Chômage longue durée #4 : messages aux chercheurs d’emploi et aux recruteurs

A travers plusieurs billets diffusés durant l’été, nous avons pu découvrir quelles phases traversent les demandeurs d’emploi de longue durée : confrontation à un système débordé, perte de confiance en eux, difficultés financières… De cette période, ils tirent tous des enseignements, positifs ou négatifs. Aussi, ils ont accepté de donner quelques conseils aux autres demandeurs d’emploi mais également aux recruteurs, qui n’imaginent pas toujours ce qui se cache derrière un CV.
Et pour conclure cette série d’articles, Sylvaine Pascual, coach en reconversion professionnelle, nous livre son regard sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi en France et quelques conseils utiles pour rester motivé et surtout, aborder cette période en entretien…

« Un mail, même de refus est mieux accepté qu’une absence de réponse. » C’est sans aucun doute le principal reproche des demandeurs d’emploi aux recruteurs. Pour Sylvie, 31 ans, ancienne militaire, c’est un véritable problème, qu’elle analyse en tant qu’ancienne demandeuse d’emploi de longue durée aujourd’hui assistante RH : « Il est très difficile de ne pas savoir pourquoi on n’a pas d’entretien ou pourquoi on n’est pas engagé. Parfois il faut savoir dire au postulant ce qui va et ce qui ne va pas afin de le faire avancer et c’est ce que je m’attache à faire au maximum depuis que j’occupe ma fonction en agence d’emploi. »

Quoi mettre sur son CV ?!

Chloé, 29 ans, graphiste de formation aujourd’hui retoucheuse photo, a été au chômage pendant un an et demi. Elle a constaté que « les professionnels n’aiment pas toujours que l’on soit multi casquettes : graphiste, retoucheuse, photographe et maquettiste. On ne rentre pas dans les cases ! Il ne faut donc pas trop en mettre sur le CV ».
C’est justement tout le paradoxe des chercheurs d’emploi de longue durée : travailler dans un autre secteur au risque de s’éloigner de son domaine de compétences, ou attendre un poste qui vous correspond au risque de manquer d’argent… La plupart n’ont pas d’autres choix que celui de trouver un job. Chloé s’est inscrite comme auto-entrepreneuse pour proposer des séances photos. Sylvain, jardinier-paysagiste et ancien responsable marketing au chômage pendant 2 ans, a vivoté grâce à l’intérim : il a travaillé à la chaîne dans des abattoirs, mis des huîtres en bourriches, fait des inventaires… Patrick, 58 ans, Responsable de communication au chômage depuis 3 ans, fait de tout : « chargé de com’ mais aussi coursier, chauffeur, peintre, décorateur… »

Prendre du recul sur sa démarche

« Apprendre à se connaître »
Pour sortir du chômage à long terme, il faut donc prendre le temps de se consacrer à son propre parcours. « Je conseillerai de faire un bilan de carrière pour apprendre à se connaitre, à mettre en lumière ses points forts, à travailler ses points faibles » conseille Bernard Mauriange, cadre de 53 ans qui avait affiché son CV en 4×3 dans une rue de Nantes pour trouver un poste de Directeur Commercial.

S’aider du réseau
« Il est nécessaire de bien mûrir son projet professionnel et se tourner vers les bonnes cibles. Il ne faut pas négliger les autres, le réseau et il est important de se construire ou de consolider sa visibilité sur internet » ajoute Bernard. Cela passe une inscription et un CV détaillé sur Linkedin, Viadeo, le dépôt de son CV sur les CVthèques des sites emploi, un compte Twitter si l’on travaille dans un secteur qui s’y prête, participer aux évènements et forums liés à votre profession…

« II faut avant tout se réconcilier avec son parcours »

Pour terminer, nous avons posé quelques questions à Sylvaine Pascual, coach en reconversion professionnelle, qui nous a accompagnés tout au long de notre série de billets sur le chômage longue durée. Elle nous livre son sentiment sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi en France, et propose quelques conseils pour rester motivé et faire face aux recruteurs…

Sylvaine pascual coach 2 jpQue dire aux personnes qui sont depuis un certain temps au chômage ?
C’est très facile de donner des conseils aux demandeurs d’emploi tant que l’on ne se retrouve pas à leur place. Franchement, quels conseils opérationnels peut-on donner à quelqu’un qui cherche un emploi depuis trois ans ? Ou à un sénior que tout le monde va diriger vers une activité d’auto-entrepreneur ? Ne croyez-vous pas qu’ils ont déjà tout essayé ? Le plus important pour eux est d’avoir les moyens de s’exprimer autour de ce sujet…

Que pensez-vous de l’accompagnement proposé aux chômeurs en France ?
Il y a des lacunes énormes en termes d’accompagnement, pas seulement pour les chômeurs de longue durée. Il n’y a pas d’outil universel ou miraculeux pour reprendre confiance en soi. Mais reprendre confiance en soi et développer de l’assurance ne se fait pas seulement en passant des entretiens d’embauche d’entraînement comme proposés dans certains cabinets ou certaines structures. En France, on ne prend pas en compte la dimension psychologique de la recherche d’emploi, mais seulement l’aspect opérationnel. Pourtant, d’autres pays comme le Québec sont très en avance sur ce point.

Y-a-t-il des règles à suivre pour rester motivé dans sa recherche d’emploi ?
Pour entretenir l’estime de soi, une chose est importante : prendre la mesure de sa part de responsabilité dans tout ce qui est arrivé de positif dans notre vie. Il faut le faire au quotidien, dans les grandes réussites comme les petites victoires. Il faut savoir reconnaître les compétences, talents ou qualités que l’on a su mettre en œuvre dans tout ce que l’on fait chaque jour. Cela peut constituer une base solide dans laquelle piocher lorsque l’on a quelque chose à faire.
Il y a autre chose que l’on ne recommande jamais aux chercheurs d’emploi mais qui est primordial : se faire plaisir. Quand on ne travaille pas, on a aussi le droit de se lever tard de temps en temps, de se balader, de ralentir le rythme et de se faire plaisir de plein de manières qui ne coûtent rien. Cela donne de l’énergie. Faire du bénévolat, pourquoi pas. Mais si c’est un engagement qui a du sens, on ne s’y investit pas seulement lorsqu’on est au chômage. Et puis il y a le risque de s’y investir tellement que l’on peut délaisser sa recherche d’emploi pour une activité non rémunératrice, et oublier l’objectif premier. Bien sûr, là encore, il ne faut pas faire de généralités.

Que dire à un recruteur lorsqu’il faut aborder une longue période d’inactivité ?
Il n’y a pas de réponse toute faite. II faut déjà avant tout se réconcilier avec son parcours. Une série d’évènements peut expliquer ce chômage de longue durée. Il faut s’approprier ces évènements non pas en tant que victime – exemple : « j’ai 55 ans, personne ne veut m’embaucher… » – car avec ce discours, on ne donnera malheureusement pas envie au recruteur. Le tout est d’être à l’aise et en accord avec son propre discours pour être convaincant.
Il faut éviter le discours de « victime » mais a contrario, il ne faut pas non plus devenir agressif dans son comportement ou face à la fameuse question « Pourquoi êtes-vous au chômage depuis si longtemps ? ». Etre au chômage ne change rien aux compétences que l’on a acquises et à la valeur que l’on a. Une personne en entretien n’est pas un chômeur, c’est avant tout quelqu’un qui propose ses compétences à une entreprise qui en a besoin.

Un grand merci aux personnes qui ont accepté de témoigner !

A lire également :

(Photo : Istockhphotos by Getty / ricardoreitmeyer)

Bien s’équiper pour bien recruter