Covid-19 : un employeur peut-il obliger ses salariés à se faire vacciner ?

Alors que le vaccin va devenir obligatoire pour certains corps de métier, on s’interroge sur l’organisation de la vaccination en entreprise et sur les droits et les devoirs des employeurs et des salariés en la matière.

Quelque 70 professions sont concernées par l'obligation vaccinale.
Quelque 70 professions sont concernées par l'obligation vaccinale. © Studio Romantic/stock adobe.com

La vaccination en entreprise a certes connu des débuts timides, mais les campagnes se sont accélérées au cours des derniers mois. Quel rôle les employeurs peuvent-ils jouer pour faciliter l’accès à la vaccination de leurs salariés ? Décryptage avec Sandrine Degos, PDG de Care Insight, cabinet spécialisé dans l’innovation en santé.

A l’heure où le variant Delta gagne du terrain et où une quatrième vague épidémique se profile à l’horizon, où en est-on de la vaccination des salariés ?

Il n’existe pas à proprement parler de statistiques permettant d’isoler les salariés vaccinés de l’ensemble des citoyens vaccinés. Mais on peut suivre le nombre d’injections effectuées par les services de santé au travail : le dernier relevé de Santé Publique France, publié fin avril 2021, faisait état de 400 000 injections faites par la médecine du travail.

Les débuts de la vaccination en entreprise ont été timides. Les mesures annoncées par le gouvernement, début mai, pour accélérer la vaccination au sein des services de santé au travail (plus de doses et plus de choix de vaccins) ont-elles porté leurs fruits ?

On constate que l’ouverture à d’autres vaccins que Pfizer a permis d’augmenter le nombre d’injections pratiquées par les services de santé au travail. Pour les autres vaccins, la logistique est moins complexe, on n’a pas forcément besoin de disposer de congélateurs pour conserver les doses.

La campagne de vaccination en entreprise s’accélère aussi car elle présente un aspect pratique pour les salariés, parfois réticents à se rendre dans un centre éloigné de leur lieu de vie ou de travail ou à l’idée de devoir prendre un rendez-vous et d’attendre longtemps. Le fait de personnaliser cette démarche, dans une approche d’entreprise, lève certains freins des salariés.

Quelles sont les attentes des salariés vis-à-vis de leur employeur en matière de vaccination ?

Qu’il leur facilite l’accès à la vaccination, par exemple en les autorisant à aller se faire vacciner sur le temps de travail sans être pénalisé.

On a fait un sondage pour savoir si les salariés souhaiteraient que leur employeur mette en place une campagne de vaccination dans leur entreprise et une majorité d’entre eux y a répondu favorablement.

Les collaborateurs apprécient que leur employeur leur offre cette possibilité parce que c’est plus simple pour eux en termes de gestion d’emploi du temps et parce qu’ils ont l’impression qu’ils vont entendre un discours plus personnalisé de la part des soignants que dans un grand centre de vaccination.

Quelles sont les principales réticences liées au fait de se faire vacciner dans son entreprise ?

Les réserves sont souvent liées à la confidentialité des données de santé : vont-elles être transmises à mon employeur ? C’est important de garantir la confidentialité de ces données et de rappeler aux salariés que le secret médical est respecté.

Même si l’employeur ne peut pas savoir qui est vacciné et qui ne l’est pas, il n’empêche qu’il est important pour lui d’avoir accès à des statistiques permettant de connaître le nombre de salariés vaccinés au sein de son entreprise et, ainsi, de moduler la reprise du travail en présentiel en fonction de ces chiffres. Cette notion d’immunité collective est importante pour les entreprises.

Les collaborateurs sont également perdus dans la multitude d’informations relayées par les médias sur le vaccin. Alors qu’on annonce qu’une troisième dose va être obligatoire et que le variant Delta va se propager au cours de l’été, on comprend qu’il y ait des hésitations, que certains se disent qu’ils ne seront pas bien protégés même s’ils se font vacciner. Ils doivent pouvoir s’adresser à une personne de confiance pour avoir des informations fiables : leur médecin traitant, leur pharmacien ou le soignant présent dans l’entreprise.

En France, un employeur peut-il obliger un collaborateur à se faire vacciner pour venir au travail ?

Le gouvernement vient d’annoncer que les professionnels de santé et les personnes travaillant auprès de population âgée ou fragile devront obligatoirement se faire vacciner d’ici le 15 septembre. Ce sera aussi le cas pour les salariés travaillant dans des lieux de loisirs ou de culture accueillant plus de 50 personnes, mais aussi pour les vendeurs, métiers de l’hôtellerie-restauration et des transports à compter de fin août.

« Il faut accompagner cette obligation en ouvrant un dialogue social, en en discutant avec le CSE et avec la médecine du travail. »

Ce qui est important, c’est d’accompagner cette obligation. Car si ce n’est qu’une obligation, il y a aura de l’opposition, de la triche, voire des démissions. Dans les établissements de santé, les conditions de travail ont été extrêmement dures ces derniers temps et il est difficile de maintenir les effectifs. Pour l’hôpital, le risque était aussi grand d’imposer le vaccin que de ne pas l’imposer. Il faut accompagner cette obligation en ouvrant un dialogue social, en en discutant avec le CSE et avec la médecine du travail.

A ce stade, pour les autres professions que celles que je viens de citer, un employeur ne peut pas exiger mais seulement inciter ses salariés à se faire vacciner. Il n’a pas le droit de demander à un salarié de prouver qu’il est vacciné pour pouvoir venir travailler.

Quel rôle les entreprises peuvent-elles jouer auprès de leurs salariés pour favoriser l’accès à la vaccination ?

Il faut informer ses collaborateurs en leur rappelant que les protocoles de vaccination, d’information et de sécurité sont les mêmes en entreprise que partout ailleurs. Ils peuvent communiquer en s’appuyant, par exemple, sur des programmes tels que Work n’Vax, la solution digitale que nous avons développée pour faciliter l’organisation de la vaccination en entreprise et que l’on propose aux entreprises, à la médecine du travail et aux DRH.

Cette plateforme met à disposition de tous les salariés des informations, des tutoriels et la possibilité de poser des questions à un professionnel de l’Académie de médecine spécialiste des questions d’infectiologie.

« Plus l’employeur sera incitatif, facilitateur et positif, et non dans une communication autoritaire qui suscite la peur ou l’inquiétude, plus il remportera l’adhésion de ses salariés à la vaccination. »

L’autre point essentiel est de faire revivre l’entreprise. Les entreprises qui refont du collectif en présentiel, incitent les salariés à aller se faire vacciner pour mieux profiter de ces temps de retrouvailles, de convivialité : pots, séminaires… Plus l’employeur sera incitatif, facilitateur et positif, et non dans une communication autoritaire qui suscite la peur ou l’inquiétude, plus il remportera l’adhésion de ses salariés à la vaccination.

Se pose aujourd’hui la question de l’incitation positive : doit-on offrir des bons cadeaux ou des primes aux salariés qui se font vacciner ? On sait que cela fonctionne en matière de prévention en santé, pour arrêter de fumer par exemple. Je ne dis pas que c’est l’unique solution mais on peut l’envisager, d’autant que certaines entreprises anglo-saxonnes l’ont déjà testé avec succès !

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