusqu’à présent, afin de limiter les vagues de licenciements, l’Etat a privilégié des solutions telles que la généralisation du télétravail, le placement en activité partielle, l’arrêt de travail pour garde d’enfants ou la mise en place d’un prêt garanti par l’Etat. Tout porte donc à croire que l’interdiction des licenciements n’est pas pour demain.

A l’inverse, le gouvernement italien a pris, dès le début de la pandémie un décret, « Cura Italia », pour interdire les licenciements pour motif économique. L’Italie est le seul pays d’Europe à avoir adopté une mesure aussi draconienne, qui doit rester en vigueur au moins jusqu’au 30 juin 2021.

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