Aux Etats-Unis, la « Génération Covid » n’est pas préparée à travailler
Et cela coûte très cher aux entreprises.
Du moins c’est ce que constatent recruteurs et enseignants interrogés par le média américain The Wall Street Journal. Manque de pratique, de compétences techniques et sociales ou encore culture générale insuffisante… si l’on en croit ces témoignages, la génération de jeunes diplômés a été sacrifiée à la pandémie et n’aurait jamais acquis, entre deux cours en visio, de véritable capacité à intégrer le marché du travail.
Ces années d’apprentissage à distance auraient des répercussions au sein de nombreux secteurs d’activité selon le journal, qui rappelle que la production nationale, après une chute au cours des cinq derniers trimestres, connaît sa plus longue contraction depuis 1948.
Ces lacunes couvrent d’ailleurs une palette très large de compétences comme rendre la monnaie ou passer un coup de fil, et jusqu’à certaines soft skills comme travailler en équipe. Des faiblesses qui incitent les employeurs à consacrer plus de temps et de ressources à la recherche de candidats, réduisant ainsi leurs exigences quant aux compétences de ces derniers. Un coût qui se prolonge une fois les nouveaux collaborateurs engagés : il faut les former.
Des taux de réussite aux examens en baisse
Une problématique qui s’est ressentie, dès 2020, avec la chute des taux de réussite aux certifications et examens passés par les ingénieurs, les employés de bureau, les soldats ou encore les infirmières. Le constat est le même avec les écoliers de primaire, les collégiens et les lycéens américains. Aux tests nationaux, en effet, les scores des élèves de CM1 et de 4e sont tombés à leur plus bas niveau depuis 30 ans, de même que ceux des tests d’admission à l’université.
Une étude de la revue Health Affairs citée par The Wall Street Journal évoque par exemple le cas des infirmières. Pendant la pandémie, plus de 100 000 d’entre elles ont quitté le terrain. Par conséquent, une pression énorme s’est exercé sur les hôpitaux qui ont accru leurs demandes de programmes pour former davantage de professionnelles. Le hic ? Les étudiants qui passent leurs examens d’entrée obtiennent en moyenne 5% de points de moins qu’avant la pandémie, ce qui limite le nombre de personnes acceptées. A l’université Ivy Tech Community College dans l’Indiana, il a par exemple fallu intégrer des tuteurs dans les classes pour assister certains élèves sur des savoirs qu’ils auraient dû acquérir au lycée, comme des compétences en mathématiques, nécessaires au dosage des médicaments.
Des lacunes de savoir-être
Du côté des savoir-être, les conclusions sont similaires. Jerrica Moses, responsable du recrutement national pour Senture, une société de centres d’appels basée à Londres (Kentucky) a par exemple affirmé au journal que de nombreux nouveaux collaborateurs sont incapables de gérer leur frustration. Si bien que l’entreprise a adopté une nouvelle série de tests pour déterminer quels employés potentiels seront en mesure de garder leur sang-froid face à des appelants grossiers ou en colère.
Dans le Midwest, les managers du John Ball Zoo déclarent quant à eux devoir coacher les travailleurs saisonniers à regarder les visiteurs dans les yeux, faire le change à la caisse ou lâcher leur smartphone.
Une épine dans le pied de certains, un business juteux pour d’autres. L’éditeur de logiciel Quickbooks a notamment ajouté de nouveaux cours à son catalogue, utilisé par la société Express Employment Professionals basée à Peoria (Illinois) pour former ses candidats. En effet, la propriétaire Cindy Neal a confié avoir constaté une forte baisse des performances des demandeurs d’emploi lors des examens à l’embauche. Les nouveaux cours comprennent des chapitres sur la prise d’initiative, la productivité, l’hygiène sur le lieu de travail, les tenues appropriées au bureau ou encore la gestion des conflits entre collègues.
En France, des difficultés d’attention
Le constat est-il similaire en France ? A la fin de la pandémie, nombre d’études et articles ont surtout évoqué l’impact du Covid sur l’emploi des jeunes diplômés, comme le relevait Les Echos, en mai 2022 et notamment sur les non-diplômés qui ont perdu, au moment de la crise, 3,6 points de taux d’emploi par rapport à la génération 2010, contre 1,8 points pour les diplômés.
Et du côté des universités ? En février 2022, des professeurs déclaraient au journal Le Monde avoir noté des difficultés d’attention et de concentration chez leurs étudiants ainsi que, en l’absence de pratique de l’écriture manuscrite, une perte de leurs facultés de terminer leurs devoirs sur table à temps ou à prendre des notes. Reste à savoir si cela fera d’eux de « mauvais » futurs employés.