Ma victoire RH : « Avoir créé le service RH de mon entreprise »
La série qui célèbre vos grands succès et vos petites victoires professionnelles. Rencontre avec Nicolas Tourneur, DRH à temps partagé et consultant RH.
« Je suis devenu RH parce que je cherchais un métier où j’allais avoir de l’influence sur la stratégie d’entreprise et où je pourrai contribuer à l’épanouissement des gens au sein de cet écosystème. Mes études et mes premières expériences professionnelles ont confirmé cette perception que j’avais du métier. La fonction RH est noble : on est un rouage essentiel pour faire vivre ensemble une communauté de travail et lui permettre d’atteindre un but qui la dépasse. »
« Passer de contributeur individuel à leader RH »
« En 2022, j’ai voulu relever un nouveau défi : passer de contributeur individuel à leader RH. J’ai rejoint une entreprise de la tech et son fondateur m’a fait confiance pour construire son service RH à partir d’une page presque blanche. Je devais être le 42e collaborateur recruté. L’entreprise comptait trois grandes verticales de métiers : des commerciaux, une équipe technique et une équipe marketing et communication. »
« Au début, je touchais à tout : paie, recrutement, office management… Mais l’entreprise se développait, on avait besoin de recruter et de créer un véritable service RH. La direction m’a laissé de la latitude pour fixer ma feuille de route opérationnelle et stratégique. Ma priorité a été de mettre l’entreprise en conformité avec toutes ses obligations légales vis-à-vis de nos collaborateurs, de l’Etat et de ses différentes institutions, que ce soit en termes d’administration du personnel, paie, de sécurité et santé au travail ou de relations sociales, par exemple. Une fois qu’on était carré sur ce point, j’étais déjà plus serein ! Même si ce n’est pas évident pour le dirigeant et les collaborateurs car la valeur perçue peut être assez faible. »
« Appréhender les projets RH comme des projets produit »
« Le deuxième gros enjeu était de structurer l’équipe RH. En deux ans et demi, les effectifs sont passés de 40 à 120 collaborateurs et nous nous sommes implantés dans trois autres pays : l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Comment cela s’est traduit sur le plan opérationnel ? J’ai d’abord constitué deux squads : une dédiée au recrutement et l’autre à la gestion des talents. Chaque squad répond aux besoins de l’entreprise à deux moments différents : celui de l’expérience candidat puis celui de l’expérience collaborateur. Au final, nous étions sept personnes au sein de l’équipe RH. »
« J’aime appréhender les projets RH comme le ferait une équipe produit : lorsqu’elle conçoit un logiciel, elle définit tout un tas de features qui sont censés répondre à des besoins clients. Nous, c’est la même chose, on répond aux besoins de ‘’clients internes’’ : le dirigeant, les managers, les salariés et nous-mêmes, les RH. Et en concevant des nouveaux process qui répondent à ce que nous ont dit nos clients lorsqu’on les a rencontrés, dans cette phase de diagnostic, on est sûr de taper dans le mille. J’aime bien aussi l’idée de sortir très rapidement une première version du projet, sur un périmètre plus restreint. Typiquement, c’est compliqué et long de bâtir un référentiel métier ou de rédiger l’ensemble des fiches de poste de l’entreprise. On peut commencer à l’échelle de l’équipe produit, tester ce modèle, recueillir du feedback auprès des personnes concernées, améliorer, réitérer. »
« Des modes opératoires pour les actions RH du quotidien »
« De cette manière, nous avons construit des modes opératoires pour toutes les actions RH du quotidien, pour améliorer l’efficacité sur des tâches répétitives et limiter les risques d’erreur. Par exemple, pour la paie, nous avons listé les données variables à collecter, les saisies à faire dans l’outil de gestion de la paie et les vérifications à faire sur les bulletins avant de passer à l’état de paiement. »
« J’ai ensuite décliné cette façon de faire pour toutes nos missions : le suivi des périodes d’essai, l’organisation des visites médicales, l’onboarding… Ces mini-feuilles de route ont créé des zones de certitudes pour l’équipe RH : elle n’avait plus qu’à dérouler les actions en suivant le mode opératoire, ce qui leur permettait de consacrer davantage de temps aux interactions humaines. Là où l’impact pour nos clients est beaucoup plus fort.»
« Montrer à toute l’entreprise la valeur qu’apportent les RH »
« Au-delà de l’équipe RH, j’ai décidé de rendre cette documentation sur nos process accessible à tous. Je trouve ça très important de montrer la valeur qu’on apporte, en tant que RH, aux dirigeants, aux managers mais aussi à tous nos collaborateurs. »
« Ce dont j’ai été fier, c’est précisément de réussir à ancrer la valeur du service RH dans l’entreprise, de montrer qu’on servait à quelque chose. Quand il y a un manager qui se trouve dans une situation compliquée et qui vient vous en parler, c’est un indicateur de succès. Ce n’est pas simple à mesurer, mais c’est gratifiant pour nous. »
« Pour mesurer de manière factuelle nos réussites en matière de recrutement, on s’est basé sur différents indicateurs :
- Le nombre de candidatures par offre d’emploi ;
- Le taux de conversion de l’entretien de préqualification à l’entretien manager, puis de l’entretien manager à la mise en situation professionnelle, puis de celle-ci à l’offre, puis de l’offre à son acceptation par le candidat ;
- Le taux de conversion des périodes d’essai ;
- Le degré de satisfaction par rapport à l’expérience candidat. »
« Côté expérience collaborateur, j’aime bien me fier à l’indicateur l’e-NPS qu’on a mis en place au premier jour. Je suis également le taux d’absentéisme, le taux d’attrition subit (les départs de l’entreprise) plutôt que le taux de turnover que je trouve moins pertinent dans une entreprise en hypercroissance, le pourcentage de mobilités internes. Enfin, principalement des indicateurs de masse salariale pour rendre des comptes au dirigeant. »
« Sur tous ces plans, j’étais content des résultats obtenus. En revanche, je ne me suis jamais dit ‘’c’est bon, on a atteint le nirvana’’. J’ai la conviction que le service RH, comme l’entreprise, est toujours en mutation et doit sans cesse relever de nouveaux défis et s’adapter. On est un reflet de l’entreprise au service de l’entreprise, on change tout le temps. »
« Si vous devez créer votre service RH dans votre entreprise, je vous conseille de vous renseigner auprès de vos pairs, d’un DRH qui s’est déjà trouvé dans votre situation. Mon deuxième conseil est de s’inspirer des méthodes d’autres métiers. Je vous ai parlé du produit, mais il y a aussi de bonnes idées à aller chercher du côté du marketing ou du commerce et à adapter au recrutement. »
Nicolas Tourneur
DRH à temps partagé et consultant RH
Nicolas Tourneur a été successivement assistant RH, HRBP, puis DRH dans divers secteurs d’activité : industrie automobile, agroalimentaire, digital, banque. Depuis fin 2024, il est DRH à temps partagé et consultant RH au sein de NTO conseil.