Mon chantier RH 2023 : « Améliorer la qualité des processus de recrutement pour attirer les meilleurs candidats »
Deux professionnelles des RH nous livrent leurs axes de travail principaux pour améliorer la qualité de leur parcours candidat cette année.
« Tendre vers un recrutement plus objectif grâce à l’entretien structuré » : le chantier RH de Marie-Sophie Zambeaux
L’entretien structuré, c’est la marotte de Marie-Sophie Zambeaux, responsable du recrutement au sein d’une collectivité territoriale. Embauchée en 2020 pour professionnaliser l’activité recrutement d’un département qui recrute plus de 1 000 personnes par an sur 134 métiers différents, elle compte faire appliquer cette méthodologie à l’ensemble de ses équipes de managers et de recruteurs en 2023.
« Je suis anti-recrutement au feeling ! »
Selon elle, l’entretien structuré permet de « tendre vers un processus de recrutement plus performant, plus objectif, plus fiable et plus équitable en minimisant l’impact des biais cognitifs » : « Je suis anti-recrutement au feeling ! développe-t-elle. D’autant plus que je travaille dans la fonction publique, qui doit se montrer exemplaire. Nous ne devons pas prêter le flanc à des réclamations, à des soupçons de discrimination ou de copinage. »
Autre bénéfice de l’entretien structuré mis en avant par la responsable recrutement : « C’est un outil qui nous permettra aussi de rendre compte plus aisément au candidat des raisons pour lesquelles il n’a pas été retenu. »
Définir des critères directement liés au poste à pourvoir
Quelle sera la feuille de route 2023 de Marie-Sophie Zambeaux ? « Nous n’allons pas pouvoir embarquer nos 134 métiers de front donc on va procéder par étapes. Nous allons dresser une liste des métiers jugés prioritaires pour déployer cet entretien structuré. Ceux qui génèrent une forte volumétrie de recrutement et ceux sur lesquels on a le plus de difficultés à recruter. »
Deuxième temps : aller à la rencontre des 400 managers pour remporter leur adhésion et leur expliquer ce qu’ils ont à gagner des entretiens structurés (une meilleure définition des critères de sélection du candidat, un recrutement plus objectif et qualitatif, un meilleur compte-rendu au candidat…) « Le recruteur doit faire accoucher le manager de son besoin. Les équipes doivent être formées à la méthode des incidents critiques [des exemples de situations dans lesquelles un collaborateur a sous-performé ou surperformé, NDLR] pour obtenir les vrais bons critères de recrutement. Pas des critères génériques (tête bien faite, dynamisme, bon relationnel…), que l’on voit partout, mais des critères directement liés au poste à pourvoir. »
Des questions situationnelles ou comportementales
Ces critères doivent figurer non seulement sur la fiche de poste et sur l’offre d’emploi, mais également être répertoriés dans une grille d’entretien. Avec, pour chacun d’entre eux, une ou plusieurs questions, comportementales ou situationnelles, permettant d’évaluer le candidat sur ce point précis. « Par exemple, à un candidat qui vise un poste de chargé(e) de recrutement, on peut demander ‘’Vous avez un candidat en ligne, il est super, vous le voulez absolument, mais il vous répond que vous arrivez trop tard et qu’il vient d’accepter l’offre d’un concurrent, que faites-vous ?’’ L’objectif est ici de tester la ténacité du candidat pour le poste de chargé(e) de recrutement. Cette mise en situation est bien plus efficace que de poser une simple question : ‘’Êtes-vous persévérant ?’’ »
À chaque item est associée une échelle de notation : « Si le candidat me répond cela, je lui attribue tant de points… ». « On peut également décider de pondérer les critères en fonction de leur degré d’importance ou de leur attribuer un seuil défini en accord avec le manager », précise Marie-Sophie Zambeaux. Il suffit ensuite de faire la somme des notes obtenues et de comparer les résultats des différents candidats pour faire son choix.
