Les 3 défis des recruteurs en 2025

Réunis le 29 avril à Paris pour la première édition du Talent Lab, une centaine de recruteurs ont échangé sur leurs enjeux dans un marché très chahuté.

Talent Lab
Laurent Brouat a réuni une centaine de recruteurs le 29 avril à Paris pour la première édition du Talent Lab. © Laurent Brouat

L’heure n’est pas vraiment à la fête dans le monde du recrutement, avec des prévisions en forte baisse pour 2025. « Depuis 18 mois, le marché du travail se retourne mais il reste à des niveaux encore élevés. La France va détruire des emplois en 2025 et 2026 mais la bonne nouvelle, c’est que la productivité va redémarrer, et avec les salaires réels qui vont augmenter », a contextualisé l’économiste Eric Heyer, en ouverture de la première édition du Talent Lab, qui a réuni à Paris une centaine de recruteurs à l’initiative de Laurent Brouat. Qu’ils soient en cabinet de recrutement, dans les entreprises ou en indépendant, leurs défis sont nombreux. Retour sur trois d’entre eux.

Les cabinets de recrutement à la peine

Trois recrutements sur dix se font aujourd’hui en passant par un cabinet de recrutement. Qu’il s’agisse du staffing ou du placement, les cabinets souffrent depuis la crise sanitaire. « Ce n’est pas une crise d’intensité – le marché descend moins bas que lors des précédentes crises – mais une crise qui s’installe dans la durée », contextualise Frédéric Voyer, CEO et cofondateur de TalentSafe. Selon les chiffres cités par l’entrepreneur, le marché français des cabinets de recrutement a reculé de 5% en 2024 et pourrait connaître une croissance nulle cette année.

Passés les gros cabinets comme Page Group, Hays ou encore Robert Half, dont les résultats et donc les effectifs sont en baisse depuis 2023, les cabinets de recrutement plus petits réduisent aussi leur masse salariale et ajustent leur offre. Basé à Nantes et spécialisé dans le bâtiment, Hunteo est par exemple passé de 30 à 15 salariés. HireSweet, positionné sur le recrutement d’ingénieurs logiciels pour les start-up de la tech, a lui aussi divisé ses effectifs par deux avec la crise.

Même chose chez Fab Group, qui dans le même temps a retravaillé son offre, avec différents niveaux de prix selon les prestations. « C’est important d’être transparent sur le contenu de notre prestation pour que le client comprenne pourquoi nous lui facturons 20% [du salaire annuel du candidat recruté]. Ce qui a le plus changé ces dernières années, c’est l’exigence des clients sur le prix », insiste Yann Pelvet, CEO de Fab Group.

Des candidats plus volatiles

Autre défi dans le monde du recrutement, la plus grande volatilité des candidats. Il y a d’abord ceux qui acceptent une offre puis ne donnent plus de nouvelles du jour au lendemain. Face à ce phénomène en croissance, les cabinets tentent parfois de sensibiliser les candidats, en leur faisant prendre un engagement moral vis-à-vis du candidat en shortlist à qui le recruteur doit dire non.

Les candidats sont aussi plus nombreux à décliner les propositions d’offres. « Aujourd’hui, une offre sur quatre est refusée par le candidat, avant ça n’existait pas », avance un participant lors d’un atelier consacré aux solutions face à la crise. Sans compter les périodes d’essai qui ne vont pas au bout, que ce soit à l’initiative du candidat ou de l’entreprise. Plus de 21% des périodes d’essai sont rompues aujourd’hui, contre moins de 10% à la fin des années 2000, selon des chiffres cités par Frédéric Voyer. « Recruter quelqu’un qui ne va pas rester, c’est un sujet crispant. Ça impacte négativement la valeur perçue des cabinets », souligne le fondateur de TalentSafe.

Pour les services recrutement et les cabinets, il faut alors repartir en quête d’un nouveau candidat. « Avec l’explosion des ruptures de période d’essai depuis cinq ans, c’est une horreur pour les cabinets de recrutement », s’emporte un acteur du secteur, qui s’inquiète pour sa rentabilité. Parmi les éléments en cause, la clause de garantie, qui permet à une entreprise d’avoir un autre candidat en cas de rupture de période d’essai. C’est pour limiter le coût de cette clause de garantie pour les cabinets que des assurances commencent à voir le jour, comme TalentSafe. Au-delà de l’aspect financier, « on passe aujourd’hui beaucoup plus de temps à faire le job », complète un participant.

Le défi de la formation au recrutement

« Recruteur, ce n’est pas un métier dont on rêve quand on est petit. On découvre souvent cette profession lorsqu’on est déjà sur le marché du travail », témoigne une recruteuse présente à l’atelier dédié à la formation au recrutement. Dans l’assemblée, la plupart des recruteurs se sont en effet formés sur le tas. Il existe peu de filières dédiées au recrutement et les formations RH comprennent rarement de module sur le sujet. Pourtant, on ne naît pas recruteur. D’où l’importance de se former en continu, tout au long de sa carrière, alors même que le métier se complexifie d’année en année. « La seule formation obligatoire pour les recruteurs est celle sur la non-discrimination à l’embauche, à renouveler tous les cinq ans. Ce n’est pas suffisant », rappelle une recruteuse.

Autre enjeu : la formation des hiring managers au recrutement. « Ce n’est pas toujours simple de les convaincre, notamment s’ils recrutent déjà depuis longtemps, car ils pensent qu’ils savent faire », constate une recruteuse. Pourtant, présentée comme l’opportunité d’avoir une nouvelle corde à leur arc, la formation au recrutement est souvent appréciée des managers, observe Valérie Vanbremeersch, directrice Talent Acquisition Groupe chez Artelia : « Nous avons mis en place une formation obligatoire d’une journée, créée par notre service RH, qui rencontre du succès auprès de nos managers. »

Faut-il rendre ces formations obligatoires ? Les avis divergent. L’entreprise Engie a poussé le curseur jusqu’à conditionner l’accès à son ATS à la validation d’une courte formation au recrutement en e-learning.

Article écrit par Delphine Soulas et Maïté Hellio

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