Le « career cushioning » ou comment sécuriser son avenir pro
Aimée Munier, recruteuse au Mercato de l’Emploi, nous éclaire sur cette stratégie professionnelle.

« Tout le monde rêve de s’offrir un “filet de sécurité” en cette période d’instabilité. C’est précisément la définition du career cushioning : préparer son avenir professionnel à grands renforts de formation ou de réseautage pour anticiper toute perte d’emploi éventuelle. Cette méthode préventive et proactive peut aussi relever de la politique de l’entreprise… »
Préparer son rebond
« Le career cushioning ou “amortissement de carrière” consiste pour un(e) salarié(e) à se protéger face une éventuelle perte d’emploi tout en étant encore en poste. Cela implique d’engranger de nouvelles compétences, de développer son “réseautage”, de se lancer dans des projets professionnels en parallèle (side-project) ou encore d’explorer des opportunités de reconversion en tant que freelance. Ce terme gagne en popularité durant les périodes d’incertitude économique, en particulier lorsque les discussions sur les licenciements et la sécurité de l’emploi inondent les réseaux sociaux ou les chaînes d’information. Cette approche proactive trouve un écho auprès des collaborateurs qui souhaitent protéger leur carrière contre les changements imprévus, tout en soulignant le devoir d’adaptabilité propre à chacun. »
Les causes du career cushioning
« Selon une étude de Robert Walters réalisée en 2023 au Royaume-Uni, 37 % des cols blancs pratiquent le career cushioning, principalement en raison du manque de sécurité de l’emploi. Les autres raisons incluent les conditions économiques, les changements internes dans les entreprises et l’insatisfaction professionnelle. En effet, les craintes liées à la récession, à l’incertitude économique et aux licenciements ont accru ce sentiment d’insécurité professionnelle, poussant les talents à se préparer à des perturbations imprévues, voire à une perte d’emploi. Il faut également noter que de multiples collaborateurs privilégient désormais la flexibilité, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ainsi que des carrières plus épanouissantes, ce qui les incite à envisager des plans B ou des rôles alternatifs de façon plus récurrente. Chez certains, le principe du “zapping d’emploi” devient un art de vivre. Préparer le terrain en cas de retournement professionnel ou de changement programmé de job implique de mener différentes actions… »
Les manifestations du career cushioning
« – Réseautage : développer et élargir son réseau professionnel pour identifier de potentielles opportunités d’emploi. Faire son entrée dans des clubs d’affaires comme les BNI (Business Network International) vise à consolider et développer son réseau. L’objectif est de rester en alerte face à tout changement et d’accéder au “marché caché”, si une opportunité d’emploi se profilait à l’horizon. Le bouche-à-oreille est souvent efficace…
– Montée en compétences : se former et obtenir des certifications pour améliorer son employabilité et s’adapter aux évolutions du marché du travail. Les Google Ateliers Numériques sont gratuits et très utiles en la matière. Notamment pour se former sur l’IA…
– Exploration d’activités secondaires : se lancer dans des missions freelance ou des projets parallèles pour diversifier ses sources de revenus et acquérir de l’expérience supplémentaire. L’objectif est de lisser le risque et de sécuriser une seconde source de revenus en cas de perte d’emploi.
– Personal branding : mettre à jour son profil sur les réseaux sociaux professionnels, son CV et son portfolio pour refléter ses réalisations et montrer sa préparation à de nouvelles opportunités. Activer la fonctionnalité #OpenToWork sur Linkedin montre son degré d’ouverture à ces nouvelles opportunités !
– Veille sur le marché de l’emploi : surveiller les tendances du secteur et les offres d’emploi pour rester informé sur les options de carrière disponibles. Enregistrer son CV dans les CVthèques des jobboards. Se mettre en lien avec des recruteurs et des “chasseurs de tête” pour prendre le pouls du marché et indiquer son ouverture d’esprit. »
Les entreprises aussi à la manœuvre
« Face au risque d’obsolescence des compétences et à la percée croissante de l’IA pouvant supplanter certains salariés dans leurs tâches, les entreprises investissent aussi dans des programmes de perfectionnement et de développement de carrière de leurs collaborateurs. En menant une talent review précise et en identifiant les lacunes dans certains domaines, l’entreprise préserve sa performance collective et évite un taux de turnover trop important qui peut déstabiliser son organisation. »
Une pratique qui pose question
« Le fait de jouer sur plusieurs tableaux peut éloigner le collaborateur de sa fonction actuelle et de ses responsabilités quotidiennes. Avoir son esprit ailleurs peut avoir un mauvais impact sur ses résultats et attirer l’attention de son employeur. De plus, la recherche d’emploi ajoute un stress supplémentaire et une forme de surmenage qui peut être préjudiciable pour sa santé mentale… La méthode de career cushioning devient alors contre-productive. Parfois, Il est préférable d’échanger simplement avec son employeur afin de connaître les perspectives de l’entreprise et la viabilité de son poste. Cela évite de tout anticiper et cela permet de travailler et vivre dans l’instant présent ! »