Sur le marché du travail chinois, on devient senior à 35 ans
Et ces seniors d’un nouveau genre ont de quoi avoir le blues, les entreprises allant jusqu’à leur fermer la porte ouvertement.
Le New York Times nous raconte ainsi l’histoire de Sean Liang, qui dès ses 30 ans, a commencé à craindre la « malédiction des 35 », car en Chine, on considère comme inéluctable d’entamer une traversée du désert professionnelle à partir de 35 ans. Une légende ? Pas tout à fait, quand on sait que le gouvernement chinois a défini un plafond à cet âge pour le recrutement de ses fonctionnaires. Dans ses colonnes, le New York Times s’interroge sur l’origine de ce phénomène qui touche des seniors qui n’en sont pas, tout en rappelant que la discrimination liée à l’âge est une réalité en Chine, où elle n’est pas condamnée par la loi.
50 millions de « jeunes » Chinois au chômage en 2028
Selon M. Liang, la malédiction des 35 est à l’origine de son retour au village de son enfance, car il ne pouvait plus assumer son loyer à Guangzhou. Il y a retrouvé d’autres cousins de son âge, célibataires comme lui, car avoir une famille ne serait pas à la portée de tous les portefeuilles en Chine. Si les Chinois tardent à se marier à cause d’une compétition grandissante pour trouver un job, difficile pourtant d’avoir un panorama complet du marché du travail. Le gouvernement chinois exclut en effet de ses chiffres du chômage (environ 5% en 2023) toute personne ayant travaillé une heure par semaine. Les bilans financier des entreprises racontent une histoire un peu différente, avec des baisses ou des gels des recrutements, voire des vagues de licenciement.
Un économiste chinois projette notamment qu’en 2028, le nombre de Chinois âgé de 16 à 40 ans sans emploi pourrait s’élever à 50 millions. Parallèlement, le nombre de mariage enregistrés connaît une baisse marquée et la population globale a diminué pour la première fois depuis 1961, année qui correspond à la fin de la Grande famine.
Et si la discrimination liée à l’âge touche toutes les tranches d’âge les plus élevées, son effet est d’autant plus saisissant pour ceux qui ne l’étaient pas avant, les trentenaires. Et avant de craindre de ne plus avoir de job, ils avaient des problématiques bien différentes, comme le raconte M. Fan au New York Times : en 2021, pendant trois mois, il a terminé chacune ses journées de travail à plus de 23 heures… Période à laquelle il a également commencé à prendre des tranquillisants, avant d’être licencié en 2022, en même temps que la plupart de ses collègues.
300 CV envoyés pour 10 entretiens d’embauche
Depuis, il a postulé au sein de plus de 300 entreprises et obtenu seulement dix entretiens qui n’ont pas conduit à une embauche. Désormais, il s’intéresse aussi aux offres qui annoncent un salaire 20% à 30% en dessous de son salaire précédent ou qui proposent un poste dans une autre ville que celle où il vit actuellement.
Et les femmes ? A 32 ans, Cici Zhang s’est déjà entendue dire par des recruteurs qu’elle était trop vieille. Sans compter les questions liées à ses projets d’enfant, qui lui sont familières depuis ses 25 ans. Après son licenciement en septembre 2022, elle a contacté plus de 3 000 entreprises, envoyé son CV à plus de 300 pour un taux de réussite proche de celui M. Fan, moins de 10. Mais contrairement à M. Fan, elle a finalement réussi à décrocher un job dans une petite entreprise, sans grand enthousiasme : « J’avais des ambitions. Je voulais avoir des promotions, des augmentations et une vie meilleure, a-t-elle résumé au NewYork Times. Aujourd’hui, je n’en ai plus. Je veux juste survivre. »