CDD : quelles sont les règles qui encadrent ce contrat ?
Le conflit qui oppose Kylian Mbappé au PSG ne fait pas que nourrir les rubriques sportives. C’est aussi une belle occasion de rappeler les règles qui encadrent le CDD.
En ce mois de novembre 2025, l’affaire opposant la star du football mondial Kylian Mbappé au PSG cristallise bien plus qu’un potentiel contentieux à plusieurs dizaines de millions d’euros. Le joueur français réclame 240 millions d’euros au club, pour le non-paiement de ses derniers mois de salaire, des primes impayées et la requalification de son contrat de CDD en CDI.
L’affaire met en lumière une vérité : au-delà du spectacle, les règles applicables au CDD demeurent les mêmes que pour n’importe quel salarié, même dans un secteur aussi médiatique que le football. Un rappel pour les professionnels RH qui jonglent quotidiennement avec cet outil juridique aussi précieux que piégeux.
Le CDD, un dispositif sous haute surveillance
Le contrat à durée déterminée n’est pas une simple alternative au CDI. C’est un régime dérogatoire, strictement encadré, dont l’usage repose sur trois piliers : un motif légitime, une durée plafonnée et des mentions obligatoires non négociables.
Des motifs limitativement énumérés
La loi impose une liste fermée de cas de recours : remplacement d’un salarié absent, accroissement temporaire d’activité, emploi saisonnier, missions d’usage dans certains secteurs. Dans tous les cas, le motif doit être explicite, précis et vérifiable au risque d’ouvrir la voie à une requalification en CDI, avec à la clé des conséquences financières significatives pour l’employeur (indemnités, rappel de salaire…).
Le contrat doit mentionner explicitement :
- Le motif ;
- Le nom du salarié remplacé le cas échéant ;
- La durée du contrat incluant la date de fin du contrat, la durée de la période d’essai, une clause de renouvellement si nécessaire ;
- Le poste ;
- La rémunération.
Ces informations ne sont pas de simples formalités, et leur absence expose l’employeur à des sanctions, voire à la nullité du contrat.
Enfin, le contrat doit être remis au salarié dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche. Un délai serré, qui exige une gestion administrative irréprochable.
Durée maximale : le couperet des 18 mois
Sauf dérogations très encadrées, un CDD ne peut excéder 18 mois, renouvellements inclus. Cette limite s’applique à la plupart des motifs, notamment l’accroissement temporaire d’activité. Certaines situations permettent d’étendre la durée à 24 mois, mais ces cas restent l’exception.
Ce plafond vise un objectif simple : empêcher que le CDD ne devienne un substitut durable au CDI. Un principe que les juridictions rappellent régulièrement lorsque les entreprises tentent de contourner cette limite par des montages contractuels successifs.
Renouvellement : deux fois, pas une de plus
Par défaut, un CDD ne peut être renouvelé que deux fois. Au-delà, il doit être transformé en CDI. Cette règle peut toutefois être aménagée par convention collective. Le renouvellement n’est possible que si le contrat initial le prévoyait expressément, ou si un avenant est signé avant le terme prévu.
Attention à la clause de renouvellement : elle doit figurer noir sur blanc dans le contrat initial. Sans cette mention, impossible de prolonger la relation. Et si les conditions de renouvellement ne sont pas respectées, notamment le délai légal entre deux CDD, là encore, la requalification guette.
Le délai de carence : une soupape anti-abus
Pour éviter les CDD en cascade sur un même poste, la loi impose un délai de carence entre deux contrats successifs. Calculé en fonction de la durée du contrat précédent, ce délai varie : la moitié de la durée si le CDD est inférieur à 14 jours, un tiers de la durée si le CDD est égal ou supérieur à 14 jours.
Certaines exceptions existent, notamment pour :
- Le remplacement d’un salarié absent, d’un dirigeant ou d’une personne exerçant une activité libérale ;
- Les emplois saisonniers ;
- Les contrats pour exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, mais la règle reste la norme.
Ce mécanisme évite qu’un poste structurellement nécessaire soit artificiellement occupé par des CDD successifs.
Les obligations de l’employeur : rien n’est facultatif
Égalité de traitement : même règles, mêmes droits
Un salarié en CDD bénéficie des mêmes droits qu’un CDI : rémunération équivalente à qualification égale, accès à la formation, tickets-restaurant, primes, avantages en nature… Le principe d’égalité de traitement ne souffre d’aucune exception, sauf justification objective et vérifiable.
Cette règle implique une vigilance des services RH, car une différence de traitement injustifiée peut rapidement se transformer en contentieux devant les prud’hommes.
Prime de précarité et indemnités compensatrices
À l’issue du contrat, une prime de précarité de 10 % de la rémunération brute totale doit être versée au salarié. S’ajoutent les indemnités compensatrices de congés payés s’il n’a pas pu les prendre.
Attention toutefois : cette prime n’est pas systématiquement due. Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, elle n’est pas versée dans un certain nombre de situations prévues par la loi. C’est notamment le cas pour :
- Les CDD saisonniers ;
- Les contrats de professionnalisation ou d’apprentissage ;
- Les contrats uniques d’insertion (CUI) ;
- Les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) ;
- Les CDD d’usage, propres à certains secteurs ;
- Les contrats étudiants conclus pendant les vacances scolaires ;
- Les CDD transformés en CDI, la prime étant alors remplacée par l’intégration en contrat durable ;
- Les ruptures à l’initiative du salarié (démission ou départ anticipé) ;
- Les licenciements pour faute grave, qui privent le salarié de cette indemnité.
Cette prime est une compensation légale de la précarité inhérente au statut. L’oublier revient à s’exposer à un rappel de salaire devant les tribunaux.
Obligations déclaratives : DPAE, médecine du travail, registres
Comme pour tout recrutement, l’employeur doit effectuer une Déclaration Préalable À l’Embauche (DPAE) avant le début du contrat. Le salarié en CDD doit également passer une visite médicale d’information et de prévention, idéalement avant la prise de poste, au plus tard dans les trois mois.
Enfin, le CDD doit être mentionné dans le registre unique du personnel, avec l’ensemble des informations légales. Une traçabilité indispensable en cas de contrôle de l’inspection du travail.
Rupture anticipée : un terrain miné
Rompre un CDD avant son terme n’est pas impossible, mais les conditions sont strictes. Seuls quelques cas sont autorisés : accord des deux parties, faute grave d’un côté ou de l’autre, force majeure, inaptitude constatée par le médecin du travail, ou embauche en CDI dans une autre entreprise.
Toute rupture non justifiée expose l’employeur au paiement de dommages-intérêts correspondant aux salaires que le salarié aurait perçus jusqu’au terme du contrat.
La période d’essai, si elle est prévue, offre une marge de manœuvre limitée dans le temps. Une fois dépassée, la marge de manœuvre se réduit drastiquement.
Quelles sanctions pour l’employeur en cas de non-respect de la loi ?
Le non-respect des règles encadrant le CDD n’est jamais sans conséquence. La conséquence la plus fréquente est la requalification du contrat en CDI, entraînant une cascade d’effets pour l’employeur : rappel de salaires, versement d’indemnités, ou encore reconnaissance d’une ancienneté remontant au premier jour du CDD.
Mais les risques ne s’arrêtent pas là. En cas de contrôle, l’employeur peut faire l’objet de sanctions administratives ou des amendes en cas de contrôle de l’inspection du travail.
Certaines irrégularités, lorsqu’elles sont délibérées, peuvent relever du pénal (faux motif, absence d’écrit, renouvellement illégal…). Elles peuvent alors entraîner une amende, voire une peine d’emprisonnement.