Comment faire face aux 4 défis RH du travail hybride ?
Au terme de ses travaux de recherche, Adeline Mbey Sendegue a identifié plusieurs leviers pour permettre aux RH de resserrer les liens au sein des équipes hybrides.
					
				
				
					Au pays du présentéisme, peu de personnes pouvaient présager que le travail hybride s’ancrerait dans les moeurs. Et pourtant, plus d’un salarié du secteur privé sur cinq télétravaille au moins une fois par mois, note la Dares dans une publication de mars 2025. Le travail à distance est particulièrement répandu chez les cadres et parmi les professions de la finance, de l’information et de la communication.
« L’ampleur de la bascule est assez incroyable pour la France où il y avait, pré-Covid, peu de possibilités de recourir au télétravail. Dans la plupart des entreprises françaises prévalait cette croyance qu’observer en temps réel la réalisation du travail était synonyme et gage de productivité, explique Adeline Mbey Sendegue, chercheuse en gestion des ressources humaines à l’université de Rennes, et autrice de l’étude « Panser et repenser le lien social dans les équipes dispersées par le télétravail ». Or, les entreprises ont constaté pendant la crise sanitaire que leurs collaborateurs étaient, le plus souvent, plus concentrés et plus productifs en télétravail. »
Une majorité a donc décidé de pérenniser ce mode de fonctionnement hybride à l’issue des confinements. Une décision qui a généré son lot de défis pour les équipes RH : comment renforcer les liens au sein de collectifs de travail plus ou moins éclatés ? Où placer le curseur pour favoriser à la fois l’autonomie et responsabiliser les individus tout en maintenant la communication et la cohésion au sein de l’équipe ?
Défi n°1 : repenser la communication à distance
« Le télétravail a rendu la communication plus planifiée, plus formelle, observe Adeline Mbey Sendegue. On est moins sur des scénarios de spontanéité et d’échanges informels, comme ce qu’on peut avoir en présentiel lors des pauses café ou cigarette. » Dans certaines équipes, les collègues ne se croisent plus du tout au travail.
Pour la chercheuse, le rôle du RH et du manager est d’abord de s’assurer que tous les collaborateurs soient à l’aise avec ces outils de communication numériques. La deuxième étape est ensuite de choisir le bon canal en fonction de la nature de l’information.
« Il faut se poser les bonnes questions en amont : est-ce que c’est une communication stratégique ou non ? Est-ce qu’on a un besoin de traçabilité ou pas ? Si ce n’est pas le cas, peut-être qu’il vaut mieux passer un coup de fil que d’envoyer un mail, conseille la docteure en gestion des ressources humaines. Globalement, pour toutes les informations relatives à un fonctionnement global de l’équipe ou à des règles d’organisation du travail, mieux vaut privilégier une communication plus formelle par mail. En revanche, pour tout ce qui a trait au dysfonctionnement d’une situation et qui nécessite une réponse rapide passera davantage par des groupes sur des messageries instantanées, de type Teams, mais aussi de plus en plus WhatsApp ou même Discord. »
Défi n°2 : lutter contre l’isolement des collaborateurs
Les bénéfices du télétravail ne doivent pas occulter les maux qu’il peut engendrer chez certains travailleurs, en proie à l’isolement professionnel et social. « L’absence de moment de convivialité et la perte des repères favorisent l’émergence d’un sentiment de déprime et de solitude et peut conduire à une remise en question : ‘’Est-ce que je fais réellement partie d’un collectif ? Est-ce que j’ai vraiment besoin de faire partie d’une équipe pour accomplir mes missions ?’’ », développe Adeline Mbey Sendegue.
Dans le cadre de ses recherches, elle a mis en lumière un concept qui peut faire rempart à cet isolement : la proximité perçue. « Elle repose sur la thèse suivante : ce n’est pas parce que les individus sont distants physiquement qu’ils ne peuvent pas se sentir proches les uns des autres et qu’ils ne sont pas capables d’échanger régulièrement et de travailler ensemble. Cette proximité est de l’ordre du sentiment et dépend, donc, à la fois de la personnalité de chacun mais aussi des conditions de travail créées par l’entreprise. »
« Ce concept de proximité physique a été très utile pour comprendre justement ce qui nous avait été remonté dans les échanges avec les collaborateurs sur cette période de télétravail pendant la crise sanitaire. Dans notre panel, nous avions deux catégories de personnes : certaines vivaient hyper mal ce travail à domicile forcé et d’autres disaient avoir découvert une autre facette de leur personnalité. Parmi ces derniers, quelques-uns nous ont confié que c’était plus simple pour eux de prendre la parole lors de réunions en visio qu’en présentiel. Ils échangeaient plus facilement avec leurs collègues et partageaient plus d’informations quand ils travaillaient depuis chez eux. »
Les RH ont un rôle à jouer pour recréer cette proximité psychologique mise à mal par le travail hybride, en créant des moments fédérateurs sur site (teambuilding, séminaires, déjeuners, afterwork, portes ouvertes, conférences…).
Défi n°3 : bien intégrer les nouvelles recrues
Comment les personnes qui intègrent l’entreprise peuvent-elles tisser des liens avec les autres dans une équipe hybride ? De nombreux services RH ont digitalisé leur onboarding pour faciliter la familiarisation des nouvelles recrues avec leur nouvel environnement de travail et leurs collègues. « Les RH ont notamment développé des plateformes en ligne, des modules de formation, des vidéos et de la documentation pour présenter l’environnement de travail, l’équipe, l’organigramme, les personnes auxquelles s’adresser en cas de difficulté. Certaines entreprises ont également décidé de mettre en place des binômes nouveau/ancien pour désigner une personne référente à contacter en cas de questionnement, y compris à distance. »
Défi n°4 : accompagner les managers dans l’encadrement d’équipes hybrides
A travers l’échantillon interrogé dans le cadre de ses travaux, la chercheuse a identifié deux profils de managers :
- ceux qui étaient complètement dépassés par la situation, donc en l’occurrence, qui n’avaient pas les ressources matérielles et d’accompagnement nécessaires pour fédérer leur équipe : « Pour se rassurer, ce type de manager a généralement tendance à contrôler d’extrêmement près toutes les activités de leurs collaborateurs à distance, à vérifier s’ils sont bien connectés, à quel moment… »
 - ceux qui ont une confiance totale en leurs équipes au point de les laisser travailler en autonomie sans assurer de suivi ni d’accompagnement : « Ce comportement peut avoir pour effet de créer une totale perte de repères et, à terme, de démotiver les équipes qui vont se trouver en situation de risques psychosociaux. »
 
Ces témoignages prouvent que la principale difficulté pour un manager d’une équipe hybride est de trouver le juste équilibre entre contrôle et confiance. Adeline Mbey Sendegue préconise de former ses managers à la problématique spécifique du management à distance. « Les RH peuvent également alléger la charge mentale des managers en les orientant vers des interlocuteurs (médecin du travail, psychologue du travail…), s’ils souffrent de la situation, ou des espaces de parole (groupes de pairs-managers…) afin de partager de bonnes pratiques. Enfin, le DRH peut organiser trimestriellement des réunions avec les managers pour échanger sur leurs difficultés et trouver des solutions collectives à mettre en place dans les équipes hybrides. »