« Au début, les personnes qui découvrent la méthode de l’entretien structuré peuvent avoir le sentiment que c’est un exercice automatique, qui consiste à dérouler une liste de questions dont on ne dévie pas. Mais en réalité, quand on le maîtrise bien, c’est fluide et le candidat n’a pas du tout l’impression qu’on passe en revue les différentes questions comme un robot. Si c’est mal fait, le candidat peut avoir le sentiment de passer un interrogatoire, mais si c’est bien fait, il préfèrera cette technique, car, en cas de réponse négative, le refus sera correctement justifié et s’appuiera uniquement sur des critères liés à l’emploi. »
« Un succès si toutes les parties prenantes adhèrent à l’entretien structuré ! »
« Mon chantier sera réussi si on arrive à fixer des critères pertinents sur l’ensemble de nos métiers et à avoir une grille d’entretien qui fonctionne à l’usage. Au bout du bout, ce sera vraiment un succès si toutes les parties prenantes adhérent à l’entretien structuré, à sa philosophie, se sont approprié cette méthodologie, savent l’utiliser convenablement et sont convaincues de ses bienfaits ! », conclut Marie-Sophie Zambeaux.
« Améliorer la projection des candidats en développant le recrutement immersif » : le chantier RH de Charlotte Danzon
« J’entendais trop de chefs d’entreprise vosgiens dire qu’ils n’arrivaient pas à recruter. De nombreuses entreprises du textile ont fermé au cours des dernières dans le département et le secteur peine à attirer des opérateurs », constate Charlotte Danzon, consultante indépendante en recrutement au Mercato de l’Emploi depuis deux ans. Son objectif : redorer le blason de cette industrie au savoir-faire historique en adoptant une approche plus pragmatique et concrète dans le recrutement.
Une visite d’usine à la place d’un entretien d’embauche
« Courant 2022, j’ai proposé à un chef d’entreprise de casser les codes en organisant des visites de son usine à la place des traditionnels entretiens d’embauche. Ce sont des métiers difficiles à expliquer quand on n’est pas sur le terrain. Ce n’est pas la même chose de dire à un candidat qu’il va devoir porter 600 bobines de 2 kg par jour et de lui permettre de les soupeser pour les ranger en hauteur. »
La consultante en recrutement met alors en place des sessions lors desquelles des groupes de maximum dix personnes viennent visiter le site, rencontrer le dirigeant, échanger avec les employés et mettre la main à la pâte : « Sur le terrain, les candidats comprennent en deux ou trois heures si le métier est fait pour eux ou pas. Ils passent 30 à 40 minutes avec une tisserande qui leur montre comment réparer les fils cassés. Ce ‘’nœud de tisserand’’ est un geste précis et méticuleux, tout le monde n’en est pas capable. Discuter, visualiser, manipuler permet au candidat de se projeter ou non dans cet environnement de travail. »
À l’issue de la visite, Charlotte Danzon débriefe avec le chef d’entreprise et définit avec lui les personnes à contacter pour qu’elles effectuent un essai d’un à deux jours. Si l’expérience est concluante, la personne se voit proposer un CDI.
Un recrutement axé sur la personnalité et la motivation du candidat
Les résultats de ce premier test ont été très satisfaisants : depuis le mois de juin, l’entreprise a embauché 11 personnes en CDI alors que jusqu’à présent elle ne recrutait que sur des contrats d’intérim. « Parmi elles, 4 personnes étaient en poste et n’auraient jamais postulé si elles n’avaient pas pu tester ce métier avant de démissionner. Cette expérience nous a permis de maximiser le nombre de candidats en amont, en rendant le recrutement plus inclusif, et de mieux filtrer les candidatures a posteriori. »
Encouragée par ce succès, Charlotte Danzon souhaite développer, en 2023, le recrutement immersif au sein d’autres entreprises qui recrutent davantage des personnalités que des compétences, notamment dans le secteur de l’industrie et de la logistique, sur des postes de caristes ou de magasinier, par exemple. « Ces entreprises forment leurs nouveaux collaborateurs en interne et axent davantage la sélection sur la motivation et la volonté du candidat à s’investir sur le long terme. »
« Un mode de recrutement qui rassure l’employeur et les candidats »
« Alors que l’entretien d’embauche est un théâtre, où l’employeur et le candidat jouent des rôles, le recrutement immersif leur permet d’être eux-mêmes et place l’échange sur un terrain plus vrai, plus spontané et plus horizontal, affirme la recruteuse. Ce mode de recrutement rassure l’employeur et les candidats. Tous sont repartis contents de leur visite, même s’ils estiment que le poste n’est pas fait pour eux. Ils apprennent quelque chose, découvrent l’histoire du textile et la réalité du métier aujourd’hui ou recommandent le poste à leur cercle de connaissance ! »